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Primes ou intéressement pour mon équipe ?

Publié le 26 octobre 2016
Par Francois Pouzaud
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Dans les périodes difficiles, l’heure est aux remises en question quand aux moyens de motiver son personnel. Et si vous songiez au dispositif d’intéressement ? L’idée étant d’associer les salariés aux résultats, ou – de préférence quand les indicateurs financiers flanchent – à la performance de votre entreprise. Ainsi, l’intéressement peut être calculé en fonction d’atteintes d’objectifs néanmoins quantifiables, comme l’expansion d’une nouvelle activité, le développement des services, l’augmentation de la fréquentation, le niveau de satisfaction client… François Médioni de FM consulting estime que « le dispositif a toute sa place dans les pharmacies s’il porte sur des critères qui garderont leur pertinence quelle que soit l’évolution de l’activité. » La prime collective d’intéressement est divisée de manière égalitaire entre tous les salariés (ou en fonction de leurs salaires/temps de travail). Exonéré de taxes sur les salaires et de cotisations patronales, l’intéressement est déductible du revenu imposable de l’employeur. Alors pourquoi s’en priver ?

VISION à long terme.

Force est de constater que l’accord d’intéressement est fastidieux à mettre en place (signature d’un accord pour 3 ans minimum, communication de l’accord à la Direccte, création possible d’un plan d’épargne salariale pour verser les primes…). « Les pharmacies qui se sont lancées dans l’aventure de l’intéressement et qui ont échoué, avancent toutes les mêmes raisons : un engagement triennal, un argent bloqué en cas d’affectation des primes sur un plan d’épargne salarial. Ce qui est trop long pour des équipes officinales qui souhaitent être récompensées rapidement », analyse Philippe Astier d’Abilys Conseil (membre du réseau Socco Consult). Pour Grégory Balès, du cabinet Les Nouvelles Pharmacies, « l’intéressement gagnerait cependant à être expliqué par les experts comptables pour que les titulaires puissent plus facilement y avoir recours. »

PRIMES choisies.

Au catalogue des autres possibilités de motivation financière, les primes classiques (sur objectifs de vente, challenges avec l’aide des laboratoires, chèques-cadeaux, etc.) sont les plus couramment pratiquées. Ces méthodes de management ont fait leurs preuves mais elles ont leurs limites. « Le système de primes est efficace mais seulement sur des périodes courtes, ainsi, on parvient mieux à motiver le personnel sur deux mois que sur trois mois », observe Philippe Astier. Quant à la prime exceptionnelle de fin d’année, tout le monde s’accorde à reconnaître qu’elle n’a plus d’effet quand elle devient systématique et passe donc pour un dû aux yeux des salariés. Pire, « si le contexte économique de l’officine impose de la revoir à la baisse, cela sera perçu comme une sanction », ajoute François Médioni. Pour éviter de tomber dans cet écueil, il conseille de dénoncer un an à l’avance cette prime exceptionnelle et de la remplacer l’année suivante par un système de double prime. La première sera calculée par rapport à une augmentation de chiffre d’affaires (hors vigneté), la seconde par rapport à un projet ou une mission confiée au salarié, à des évolutions attendues dans son comportement (attitude, accueil de la clientèle, écoute au comptoir, conseil, ponctualité au travail, etc.).

SOLUTIONS panachées.

La question est aussi de savoir si l’on verse des primes collectives ou individuelles. « Si des collaborateurs se sentent lésés par une prime collective, parce qu’elle ne distingue pas le mérite individuel, il faut trouver rapidement un autre type d’incitation en complément », recommande Philippe Astier. François Medioni estime qu’il faut panacher des primes individuelles avec des primes collectives. Pour qu’elles soient équitables, ces dernières doivent être proratisées en fonction du temps de travail, sans distinction des salaires, des compétences et des fonctions de chacun.

Dans tous les cas, le pharmacien doit peaufiner sa stratégie et fixer avec précision des objectifs (ainsi que les indicateurs associés). Les formules de calcul doivent être non alambiquées, explicitées et acceptées. Si les objectifs sont irréalistes, il n’y aura pas de création de valeur.

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Parce qu’il n’existe pas de solution idéale, associer primes à court terme et accord d’intéressement à plus long terme est selon Philippe Astier une bonne piste pour stimuler le collaboratif dans la durée, rendre l’équipe plus performante et satisfaite de son sort. Grégory Balès y ajoute une autre condition : « Cela peut marcher si le montant de l’intéressement est significativement supérieur à une prime classique. »

LE CAS DU MOIS

Dans un contexte de dégradation de la rentabilité de votre officine et d’incertitudes économiques, vous ne voulez pas prendre le risque d’augmenter les salaires en dehors des hausses dictées par la revalorisation du point. Car une fois attribuée, une augmentation de salaire est pérenne et devient alors déconnectée de la performance.

Cependant, vous avez l’intention de motiver financièrement vos salariés pour les soutenir dans leurs efforts. Aussi, deux solutions s’offrent à vous : mettre en place une politique classique de primes ou, choix plus audacieux, initier un accord d’intéressement qui n’est pas monnaie courante en officine. Que faire ?

LES EXPERTS

Grégory Balès

DIRIGEANT DU CABINET LES NOUVELLES PHARMACIES

Philippe Astier

CONSULTANT ABILYS CONSEIL (SOCCO CONSULT

François Médioni

FONDATEUR DE FM CONSULTING

AH OUI !

Savoir changer les méthodes de management et mixer sa politique d’intéressement avec plusieurs formules pour créer de l’émulation plutôt que de la jalousie ou de la déception.

OH NON !

Fixer une prime d’intéressement – qui est la part de rémunération variable – au maximum du plafond légal (20 % de la masse salariale brute). La perte éventuelle de cette rémunération devient alors confiscatoire en cas de non atteinte des objectifs de résultats.

TÉMOIGNAGE

Des primes sur objectif de rentabilité

Mary-Claude Montier Titulaire de la Pharmacie des Atlantes à Saint-Pierre-des-Corps

Pour redonner énergie et motivation à son équipe de 22 salariés, Mary-Claude Montier opte en 2014 pour un système de primes récompensant l’équipe en fonction d’objectifs de rentabilité. Le principe est simple même si la préparation est un peu technique (la référence utilisée est la Performance Commerciale et de Gestion, ce qui correspondant à l’EBE avant rémunération et charges sociales du ou des titulaires). « Au-delà de l’objectif de PCG décidé, le surplus de rentabilité dégagé est rétrocédé pour un tiers à l’équipe sous la forme de primes au mérite, et pour deux tiers à l’entreprise et non pas aux dirigeants ! », précise-t-elle. Une prime non liée au salaire et calculée au prorata du temps de travail. « La prime est individualisée, elle tient compte de la ponctualité au travail du salarié, de sa capacité à se rendre disponible compte tenu des amplitudes horaires importantes de la pharmacie, des initiatives personnelles prises au cours de l’année ou encore de la qualité du travail administratif réalisé. » Le système fonctionne du feu de dieu la première année, mais le départ de 4 salariés (3 licenciements et une rupture conventionnelle) l’année dernière a eu l’effet d’un « trou d’air ». « Par ailleurs, le chiffre d’affaires progressant naturellement de par la taille et la typologie de mon officine, la prime a été rapidement perçue comme une rente. » Aujourd’hui, l’équipe a fait peau neuve et Mary-Claude Montier a décidé de reconduire le même dispositif… en misant parallèlement sur l’agrandissement de son officine et le développement de nouveaux projets pour remotiver ses troupes.