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Où va votre argent ?

Publié le 6 avril 2002
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Titulaire ou adjoint, vous devrez bientôt régler votre cotisation à l’Ordre. Comme chaque année, cer tains d’entre vous contesteront cette cotisation, trouveront qu’ils paient trop, qu’ils ne savent pas à quoi sert cet argent… Nous avo ns donc voulu en savoir un peu plus sur les finances de l’Ordre. Interrogé, celui-ci a bien voulu jouer la transparence. Jusqu’à un certain point…

Répartition des cotisations …

C’est un réflexe français : parlez d’argent, vos interlocuteurs brouillent les pistes. Tabou, le sujet irrite. L’Ordre n’échappe pas à la règle. Interrogé sur ses comptes, il a d’abord joué la transparence, exposant les grandes lignes de son budget, ceux des sections comme des conseils régionaux, avant de s’agacer lorsqu’il lui a fallu fournir des informations plus précises sur certains postes de dépenses. « Les associations comme les entreprises n’aiment pas dévoiler leurs comptes, encore moins donner des détails par peur d’être piégées par les informations qu’elles dévoilent, commente un expert financier. Donner trop de détails soulève des questions ou des critiques qui supposent des justifications, or les responsables n’aiment pas du tout se justifier. Franchement, nous-mêmes conseillons à nos clients de ne se dévoiler qu’a minima, que sur ce qui est strictement nécessaire. »

L’Ordre dispose d’un budget de 16 562 000 euros (108 639 598 F) pour 2001. Ne recevant aucune subvention, ne disposant pas de patrimoine immobilier puisque les bâtiments qui abritent les vingt et un ordres régionaux sont loués, ses revenus proviennent presque en totalité des cotisations que règlent tous les pharmaciens inscrits. Presque, parce qu’en gestionnaire avisé, l’Ordre fait fructifier ce capital. L’appel des cotisations n’ayant lieu qu’une seule fois par an et les dépenses s’échelonnant tout au long de l’année, l’argent des cotisations est placé sur des produits financiers. Rapports : de 1,5 à 2 % du budget par an.

Répartition du budget de l’OrdreBudget 2002/200317 582 600 Euro(s) (+ 5,80 %)Cotisations 2002/2003section A : 348 Euro(s)(+ 3,62 %) section D : 170 Euro(s) (+ 4,04 %)

En fait, la totalité des cotisations est collectée par le Conseil national qui se charge de ventiler cette somme entre chacune des six sections. En début d’année, celles-ci présentent leur budget en exposant leurs projets et leurs priorités pour l’année à venir. Et le Conseil national tranche. En 2001, la section A a reçu 5 431 000 euros (35 625 024 F), la section D 860 000 (5 641 230 F), la section B 378 000, la section C 70 000, la section E 224 000 et la section G 740 000.

Globalement, l’Ordre distribue donc 7 703 000 euros (50 528 367 F) aux sections, soit 46,5 % de son budget. Et le reste ? Il revient… au Conseil national. Car sur chaque cotisation, d’où qu’elle vienne, quel que soit son montant, il ponctionne 132 euros (866 F). Son budget annuel : 8 859 000 euros (58 111 000 F).

« Ce fonds commun permet de couvrir les charges inhérentes au siège parisien de l’Ordre, comme celles des services communs à toutes les sections : juridique, communication, informatique, comptabilité, standard, reprographie ou courrier et, bien entendu, les frais de personnel », explique Michel Cousin, trésorier du Conseil national.

Une indemnité forfaitaire de 80 euros par demi-journée

Le budget du Conseil national est réparti en six grands postes. 2 535 000 euros couvrent les frais de personnels tandis que 1 102 000 euros vont aux frais de fonctionnement : entretien et charges de l’immeuble du siège parisien, achat de documentation, maintenance, location des photocopieurs, gardiennage, etc.

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459 000 euros sont consacrés aux réunions du Conseil national et aux frais de déplacement de ses 29 conseillers, d’ailleurs logés à la même enseigne que l’ensemble des 600 conseillers ordinaux : une indemnité forfaitaire de 53,35 euros (350 F) par demi-journée (80 Euro(s) selon le dernier bulletin de l’Ordre, soit une augmentation de 33 %), plus une prise en charge des frais de restauration, des frais de déplacement à hauteur de 0,38 centime d’euro du kilomètre, des billets d’avion en classe économique et des frais d’hébergement sur la base de 91,47 euros la nuit d’hôtel. « Qu’ils se déplacent au siège parisien ou en région, le temps qu’ils consacrent à l’Ordre c’est autant qu’ils ne passent pas dans leurs officines et laboratoires. Il est donc normal de les dédommager », remarque Michel Cousin.

Le service juridique est doté de 886 000 euros dont 53 % (472 000 Euro(s), 3 090 117 F) sont exclusivement destinés aux actions judiciaires qu’engage l’Ordre contre l’exercice illégal, principalement dans les procès envers la grande distribution. Cinquième poste budgétaire : les amortissements et frais d’emprunts. 999 000 euros (6 553 010 F) permettent de rembourser, notamment, les intérêts des emprunts contractés pour rénover le siège parisien. La remise à neuf des bâtiments (trois immeubles) de la rue Ruysdael à Paris (VIIe), débutée en 1998, aurait coûté aux alentours de 7 622 450 euros (50 MF). Surélévation d’un étage face au parc Monceau, restauration des salons de réception, création d’une salle de conférence de 150 places, création de deux niveaux de parkings en sous-sol, augmentation des surfaces utiles, refontes des installations électriques et sanitaires… expliquent le coût de ces travaux dont une large partie avait été provisionnée.

Enfin, le plus gros du budget (2 854 000 Euro(s), 18 721 012 F) est consacré à « la communication, aux relations extérieures et aux frais de réception ». Pour la communication : 1 677 000 euros. Comprenez les bulletins de l’Ordre, bimensuel et trimestriel, les brochures d’information réalisées notamment avec le CESSPF et le site Internet (150 000 Euro(s) à lui tout seul). Pour les relations extérieures : 800 000 euros. Entendez frais de participation et de représentation au congrès de la FIP (60 000 Euro(s) environ, voyage et hébergement des conseillers pris en charge) et à l’Ordre francophone (50 000 Euro(s) environ), l’organisation du Prix de l’Ordre ou encore les subventions versées à l’Académie de pharmacie et au musée de l’Histoire de la pharmacie. Quant aux frais de réception, n’allez pas croire hâtivement que le reste de cette ligne budgétaire y est consacré, nous n’avons pas obtenu plus de détails, c’est tout !

Côté pharmacie d’officine, les deux sections représentatives A et D se taillent la part du lion avec 37 % du budget total de l’Ordre et 81 % du budget accordé à l’ensemble des sections ! La section A est évidemment la plus gourmande : il faut bien faire fonctionner les vingt et un ordres régionaux. Avec un budget moyen de 215 761 euros, un maximum de 350 000 euros (pour l’Ile-de-France) et un minimum de 73 000 euros, les ordres régionaux grignotent 83,44 % du budget de la section soit 4 531 000 euros. Reste donc 900 000 euros pour le fonctionnement de la section A au siège parisien. Comment et à quoi sont-ils utilisés, combien de permanents y travaillent… ? Nous n’avons eu accès qu’aux grands postes de dépenses de son budget global. 40 % sont consacrés au frais de personnel (40 permanents travaillent en région), 216 000 euros aux frais de fonctionnement,19 % sont dévolus à la communication et aux publications extérieures (vers le grand public), 5 % au travaux sur les bâtiments abritant les ordres régionaux, 4 % aux déplacements des conseillers ordinaux et 162 930 euros aux frais de représentation. Enfin, le président de la section A, Christian Blaesi, bénéficie de 900 euros d’indemnité mensuelle, Jean Parrot percevant, lui, « la même indemnité que n’importe quel conseiller ordinal », selon ses propres termes…

Quant à la section D, avec un budget de 860 000 euros, elle fait figure de parent pauvre. Malgré un nombre d’inscriptions légèrement supérieur (29 279 dont 24 893 adjoints d’officine) à celui de la section A (27 290), son budget est six fois moins élevé (5 431 000 Euro(s) pour la section A) alors même que la cotisation à la section D n’est inférieure que de la moitié environ à celle de la section A. On passe donc d’un rapport de un à deux théorique à un rapport de un à six après attribution des budgets. Certes, direz-vous, mais la section D, elle, n’a pas à gérer vingt et un ordres régionaux. Oui mais voilà : là où les titulaires retrouvent investis dans la section A 59,33 % des cotisations qu’ils ont versées (après retrait de la part du Conseil national et attribution des budgets), les adjoints n’en retrouvent que 18 %. « Je ne peux que le déplorer, commente sobrement Jérôme Paresys-Barbier, le président de la section D. Nous avons 40 ans de retard. Aujourd’hui la section D n’est plus une section de passage. Les pharmaciens adjoints restent dans cette section plus longtemps et beaucoup de confrères y finiront leur carrière. C’est une réalité que l’on devra prendre en compte un jour où l’autre dans les budgets. Tout reste à construire. »

La section D compte dix permanents pour gérer l’ensemble de ses inscrits. En 2001, 29 000 courriers et e-mails, 35 000 coups de téléphone concernant essentiellement des questions de droit ont été traités. 650 000 euros sont donc consacrés aux salaires et charges. Le budget restant, 210 000 euros, est dévolu à différents frais de fonctionnement et de représentation : études juridiques sur des dossiers comme la stérilisation, les PUI ou la loi MURCEF, défraiement des seize conseillers ordinaux de la section qui se déplacent sur tout le territoire et participation à la Fédération internationale de la pharmacie. « Nous n’avons pas de budget « petits fours-champagne », assure Jérôme Paresys-Barbier. Quant à moi, je ne suis pas rémunéré. Je consacre mon temps libre à cette fonction et je perçois la même indemnité que tous les conseillers. »

L’Ordre est-il trop dépensier ? Remplit-il sa mission ? Est-il normal qu’il s’engage dans des opérations de prestige pour représenter et valoriser l’image de la pharmacie ? Aux termes de cette enquête, nous n’avons pas souhaité faire de commentaires. D’abord, parce que nos informations sont partielles, ensuite et surtout, parce qu’il s’agit d’une question d’appréciation personnelle. « L’Ordre pourrait très bien fonctionner et remplir ses missions, s’il était installé dans quatre étages d’une tour de la Défense et en divisant ses coûts par deux », ose un connaisseur du monde pharmaceutique. C’est un point de vue. Quel est le vôtre ?

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Si vous disposiez du budget de l’ordre des pharmaciens….

« Je redonnerais un coup de fouet à cette institution. Je lancerais une grande campagne de communication. Auprès de la profession d’abord pour expliquer son action et sortir de son image répressive. Auprès du grand public ensuite pour transformer l’image de notre profession qui n’a pas bonne presse. » Maîté Legrand, titulaire à Pau (64)

Indépendance

Si vous disposiez du budget de l’ordre des pharmaciens…

« Je pèserais de tout mon poids pour une simplification administrative, la suppression de la paperasse, la défense de l’indépendance, bref pour aider les pharmaciens à faire de la pharmacie. »

Pascal Ceresa, titulaire aux Hôpitaux-Neufs (25)

Ailleurs

– Ordre des médecins : Cotisation unique de 219 euros pour 220 000 inscrits. Budget 2001 : 16 940 719 euros.

– Ordre des chirurgiens-dentistes : 42 378 inscrits pour une cotisation de 298 euros.

– FSPF : 210 euros pour le national et une part supplémentaire par département.

– UNPF (selon barème) : de 0 à 2 salariés, 500 euros, de 3 à 4, 700 euros, 940 euros de 5 à 7 et 1 100 euros à partir de huit.

Haute-Normandie : Une région au crible

Quel est le budget et les grands postes de dépenses d’un conseil régional ? Dominique Brasseur, titulaire à Bernay (27) et président du conseil régional de Haute-Normandie, a joué le jeu de la transparence.

Avec 105 342 euros (691 000 F) pour 2001, la région Haute-Normandie figure dans la moyenne basse des budgets accordés par le Conseil national à ses antennes régionales. « Nous sommes 651 titulaires. Faites le calcul. Notre budget est moitié moins élevé que l’ensemble des cotisations que nous versons, remarque Dominique Brasseur (photo). Chaque année, en décembre ou janvier, nous établissons un budget prévisionnel poste par poste que nous soumettons au conseil central A. La discussion s’engage. Elle peut être âpre. Et l’on obtient tout ou partie du budget que nous souhaitions… »

En 2001, plus de 45 % de ce budget ont été affectés aux frais de personnel, soit… une permanente, à la fois secrétaire et assistante. Deuxième poste de dépenses, les frais de fonctionnement : 21 342 euros (140 000 F). On y trouve l’électricité, l’eau, le chauffage, le téléphone (1 829 Euro(s)), les fournitures de bureau (1 677 Euro(s)), l’affranchissement (1 800 Euro(s)) et surtout 16 008 euros de matériel informatique « entièrement renouvelé à la demande de l’Ordre », précise Dominique Brasseur. Autre activité gourmande : les honoraires juridiques et, surtout, les frais de déplacement et indemnités des conseillers ordinaux. Quatorze personnes siègent au conseil : six conseillers, six suppléants et deux représentants de la faculté de Rouen. « Nous sommes le plus souvent possible sur le terrain, explique Dominique Brasseur. Nous assurons également des permanences au siège de Rouen pour répondre aux questions des confrères. Nous percevons la même indemnité que l’ensemble des conseillers ordinaux, 53,35 euros par demi-journée et 0,38 centime d’euro du kilomètre parcouru. Je suis très souvent sollicité, notamment dans mon rôle de représentant de la profession auprès des autorités locales. Je consacre deux ou trois jours pleins par semaine à ce job et je ne suis pas sûr que ces indemnités couvrent mon absence de l’officine. »

Le siège de l’Ordre, un trois pièces au centre de Rouen, est loué pour 8 538 euros annuels (56 000 F) auxquels il faut ajouter 1 677 euros d’assurance et 2 134 euros de frais d’entretien soit 12 349 euros (81 000 F) pour le poste logement. « Quant à nos frais de réception, que l’on veut montrer du doigt, ils sont précisément de 2 244,96 euros [14 726 F] pour l’année passée, ce qui ne me semble pas exorbitant, commente Dominique Brasseur. Globalement, nous manquons de moyens. J’espère bien obtenir un budget plus important en 2002 pour développer notre communication auprès des confrères. Ils ont besoin de proximité, de mieux nous connaître. »