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De dérapages en rattrapage
L’heure de la réorganisation a sonné. Depuis le 1er janvier, il faut réapprendre à compter. Les semaines font 35 heures et la monnaie se décline en euro. Sérénité ou vent de panique, quel que soit votre état d’esprit les règles du jeu sont strictes… même si elles ne sont pas toujours claires. Pour éviter la chute et trouver votre équilibre, voici quatre cas d’école, solutions à l’appui.
1. Temps partiel
Les données du problème
Quatre salariés travaillent dans l’officine de Stéphane D. :
Antoine est assistant coefficient 400 et travaille à temps plein.
Bernard est aussi assistant coefficient 400 mais travaillait avant RTT à temps partiel : 35 h/semaine.
Catherine, préparatrice au coefficient 280, travaillait aussi à temps partiel soit 30 h/semaine.
Didier, lui, préparateur au coefficient 280, travaillait également à temps partiel 20 h/semaine.
L’officine est ouverte de 9 h à 19 h en continu du mardi au samedi. Stéphane D. souhaite conserver ces plages d’ouverture dans la mise en place de la réduction du temps de travail. De plus, il tient à ce que deux salariés soient toujours présents du mardi au vendredi, le samedi nécessitant la présence de trois salariés dont obligatoirement un assistant…
Solution
Depuis le 1er janvier 2002, Antoine travaille 35 heures par semaine. Pour calculer son salaire, le titulaire applique la nouvelle grille conventionnelle de janvier 2002, étant rappelé qu’Antoine a conservé la rémunération qu’il percevait avant la réduction du temps de travail. Au 31.12.2000, le salaire d’Antoine s’élevait à 13 182 francs. Stéphane D. doit donc lui garantir au 31.01.2002 : 13 182 francs sous la forme de la rémunération au nouveau taux horaire en vigueur à laquelle s’ajoute l’IRTT (indemnité compensatrice de réduction du temps de travail), et le tout en euros (2 009,58 Euro(s)) !
Le titulaire peut également proposer à ses salariés à temps partiel d’entrer dans le processus de la réduction du temps de travail. En effet, si l’article 7 de l’accord de branche, qui traite des temps partiels, indique que les officines ont « la possibilité d’inclure les salariés à temps partiel dans la RTT sans pouvoir toutefois la leur imposer », le même article précise plus loin qu’« il est rappelé que lesdits salariés [à temps partiel, NdlR] bénéficient de droits équivalant aux salariés à temps complet » – cette précision reprend d’ailleurs les dispositions précisées dans les lois Aubry, le Code du travail (L. 212-4-2 alinéa 9) et la directive européenne du 15 décembre 1997 pour lesquels « un salarié à temps partiel doit être traité comme un salarié à temps plein ».
Stéphane D. peut donc proposer à ses salariés de réduire ou de maintenir leur temps de travail. De plus, si un poste à temps plein devient vacant et que l’un de ses salariés à temps partiel possède les compétences requises pour le poste, il doit le lui proposer en priorité.
Bernard choisit de maintenir son volume d’heures. Etant à 35 heures, il se trouve à partir du 1er janvier 2002 à temps plein.
Si Stéphane D. applique stricto sensu l’accord de branche, la rémunération de Bernard au 31.12.2002 suit l’évolution de la grille des salaires, soit : 1 966,25 euros (18 898 F).
Bernard, au même coefficient et à plein temps comme Antoine, touchera donc un salaire inférieur de 43,33 euros.
« Il apparaît, dans le cas cité, une différence de traitement entre Didier et Bernard. Cette situation est cependant conforme à la loi Aubry et à l’accord de branche, explique Alain Naintré, avocat au barreau de Limoges et spécialiste des 35 heures à l’officine. Un grand nombre de titulaires, sur les recommandations de leurs conseillers juridiques, n’appliquent pas l’accord de branche sur ce point car ils l’estiment défavorable aux salariés ; ils préfèrent appliquer strictement le principe « à travail égal salaire égal », en instaurant pour les temps partiels une IRTT. »
Didier, qui travaillait 20 heures par semaine, décide de diminuer son temps de travail dans les mêmes proportions qu’un salarié à temps plein (soit 10,25 %) comme la loi l’y autorise. Il fera donc 2,05 heures de moins soit un volume d’heures hebdomadaires de 18 heures.
En décembre 2000, Didier gagnait :
– taux horaire : 54,60 F/h ;
– moyenne mensuelle : 20 x 52/12 = 86,66 heures par mois ;
– salaire : 86,66 x 54,60 = 4731,64 F = 721,33 Euro(s).
En janvier 2002, si Stéphane D. applique stricto sensu l’accord de branche, il calcule le salaire de Didier en utilisant un taux horaire de 9,07 euros (pour un coefficient 280). Didier effectue 78 heures par mois et doit donc percevoir un salaire de : 78 x 9,07 = 707,46 Euro(s) soit 4 640,63 F.
« Si on applique la loi de non-discrimination des temps partiels, il est obligatoire de garantir à Didier la rémunération qu’il percevait avant la réduction de son temps de travail. La garantie de salaire prendra la forme d’une IRTT », conseille Alain Naintré (IRTT = 721,33 – 707,46 = 13,87 euros).
Pour Catherine, le titulaire décide, outre les possibilités de réduire ou de garder le même volume horaire, de lui proposer de travailler à temps plein pour combler les heures de présence en moins de Didier. Catherine accepte.
Au 31.12.2000, la référence pour le calcul de son salaire était l’équivalent temps plein soit 9 227,41 francs ou 1 406,71 euros. Elle effectuait 30 heures par semaine, soit 130 heures par mois, et gagnait donc : 54,60 x 130 = 7 098 F/mois = 1 082,08 euros.
Si on applique le taux horaire de 9,07 euros, Catherine aura à partir du 1er janvier 2002 un salaire de : 151,67 x 9,07 = 1 375, 65 euros.
Au même coefficient 280, un temps plein passerait de 39 heures à 35 heures avec un salaire de 1 376,25 euros et une IRTT de 30,33 euros soit 1 406,7 euros.
« Une fois encore, même si l’accord de branche ne le stipule pas explicitement, il est préférable d’appliquer l’IRTT à Catherine qui pourrait arguer devant un tribunal d’une discrimination vis-à-vis d’un temps partiel », rappelle Alain Naintré.
Le réaménagement des horaires des temps partiels constitue une modification de leur contrat de travail initial, il nécessite donc que Stéphane D. et les salariés à temps partiel, individuellement, soient d’accord sur les nouveaux horaires. Pour Catherine qui travaille cette fois à temps plein, il a totale liberté sur l’organisation des horaires. « La négociation collective constitue cependant un garde-fou pour prévenir d’éventuels conflits avec l’équipe, met en garde Alain Naintré. Le plus judicieux consiste pour l’employeur a proposer à l’équipe d’aménager ses horaires comme elle le souhaite en posant comme principe de base les contraintes de l’officine [deux salariés en semaine et trois le samedi dont un assistant au moins pour l’officine de Stéphane D., NdlR]. »
Attention également, dans le réaménagement des horaires, de tenir compte des obligations d’une durée maximale quotidienne de travail de 10 heures sur une amplitude de 12 heures !
Un temps de pause de 20 minutes est obligatoire avant la sixième heure de travail consécutive. Cette pause peut laisser libre le salarié de vaquer à ses occupations, dans ce cas elle ne compte pas dans le décompte du temps de travail effectif. Il peut également s’agir d’une pause « postée », dans ce cas, on rémunère le temps de pause…
2. Heures supplémentaires
Les données du problème
François S., titulaire d’une pharmacie dont l’équipe est constituée d’un préparateur et de lui-même, a beau tourner et retourner le problème, les 35 heures, dans les faits, ce n’est pas pour lui à moins de réduire son temps d’ouverture et de perdre de la clientèle. Pour faire face, sa solution passe par le recours aux heures supplémentaires. Voilà déjà un an qu’il pratique l’exercice conservant des semaines de 39 heures au lieu des 37 heures. Son problème est de garder le même rythme – alors que les 35 heures sont désormais obligatoires – tout en respectant la loi et de conserver le bénéfice des aides dont il dispose.
Elisabeth M., titulaire d’une officine n’employant que des temps partiels, a, elle, l’esprit libre. Les 35 heures ce n’est pas pour elle puisque personne dans l’officine ne franchit le cap horaire fatidique.
Solution
Tout d’abord, il serait bon d’ôter son insouciance à Elisabeth M., de peur que le retour à la réalité ne soit brutal.
Si tous vos salariés sont à temps partiel et que vous avez choisi de ne pas entrer dans un processus de réduction du temps de travail et appliquez seulement la grille des salaires, les avocats s’interrogent sur la possibilité pour vos salariés de saisir un tribunal sur le fondement de la discrimination. Si un tel recours a peu de chance d’aboutir devant une juridiction française, il n’en serait probablement pas de même, devant la Cour de justice européenne.
Sachez qu’il y a un risque que vos salariés, arguant de la situation dans d’autres officines, saisissent la justice pour discrimination des temps partiels en comparant leur salaire à celui d’un salarié d’une autre officine. « Sous certaines conditions, une officine n’employant que des temps partiels et qui entre dans le dispositif de RTT peut bénéficier des allégements de la loi Aubry II, rappelle Alain Naintré. Il peut donc être judicieux de revaloriser les salaires et de proposer aux salariés à temps partiel une réduction de leur temps de travail. » Un bémol toutefois : toutes les directions départementales du temps de travail n’ont pas la même politique, mieux vaut alors les consulter préalablement à toute RTT afin d’éviter ensuite de voir vos droits aux allégements contestés par l’URSSAF.
Pour ce qui est du cas de François S., rien ne sert de se culpabiliser, le tout est de rester dans le cadre de la loi. Si l’officine ne peut bénéficier du décret publié au Journal officiel du 16 octobre 2001 et qui porte le contingent annuel d’heures supplémentaires de 130 à 180 heures par salarié, elle dispose tout de même d’une marge de manoeuvre suffisante pour agir en toute légalité.
En effet, pour le calcul des heures supplémentaires entrant dans le contingent de 130 heures de son préparateur, François S. bénéficie de mesures transitoires qui lui facilitent considérablement la vie. Rémunérées ou compensées par un repos (dans ce cas, elles ne sont pas déduites du contingent) dès la 36e heures, les heures supplémentaires ne sont décomptées du contingent annuel qu’à partir de la 38e heure effectuée pour 2002. Cet avantage sera prolongé en 2003, la barre étant abaissée à la 37e heure.
Côté rémunération, chacune des quatre premières heures supplémentaires donnera lieu, pour 2002, à une bonification ou à une majoration de salaire de 10 %. Pour 2003, les cours seront à la hausse puisque le taux de bonification passera à 25 %.
Pour les craintes liées à la pérennité des aides, notre titulaire peut être rassuré. En effet, si les aides et allégements prévus par les deux lois Aubry impliquent un respect strict des engagements pris par l’entreprise en cas de réduction du temps de travail, la loi n’entend pas interdire le recours aux heures supplémentaires. Elle conditionne pourtant le maintien des aides à un recours exceptionnel à ce moyen. De plus, face à une structure réduite comme l’officine de François S., il est possible de compter sur la clémence des autorités. Pour ceux qui disposent d’effectifs plus importants, les difficultés de recrutement sont également au nombre des excuses qui justifient le maintien des aides en dépit d’un recours jugé abusif aux heures supplémentaires. A vous de conserver précieusement les preuves attestant du dépôt d’offres d’emploi auprès de l’ANPE ainsi que celles montrant qu’il n’a pu y être donnée une suite favorable.
3. Modulation
Les données du problème
Laurent N. est titulaire d’une officine de quatre salariés (deux à temps plein, deux à temps partiel) dans une ville moyenne de province. Constatant que son activité varie en fonction des périodes de l’année et des vacances scolaires, il décide d’opter pour la modulation dans le cadre des 35 heures pour l’ensemble de ses collaborateurs.
Hélène, assistante à temps plein dans une officine de station balnéaire, se voit proposer un aménagement de son temps de travail suivant les principes de la modulation. Après discussion, elle se rend compte qu’elle est la seule salariée à être concernée et se demande si elle est tenue d’accepter.
Solution
Attention, si modulation rime avec solution, sa souplesse a des limites ! Il n’est pas question de choisir arbitrairement de faire varier ses horaires d’ouverture de façon ponctuelle même si c’est un bon moyen pour éviter le recours excessif aux heures supplémentaires, et par là même d’entrer dans les exigences des modalités de la réduction du temps de travail.
Tout d’abord, en raison des amplitudes horaires qu’elle offre, choisir la modulation implique une réduction du contingent annuel des heures supplémentaires, le contingent de 130 heures passant à 88 heures annuelles. De plus, dans le cas de Laurent N, une baisse d’activité imputable aux vacances scolaires n’apparaît pas comme un motif suffisant pour prétendre à l’adoption de la modulation. Ce système ne peut être annualisé et se trouve donc peu adapté à la situation. Chaque période de modulation est, en effet, soit de treize, soit de vingt-six semaines.
De plus, sous ses apparences flexibles, ce système arbore un certain nombre de restrictions et non des moindres puisqu’elles excluent nos deux pharmaciens de son cadre. Cette mesure, qui ne peut être adoptée qu’après consultation de l’équipe officinale concernée, doit s’étendre à l’ensemble des collaborateurs à temps plein et ne peut s’appliquer à ceux qui travaillent à temps partiel.
La modulation n’est pas synonyme d’improvisation. Quelle que soit sa durée, elle est régie par un calendrier où figurent les heures de travail et les jours de repos et qui doit impérativement être établi vingt et un jours calendaires avant le début de la période de modulation. Enfin, les horaires doivent respecter une certaine amplitude prédéfinie par la loi. Le nombre d’heures travaillées par semaine peut ainsi varier entre 26 heures pour les semaines de basse activité et 44 heures pour les semaines hautes.
Utile, ce système n’en est pas moins complexe et nécessite une étude approfondie du mode de fonctionnement de l’officine sur plusieurs années pour vérifier sa pertinence.
4. (JRTT)
Jours de récupération du temps de travail
Les données du problème
Fabienne, assistante, bénéficie d’un jour de congé, fixé au jeudi, pour toute période de quatre semaines de 37 heures effectuées ou d’une demi-journée, toujours le jeudi, pour deux semaines travaillées sur la base de 37 heures. Compte tenu des jeudis fériés qui se profilent à l’horizon 2002, elle s’inquiète de savoir si son titulaire peut la contraindre à effectuer une garde et à être présente à l’officine même si elle a posé un jour de récupération et, dans ce cas, ce qu’il adviendra de son congé.
Aude, de retour de congé maternité, s’étonne de voir son solde de jours de récupération plafonner à zéro alors que le passage aux 35 heures est intervenu dans l’officine durant son absence.
Anne, préparatrice, a eu la malchance de tomber malade lors d’une journée de récupération. Son congé maladie prenant effet à cette date, elle espère bien que son congé n’est que partie remise.
Solution
Compte tenu du casse-tête que représente déjà la prise des congés payés, beaucoup de titulaires préfèrent opter pour la réduction horaire du temps de travail répartie sur 5,5 jours ou pour une répartition de la durée du travail sur quatre jours. Si vous avez choisi l’attribution de jours de repos ou jour de récupération du temps de travail (JRTT), outre la difficulté d’harmoniser la prise de ces journées avec le bon fonctionnement de l’officine, c’est la modalité de leur acquisition qui peut poser problème.
Le principe de base est simple. L’article L. 212.9.1 du Code du travail précise que le nombre de jours de repos est déterminé par le nombre d’heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire légale, soit 35 heures. Les congés, les absences, les jours fériés chômés sont autant de périodes durant lesquelles les salariés ne peuvent prétendre capitaliser des JRTT. Ainsi, il est tout à fait normal qu’Aude ne dispose d’aucun jour de récupération à son retour de congé maternité.
En revanche, les congés et les absences sont sans incidence sur le nombre d’heures de repos déjà acquis. Ceci implique donc que Fabienne ne perdra pas son JRTT s’il tombe sur un jeudi férié et que, si son employeur lui demande d’être présente à l’officine pour assurer la garde, elle devra récupérer son JRTT et un jour de récupération relatif à la garde, soit deux jours. Enfin, les espoirs d’Anne sont fondés puisque le fait que son congé maladie soit initié le jour même de sa récupération ne la pénalise pas. Elle peut tout à fait prétendre à son report à une date ultérieure. –
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