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Prendre congé d’un arrêt maladie finit par payer

Publié le 23 octobre 2021
Par Anne-Charlotte Navarro
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Pour un salarié en longue maladie, l’acquisition des congés payés est une question épineuse, obligeant les juges à jouer les équilibristes. Sans filet ?

LES FAITS

Le 30 novembre 2006, Mme O. est engagée en qualité d’infirmière de prévention par la société A. Elle est placée en arrêt de travail du 27 décembre 2013 au 24 janvier 2016. A son retour, elle prétend bénéficier des congés payés acquis avant son arrêt et des jours de congé cumulés durant ses deux années d’arrêt de travail. Face au refus de son employeur, elle saisit le conseil de prud’hommes.

LE DÉBAT

Depuis plusieurs années, la législation française contrevient au droit européen sur la question des congés payés pendant un arrêt maladie. La directive européenne du 4 novembre 2003 dispose que tout salarié d’un Etat membre doit bénéficier chaque année de cinq semaines de congés payés. De son côté, l’article L. 3141-3 du Code du travail précise que « le salarié a droit à un congé de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif ». Le code liste ensuite les périodes considérées comme du travail effectif. L’arrêt pour maladie non professionnelle, comme celui de Mme O., n’est pas assimilé à un travail effectif et ne permet donc pas d’acquérir des congés payés. Mme O. demande pourtant l’application de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, dans laquelle les magistrats européens ont considéré qu’il n’y avait pas lieu de distinguer l’origine de la maladie du salarié pour lui permettre d’acquérir des congés payés. La cour d’appel de Nancy (Meurthe-et-Moselle), le 19 septembre 2019, prend appui sur la convention collective à laquelle Mme O. était soumise pour considérer que, lorsque l’employeur doit maintenir le salaire pendant la durée de l’arrêt maladie, le salarié acquiert des congés payés. Estimant l’argument faible et demandant la stricte application de la loi française, l’employeur de Mme O. forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

La mission de la Cour de cassation était délicate. Elle devait faire application de la directive européenne alors que le droit français n’a pas transposé le texte. Le 15 septembre 2021, les hauts magistrats considèrent « qu’il faut interpréter le droit national à la lumière du droit européen et essayer, dans la mesure du possible, de garantir le respect de la directive en retenant une solution conforme à la finalité de celle-ci, à savoir garantir des congés payés au salarié ». Elle confirme donc l’interprétation de la cour d’appel. La Cour de cassation ajoute que « le droit au congé ne résulte pas seulement d’une directive européenne, mais également de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ». Cette charte a un effet direct, c’est-à-dire que les salariés peuvent l’invoquer pour obtenir des congés payés pendant leur arrêt maladie.

Rappelons qu’à l’officine l’article 25 de la convention collective assimile, dans la limite de deux mois consécutifs ou non par année civile, la période d’arrêt maladie à un travail effectif permettant de cumuler des jours de congé. La décision prise par la Cour de cassation permet donc au salarié d’obtenir des congés payés au-delà de deux mois.

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Source : Cass. soc. 15-9-2021 n° 20-16.010 FS-B.

À RETENIR

La convention collective de la pharmacie est mieux-disante que le Code du travail. Elle permet au salarié en arrêt maladie (hors congé maternité) d’acquérir au maximum 5 jours ouvrables de congé par année.

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne octroie au salarié le bénéfice d’une période annuelle de congés payés, que celui-ci soit en arrêt maladie ou à son poste pendant la période d’acquisition des jours de congé. Ce texte peut être invoqué par les salariés désireux de faire valoir leurs droits.

La cour de cassation considère que lorsque l’employeur doit maintenir le salaire pendant l’arrêt de travail, le salarié acquiert des jours pendant toute la durée de celui-ci.