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Une revalorisation du point en suspension

Publié le 29 avril 2023
Par Yves Rivoal
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Sauf retournement de situation, il ne devrait pas y avoir d’augmentation de salaire de branche en 2023 à l’officine. Les syndicats de salariés ont en effet claqué la porte, le 18 avril, de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation. Et ensuite ?

 

Lors de la réunion de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation (CPPNI) qui s’est tenue le 18 avril, les syndicats de salariés ont rejeté d’un commun accord les 2 % d’augmentation proposés par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Et ont conditionné la reprise des négociations de branche à la signature d’un accord salarial répondant aux attentes légitimes des salariés. Or, comme les chambres patronales ont, de leur côté, annoncé qu’elles ne seraient pas en capacité d’obtenir des mandats à la hauteur des revendications des salariés, qui réclamaient entre 5 et 10 % de hausse, il ne devrait pas y avoir de revalorisation en 2023 pour les équipes officinales. Sauf renversement de situation.

Des salariés pénalisés

 

Du côté de la FSPF, on regrette cette rupture du dialogue social. « Alors qu’en année glissante l’inflation a atteint 5,7 %, les deux chambres patronales ont fait preuve d’esprit de responsabilité en appliquant, sur la même période, deux accords salariaux conduisant à une augmentation cumulée des rémunérations conventionnelles de 6,09 %. En intégrant la proposition faite hier par les chambres patronales, le montant cumulé des augmentations pourrait atteindre 8,21 % en année glissante, soit un gain de 2,51 % en termes de pouvoir d’achat », explique la FSPF dans un communiqué. En rappelant que la décision de l’intersyndicale empêchera les collaborateurs des pharmacies d’officine de bénéficier d’une revalorisation immédiate de 400 € net par an en moyenne.

 

Même bruit de fond du côté de l’USPO qui s’était associée à la proposition de la FSPF. « Après l’embellie enregistrée en 2021 et 2022 grâce aux prestations liées au Covid-19, les officines ont retrouvé un rythme d’activité normale, rappelle Daniel Burlet, responsable des affaires sociales du syndicat. Elles subissent en outre, elles aussi, de plein fouet l’inflation, sans pouvoir la compenser puisque 90 % de notre économie repose sur des prix réglementés. Et comme nous ne connaissons pas encore le résultat des négociations économiques qui démarreront à l’automne, il nous était impossible économiquement d’accéder aux demandes des syndicats de salariés. D’autant plus que nous n’avions pas de mandat pour aller au-delà des 2 %… »

Pas là pour « faire la manche »

 

Du côté de l’intersyndicale, cette décision est donc pleinement assumée. « Nous n’étions pas venus faire la manche, s’insurge Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral de la branche pharmacie d’officine de Force ouvrière. Nous proposer une revalorisation du point de 2 %, alors que nous avions déjà refusé 1,80 % en janvier, n’était pas acceptable, quand on sait que le Smic a déjà progressé de 1,81 % en janvier et augmentera à nouveau de 2,19 % en mai prochain. » « Ces 2 % auraient donc été insuffisants pour replacer au-dessus du Smic la dizaine de coefficients qui, dans la grille de raccordement, risquent de se faire rattraper par le salaire minimum le 1er mai », ajoute Joël Grebil, secrétaire général de l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa) chimie pharmacie. Les syndicats de salariés contestent aussi les chiffres avancés par la FSPF. « Quand cette dernière explique que les salaires ont augmenté de 6,09 % en 2022, c’est vrai en niveau, mais pas en masse car la première augmentation de 3 % n’a été applicable qu’à la mi-mars, la seconde fin août. Nous sommes donc loin du compte », assure Olivier Clarhaut.

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Le départ de l’intersyndicale a eu pour corollaire de couper court à toutes les autres discussions à l’ordre du jour. La constitution d’un groupe de travail avait aussi été évoquée après la présentation par la FSPF de son plan de refonte de la classification des métiers de la pharmacie, qui ne figurait toutefois pas à l’ordre du jour. « Mais si les chambres patronales veulent avancer sur ce dossier, cela ne pourra se faire que lorsque nous aurons signé au préalable un accord sur la revalorisation des salaires », rappelle Stevan Jovanovic, secrétaire fédéral en charge de la branche santé libérale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) santé-sociaux. 

Renouer le dialogue

 

Les organisations syndicales de salariés n’entendent toutefois pas baisser les bras. Dans un communiqué intersyndical publié le 19 avril, « elles appellent solennellement la FSPF et l’USPO à reconsidérer leur stratégie salariale et à revenir, dans les meilleurs délais, à la table de négociation avec des propositions décentes. » « Et si la situation devait rester figée, nous ne nous interdirons pas d’aller exposer la situation de blocage au ministère du Travail », prévient Stevan Jovanovic.

 

« La balle est désormais dans le camp des chambres patronales, résume Joël Grebil. Mais je ne vois pas trop comment elles pourraient accepter ce statu quo car nous avons devant nous de nombreux dossiers importants à traiter. » Sur ce point, syndicats de salariés et chambres patronales semblent au moins d’accord. La FSPF indique dans son communiqué « regretter cette situation qui a également pour effet le blocage de dossiers nécessitant des décisions urgentes, dans l’intérêt des salariés (HDS* de branche, prévoyance, refonte de la classification des emplois de la pharmacie d’officine, etc.) » et en appelle, de son côté, « au sens des responsabilités des organisations syndicales représentatives des salariés. »

 
 
 
  • * Haut degré de solidarité.