Temps de travail et congés Réservé aux abonnés

COMMENT GÉRER LES RETARDS

Publié le 5 mars 2011
Par Françoise Sigot
Mettre en favori

Plutôt que de subir les retards de salariés pour cause de grève, d’aléas climatiques ou de nourrice absente, mieux vaut anticiper. Bien cadrées, ces situations se gèrent la plupart du temps sans trop de difficultés. Conseils d’avocat.

Quand il neige en abondance ou que les transports en commun sont en grève, il est bien difficile de se rendre sur son lieu de travail à temps. En général, employeurs et salariés parviennent à s’organiser pour ne pas entraver la bonne marche de l’entreprise. Mais pas toujours. Et nombreux sont les officinaux, comme tous les employeurs, qui doivent parfois faire face à une désorganisation de leur entreprise à cause de ces événements exceptionnels. Avec à la clé bien des interrogations sur la conduite à tenir avec son personnel.

« Dans le Code du travail, seules figurent des règles relatives à la récupération des heures perdues en cas d’interruption collective du travail. En effet, les textes indiquent clairement qu’en cas de pénurie de matières premières ou en cas d’interruption de la force motrice, c’est-à-dire, par exemple, une coupure d’électricité, l’entreprise peut se retrouver dans l’obligation de fermer ses portes. Un certain nombre de dispositions sont prévues permettant de récupérer les heures perdues », explique Claire Dupont-Guérinot, avocate au sein du cabinet Lamy Lexel.

En revanche, lorsque tout autre événement extérieur, comme les aléas climatiques ou les grèves, affectent le fonctionnement d’une officine ou de tout autre type d’entreprise sans qu’il soit possible de parler d’interruption collective, aucun texte ne vient définir la conduite à tenir par l’employeur envers ses salariés. Et la jurisprudence n’est guère abondante en la matière non plus. En tout état de cause, le principe à retenir est que « le salarié perçoit une rémunération en contrepartie du travail qu’il effectue. Par conséquent, lorsque le travail n’est pas effectué, l’employeur n’a pas à le rémunérer, il est alors en droit de faire une retenue sur salaire à concurrence de la durée de l’absence du salarié », précise l’avocate.

Anticiper les événements par une note de service

Pour éviter une retenue sur salaire, la plupart du temps il faut compter sur des arrangements entre employeurs et salariés pour gérer ces situations. « L’employeur peut alors proposer un rattrapage des heures perdues ou l’imputation de cette absence sur les congés payés ou les jours de RTT, en accord avec les salariés concernés », poursuit la spécialiste du droit social. Sur la forme, ces « arrangements » peuvent être décrits dans des accords d’entreprise, dans le cas où il existe des représentants du personnel pouvant négocier ces accords avec leur direction. A défaut, dans les petites structures, il peut être envisageable de rédiger une note de service. Sinon, la gestion de ces retards risque de se pérenniser de façon plus informelle sous forme d’usage. La plupart du temps, ces « arrangements » ne feront l’objet d’aucun écrit et les situations seront traitées au cas par cas. Ainsi, un employeur tolérera deux jours de retard par an pour cause d’événements exceptionnels là ou un autre fera preuve de plus ou moins de mansuétude à l’égard de ses collaborateurs.

Publicité

Une autre voie pourrait consister à encadrer ces situations par une clause insérée dans le contrat de travail. « Mais attention, toute clause incluse dans le contrat de travail engage l’employeur, il n’est donc pas possible de faire figurer une telle clause dans le contrat d’un salarié et pas d’un autre. De plus, cela contractualise la pratique et si l’employeur souhaite revenir en arrière, par exemple parce que son entreprise est confrontée à des difficultés financières, il devra obtenir l’accord des salariés concernés », prévient Claire Dupont-Guérinot. C’est pour cette raison que, dans la pratique, la gestion de ces situations reste souvent informelle.

L’absence ou le retard pour cause de grève des transports ou d’intempéries, comme une forte couche de neige rendant les routes impraticables, dans la mesure où ils ne sont pas contestables, ne constitue pas une faute de la part du salarié. Par conséquent, le salarié ne peut pas être sanctionné pour cette raison. « Il pourrait donc être intéressant de prévoir ces situations périlleuses pour l’entreprise et les modalités de leur gestion par une note de service », conseille l’avocate. C’est un moyen relativement souple car une note de service n’étant pas contractuelle, il est possible d’y mettre fin sans l’accord des salariés. « Toutefois, les dispositions fixées dans une note de service s’apparentent à un usage ; pour les modifier ou y mettre fin, il convient de respecter certaines règles et d’attendre un délai qui est en général de plusieurs mois entre la dénonciation de cet usage et sa fin ou l’entrée en vigueur des modifications, rappelle Claire Dupont-Guérinot. Néanmoins, de tels événements peuvent être une porte ouverte à ce que certains salariés profitent de la situation. Il faut donc fixer les règles avec précision. »

Aussi est-il prudent, si l’on souhaite encadrer ces pratiques, de faire figurer une définition claire et précise des motifs susceptibles de causer un retard (par exemple en précisant que l’accord vaut pour les grèves ayant fait l’objet d’un dépôt de préavis…). Enfin, avec ou sans dispositions précises, un employeur peut toujours adresser un courrier à un collaborateur qui arrive fréquemment en retard. En général, un premier courrier de recadrage (et pas nécessairement un avertissement) suffit à faire rentrer les choses dans l’ordre.

Une jurisprudence pour les retards des trains ?

Fin 2010, un avocat de Melun (Seine-et-Marne) qui n’avait pas pu se rendre à un procès en province à cause d’un retard de train a porté l’affaire devant les tribunaux, estimant que son client et son activité avaient été pénalisés par ce retard. La cour d’appel de Paris a donné raison à l’avocat en soulignant le non-respect par la SNCF de ses « obligations de ponctualité » et en prenant en compte les conséquences financières de cette défaillance. Ce jugement peut être de nature à créer une jurisprudence pour les employeurs et les salariés lésés par ce type de situation.

TÉMOIGNAGE

« J’ai revu l’organisation de l’officine pour faire face aux retards »

UN TITULAIRE FRANCILIEN

« J’ai été confronté durant plus d’un an à des retards répétés de mes collaboratrices. L’une prenait des transports en commun qui n’étaient pas à l’heure une fois sur deux. L’autre était en retard parce que l’école ou la nourrice de ses enfants étaient régulièrement défaillantes. Au début, je passais l’éponge, mais la situation est rapidement devenue intenable. Au final, j’ai donc décidé de remettre à plat l’organisation de l’officine en revoyant le temps de travail et en adaptant les horaires de chacun à ses contraintes. Désormais, l’une arrive à 10 heures, une autre plus tôt et une autre encore part en milieu d’après-midi. Nous avons précisé ces horaires dans les contrats de travail, et pour l’instant tout le monde s’y tient. »