Indus : pas vu pas pris

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Indus : pas vu pas pris

Publié le 10 février 2025
Par Anne-Charlotte Navarro
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Après avoir fourni ses premières explications par écrit, un professionnel de santé visé par un indu doit obligatoirement être reçu physiquement par la caisse primaire d’Assurance maladie. En cas de non-respect de cette procédure, la sanction est nulle.

Les faits

Mme D., infirmière libérale, fait l’objet d’une analyse d’activité professionnelle par la caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM) du Finistère. Cet audit porte sur une période de deux ans, entre décembre 2016 et décembre 2018. Le 20 mars 2019, la caisse lui notifie un indu et, moins de quatre mois plus tard, le 1er juillet 2019, le directeur de la CPAM lui adresse une notification de griefs avant de prononcer à son encontre un avertissement. Le 12 août 2019, Mme D. reçoit ledit avertissement. Elle saisit alors la juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale pour le contester.

Le débat

Les caisses d’Assurance maladie détiennent des pouvoirs de contrôle étendus, détaillés dans le Code de la Sécurité sociale. Pour autant, ces analyses doivent se dérouler dans le respect des droits de la défense et du contradictoire qui permettent à toute personne mise en cause dans une procédure judiciaire ou administrative d’avoir accès à un procès juste et équitable, d’être présumée innocente, d’être assistée et représentée par un avocat, de garder le silence et d’être jugée dans un délai raisonnable. Le principe du contradictoire, quant à lui, garantit à chaque partie la possibilité de prendre connaissance des faits, du droit et des preuves fournies. C’est à ce titre que l’article L. 114-17-1 du Code de la Sécurité sociale dispose que « le directeur de la caisse primaire d’Assurance maladie adresse au professionnel de santé en cause une notification, qui doit préciser les faits reprochés et le montant de la pénalité encourue et indiquer à la personne en cause qu’elle dispose d’un délai d’un mois à compter de sa réception pour demander à être entendue, si elle le souhaite, ou pour présenter des observations écrites ». Ainsi, ce n’est qu’à l’issue de ce laps de temps ou après l’entretien que le directeur peut prendre sa décision. Dans ce cas précis, Mme D. a fourni des observations écrites au directeur de la CPAM avant de lui réclamer une entrevue. Or, ce dernier n’a pas souhaité la recevoir, considérant qu’il n’était pas obligé de le faire puisqu’il avait déjà reçu ses arguments. Le 6 juillet 2022, la cour d’appel de Rennes (Ille-et-Vilaine) rejette la demande de Mme D. Les juges estiment que le refus de l’entretien ne constitue pas une violation des droits de la défense et du principe du contradictoire. D’autant qu’elle a eu accès aux éléments de preuve en possession de la CPAM. L’infirmière libérale forme alors un pourvoi en cassation.

La décision

Le 9 janvier 2025, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. Les hauts magistrats retiennent que, selon les articles L. 114-17-1 et R. 147-2 du Code de la Sécurité sociale, le droit du professionnel de santé à être entendu, préalablement au prononcé de la sanction envisagée contre lui, constitue une formalité substantielle, dont l’inobservation entraîne la nullité de la procédure de sanction. Par conséquent, le directeur d’un organisme local de l’Assurance maladie ne peut pas notifier à un professionnel de santé un avertissement, avant de l’avoir entendu, si celui-ci le lui avait demandé, dans le délai d’un mois qui lui est imparti, même si des observations écrites ont été présentées.

Source : Cass. soc., le 9 janvier 2025, n° 22-21.030.

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À retenir

Après avoir notifié un indu, le directeur de la caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM) peut engager une procédure de sanction à l’encontre du professionnel de santé concerné.

Ce dernier a la possibilité de lui envoyer des observations écrites et de demander à être entendu, à condition de répondre dans un délai d’un mois.

La CPAM doit faire droit à ces demandes. À défaut, la procédure de sanction est nulle.