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CONTRATS À DURÉE DÉTERMINÉE

Publié le 31 janvier 2004
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Rien n’interdit à un pharmacien titulaire de conclure chaque année un contrat de travail temporaire saisonnier avec le même salarié. Mais, pour éviter des déconvenues, il faut bien en comprendre les subtilités. Revue de détails.

Un piège à double tranchant

Les pharmacies dont l’activité est fortement liée aux saisons font fréquemment appel aux CDD ; mais la confusion est vite faite entre contrat de travail temporaire saisonnier et CDD pour surcroît temporaire d’activité. Ce type de confusion a joué un mauvais tour à un jeune pharmacien thésé qui, au sortir de son service national, décide de partir travailler à la montagne l’hiver et l’été à la mer. Il signe un contrat saisonnier de 5 mois et, à son terme, est étonné de ne pas toucher l’indemnité de précarité. En effet, un tel contrat n’ouvre pas droit à cet avantage. Autre mauvaise surprise dont a été victime, cette fois, un titulaire. Pendant plusieurs années, un salarié est embauché chaque année sous contrat saisonnier, toujours à la même période. Du fait de la reconduction du CDD, saison après saison, sans contester le caractère saisonnier de son emploi, le salarié lui demande de changer ses contrats en CDI en raison de la longueur de la relation contractuelle établie et de son sentiment d’appartenance au personnel permanent de l’entreprise. Ce dernier refuse. Un conflit s’installe. Le contentieux est porté devant les tribunaux…

La vraie nature du contrat

Avant de signer un CDD justifié par l’augmentation d’activité due à la saison, il convient de s’interroger sur sa nature profonde. L’officine peut-elle être jugée saisonnière et son activité permet-elle de recourir ou non au contrat saisonnier ? La réponse est complexe. « La distinction entre le travail saisonnier et le simple accroissement d’activité repose sur le caractère régulier, prévisible, cyclique de la répétition de l’activité ou du travail en question », précise Alain Naintré, avocat à Limoges. « L’activité saisonnière correspond à l’exécution de travaux normalement appelés à se répéter chaque année à dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs et qui sont effectués pour le compte d’une entreprise dont l’activité obéit aux mêmes variations », complète Eric Rocheblave, avocat à Montpellier. « Si l’activité – critère qui permet de déterminer le caractère de saisonnalité – existe toute l’année mais connaît des variations selon les saisons, le motif de recours au CDD n’est pas le travail saisonnier mais une variation d’activité », traduit Fabienne Rizos, coresponsable de Moniteur Expert. Ainsi, l’affectation d’un salarié à des tâches diverses, sans corrélation avec le rythme des saisons, ou à des tâches accomplies à toutes époques de l’année ne saurait s’opérer par le biais de contrats de travail temporaire saisonniers.

Pour Alain Naintré, le caractère saisonnier de l’emploi doit s’apprécier au regard des activités spécifiques que celui-ci couvre. « Si le titulaire embauche en CDD une personne qualifiée pour tenir un rayon de solaires durant l’été, on peut considérer que ce contrat est saisonnier. En revanche, si la personne est affectée à des tâches courantes de l’officine accomplies à toutes les époques de l’année, le motif de recours n’est alors pas le travail saisonnier mais une variation d’activité justifiant un CDD pour accroissement temporaire d’activité. » Mais, citant une jurisprudence du 18 février 2003 (Cass. soc., MS n° 2859), Fabienne Rizos rappelle que « la possibilité donnée à l’employeur de conclure un CCD pour accroissement temporaire d’activité de l’entreprise n’implique pas pour lui l’obligation d’affecter le salarié à des tâches qui ont généré ce surcroît d’activité ».

Les pièges du contrat saisonnier

Le contrat saisonnier se caractérise par : sa durée maximale, fixée à huit mois ; par l’absence de délai de carence entre les contrats ; enfin, par l’absence d’indemnité de précarité (10 %) qui n’est pas due. Le renouveler systématiquement avec un même salarié est possible, la loi n’en interdit ni n’en limite le recours. Dès lors que le contrat est réellement conclu pour pourvoir un emploi saisonnier, systématiser son renouvellement n’a pas pour effet d’entraîner à lui seul la requalification en CDI (Cass. soc., 15.10.02, n° 00-41.759).

« Il en va différemment lorsque l’intéressé est employé chaque année pendant toute la période d’ouverture ou de fonctionnement de l’officine ou lorsque les contrats saisonniers sont assortis d’une clause de reconduction pour la saison suivante, souligne Fabienne Rizos. Dans ce cas, et du fait des renouvellements intervenus sur le fondement de cette clause pendant plusieurs années de suite, les contrats successifs constituent un ensemble à durée indéterminée, même si chaque période de travail est seulement garantie pour la saison. » Sur ce dernier point, pour éviter la requalification des CDD en CDI et au titulaire d’être traîné devant les prud’hommes pour rupture de contrat de travail et licenciement abusif, il est plus prudent de prévoir une clause conventionnelle de réemploi qui a pour seul effet d’imposer à l’employeur une simple priorité d’emploi en faveur du salarié.

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Les mises en garde d’Alain Fallourd, avocat

Recours habituel aux contrats saisonniers

Il faut être d’une très grande prudence. Si les ouvertures de la pharmacie ont été autorisées en tenant compte, dès le départ, d’une importante variation d’activité, cette variation s’intègre dans le fonctionnement normal et ordinaire de l’officine et ne justifie pas le recours à un contrat saisonnier.

Requalification en CDI

Dès lors que toutes les conditions sont remplies pour que le contrat soit considéré comme étant un contrat saisonnier, il n’est pas possible pour le salarié de solliciter une requalification en CDI lorsque ledit contrat se reconduit, d’année en année, pendant de très nombreuses années.

Priorité à la réembauche

Les contrats de travail successifs sont toujours considérés par la Cour de cassation comme étant des contrats à durée déterminée. Il n’y a donc pas de requalification au sens strict. En revanche, jusqu’à présent, la Cour de cassation considère que l’ensemble des contrats à durée déterminée a fini par créer une situation particulière qui ne permet plus à l’employeur, sans motif valable, de ne pas réembaucher le salarié la saison suivante dans le cadre d’un CDD.

A retenir

Avant de recourir au contrat saisonnier, interrogez-vous : votre activité est-elle bien saisonnière ? C’est-à-dire si elle n’existe pas toute l’année en connaissant des variations selon les saisons. Dans cette dernière hypothèse, le motif de recours n’est alors pas le travail saisonnier, mais une variation d’activité justifiant un CDD pour accroissement temporaire d’activité.

En cas de conclusion d’un contrat saisonnier et de sa reconduction successive chaque année avec le même salarié, veillez à ce que ce contrat n’ait pas une durée plus longue que celle de l’activité saisonnière et qu’il ne prévoit pas de clause de reconduction pour l’année suivante. Sinon, gare à la requalification !