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Puis-je ouvrir le dimanche ?
Introduisant un nouvel espace de liberté économique en autorisant l’ouverture dominicale des commerces, l’application loi Macron ne doit pas être une prise de tête ! Encore peu utilisée, « elle autorise les établissements de vente au détail situées dans des zones dites “touristiques” “commerciales” ou “touristiques internationales” à ouvrir toute l’année le dimanche, à condition qu’ils soient couverts par un accord collectif (branche, entreprise ou établissement) prévoyant les contreparties financières pour les salariés », rappelle Rodolphe Meneux, avocat chez Fidal. Or, sauf erreur, en pharmacie, aucun accord n’a été signé à ce jour entre les syndicats de titulaires et les centrales de salariés sur ce volet emblématique de la loi Macron. Ceci étant, si les commerces emploient moins de 11 salariés, elles n’ont pas besoin de trouver d’accord avec les syndicats.
GARDES menacées ?
Accord signé ou pas, le souci n’est pas là. La question est de savoir si l’application de la loi Macron pose problème au regard de l’organisation des gardes du dimanche. Celle-ci est normalement assurée par les organisations syndicales représentatives dans le département, voire par le préfet « qui désigne de manière limitative les officines en charge de ce service », précise Guillaume Fallourd, avocat du cabinet Fallourd. La loi Macron risque donc de jouer les éléments perturbateurs dans un domaine historiquement sensible, où le service de garde et d’urgence est soumis à des contraintes imposées par le Code de la santé publique. Mais Matthieu Blaesi, avocat du cabinet Sapone-Blaesi, est formel : « La Loi Macron ne change strictement rien, affirme-t-il. Indépendamment de cette loi, les officines de pharmacie ont depuis longtemps la possibilité d’ouvrir le dimanche. » Toutefois, à deux conditions. Que le préfet n’ait pas pris un arrêté ordonnant la fermeture des pharmacies qui ne sont pas désignées de garde. Et qu’elles restent ouvertes pendant toute la durée du service considéré (article L.5125-22 du CSP).
DÉROGATION au Code du travail
Le Code du travail ne fait pas plus obstacle à l’ouverture le dimanche. « Même si le principe veut que le repos hebdomadaire soit pris le dimanche, précise Matthieu Blaesi, les pharmacies n’ont pas attendues la loi Macrton, en raison des nécessités du service public, pour déroger à ce principe, en application des dispositions de l’article L. 3132-12 du Code du travail. Elles accordaient donc un repos hebdomadaire par roulement, notamment en raison des gardes. » Et Guillaume Fallourd d’ajouter : « Le fait que les pharmacies puissent ouvrir de manière plus fréquentes le dimanche ne change rien aux vues des dispositions du Code du travail. » Elles doivent s’appliquer en l’absence d’accord de branche.
SOUVERAIN préfet
Si rien ne change, un dilemme se profile néanmoins pour le préfet. En tant que représentant de l’exécutif, il doit appliquer les lois, Macron comprise. Est-ce à dire qu’il devrait revenir sur ses arrêtés de fermeture le dimanche pour les pharmacies qui ne sont pas de garde ? Ou octroyer des dérogations d’ouverture en considération de lieux précis ou de situations particulières, tenant compte des dispositions de la loi Macron ?
Si, à l’avenir, aucun arrêté ne devait être pris dans ce sens, l’horizon serait bou ché pour le pharmacien qui veut ouvrir le dimanche. « Il devra respecter l’arrêté de fermeture, quitte à attaquer le bienfondé de cet arrêté devant le tribunal administratif », conseille Matthieu Blaesi. Inversement, il serait possible pour le pharmacien de demander au préfet de réévaluer le service de garde et de solliciter la rédaction d’un arrêté d’ouverture dérogatoire. N’en déplaise à ceux qui mènent un combat d’arrière-garde ! En PACA, « sans préciser si cette solution était contenue dans les accords intersyndicaux, le tribunal administratif de Nice a reconnu la légalité de l’arrêté du préfet accordant une dérogation d’ouverture, non seulement aux pharmacies de garde, mais aussi aux pharmacies situées dans l’enceinte d’un aéroport », indique Guillaume Fallourd.
OCTROIS du maire ?
La loi Macron ne change rien non plus pour les pharmacies autres que touristiques. Elles ne pourront pas invoquer la capacité de dérogation accrue des maires pour ouvrir quelques dimanches par an, si un arrêté préfectoral s’y oppose dans leur département. « La loi Macron permet aux établissements de commerce de détail d’ouvrir, après autorisation du maire, 12 dimanches par an au lieu de 5 auparavant, afin de répondre aux spécificités saisonnières ou événementielles de la ville concernée », précise Rodolphe Meneux.
La règle dite des « dimanches du maire » ne peut déroger à un arrêté préfectoral qui détermine les officines de garde. « L’arrêté préfectoral resterait applicable, puisqu’elle est d’un niveau supérieur dans la hiérarchie des normes, répond Guillaume Fallourd. Ainsi, l’arrêté municipal pourrait difficilement servir de fondement à un pharmacien pour contester un arrêté préfectoral le contraignant à tenir son officine fermée. ».
LE CAS DU MOIS
Vous exercez dans un lieu touristique d’une grande métropole et jusqu’ici la question d’ouvrir le dimanche ne vous a pas effleuré l’esprit. Par respect à l’égard de vos confrères, vous ne vous en tenez qu’à vos obligations de participer aux services de garde et d’urgence. Mais voilà ! Votre chiffre d’affaires chute sous l’effet des baisses de prix des médicaments. Du coup, l’idée d’ouvrir 7 jours sur 7 pour arrêter l’hémorragie vous chatouille, depuis que la loi Macron est venue autoriser l’ouverture des commerces le dimanche dans des zones dérogatoires telles que la vôtre. « Puis-je ouvrir le dimanche sous couvert de cette loi, alors que je ne suis pas de garde ? » La question vous taraude. Mais comment ne pas vous attirer les foudres des instances professionnelles et de vos confrères ? Eclairage.
LES EXPERTS
Rodolphe Meneux AVOCAT CHEZ FIDAL
Guillaume Fallourd AVOCAT DU CABINET FALLOURD
Matthieu Blaesi AVOCAT DU CABINET SAPONE-BLAESI
Andrée Ivaldi PRÉSIDENTE DU SYNDICAT DES PHARMACIENS DE PARIS
AH OUI !
Estimer la rentabilité d’une ouverture le dimanche. Avant de décider d’ouvrir certains dimanches, il convient de savoir si économiquement le jeu en vaut la chandelle. Evaluez le chiffre d’affaires complémentaire à réaliser pour couvrir les frais de personnel, sachant que la rémunération des salariés est obligatoirement majorée.
OH NON !
N’ouvrir que la matinée. Pour profiter, par exemple, du jour du marché. Un pharmacien qui n’est pas de garde le dimanche ne peut pas ouvrir le dimanche matin seulement.
Cas d’écoleLa solution parisienne
A Paris, l’ouverture des commerces le dimanche a souvent mis la profession en ébullition quant au travail dominical en pharmacie et à ses conséquences sur l’organisation des gardes, de jour comme de nuit. Trop d’officines ouvertes le dimanche, pas assez toute la nuit. Un dossier qui dans les années 2000 a donné du fil à retordre à Andrée Ivaldi, présidente du syndicat des pharmaciens de Paris, et titulaire de la pharmacie du Samaritain dans le 1er arrondissement. Le préfet de Paris a du s’y employer en prenant des arrêtés pour interdire l’ouverture des officines le dimanche hors service de garde. Des arrêtés aussitôt attaqués devant les juridictions administratives… mais qui ont tenu bon. « Seules les pharmacies parisiennes portées au tableau de garde peuvent ouvrir, indique-t-elle. Et qu’elles soient ou non en zones touristiques, la durée de service de garde est de 8 h à 21 h. » Les pharmacies étant suffisamment nombreuses sur Paris, une issue au conflit a pu être trouvée en inventoriant celles qui veulent participer aux tours de garde. « Nous avons à ce jour 250 pharmacies qui participent au tour de garde du dimanche, toutes sur la base du volontariat, précise Andrée Ivaldi. Des quotas d’ouverture ont été fixés par arrondissement. » Ainsi, tout le monde y trouve son compte. Les pharmacies les plus demandeuses ne ferment que quelques dimanches dans l’année.
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