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FAUT-IL CRAINDRE LA RÉFORME ?
Conclu le 21 mai, le nouveau mode de rémunération des pharmaciens, jugé complexe, suscite de nombreuses inquiétudes sur le terrain. Les pharmaciens avouent ne plus rien comprendre face à la cacophonie provoquée par la division syndicale. Pour dissiper certains doutes, « Le Moniteur » apporte des réponses à vos interrogations les plus récurrentes.
L’appel des trois syndicats à signer la pétition, dans un sens favorable ou défavorable à la réforme des honoraires, sème le trouble. Pour preuve, dans les Yvelines, les interrogations des pharmaciens, au détour de la signature de l’avenant sur la rémunération par un seul syndicat, étaient nombreuses lors d’une soirée d’informations organisée le 5 juin dernier par Hélène Requi, présidente départementale de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). En substance, cinq grandes questions les taraudent.
Le plan d’économie sur le médicament annule-t-il les effets de la réforme sur la rémunération ?
Oui. Le plan d’économie, qui prévoit des nouvelles baisses de prix sur trois ans (2015-2017), a été décidé après la signature du protocole d’accord du 9 janvier. Il remet en cause les points d’équilibre trouvés lors des projections économiques réalisées pendant les négociations conventionnelles. Dans le cadrage économique qui a servi à bâtir la nouvelle rémunération, Philippe Gaertner, président de la FSPF, rappelle que l’impact des baisses des prix industriels sur la marge du réseau officinal est de 217 M€ en 2014 et de 170 M€ en 2015 et qu’en intégrant les rémunérations complémentaires (rémunération sur objectifs de santé publique ou ROSP, astreintes, entretiens pharmaceutiques, remises…) et le nouveau crédit d’impôts (CICE), l’évolution de la marge est à… 0 % en 2015. Un point d’équilibre qui sera touché par le plan d’économies, dont les effets sur l’économie officinale restent encore à mesurer par une étude d’impact. Pour le moment, les partenaires conventionnels se sont donné rendez-vous en septembre, pour négocier la modification de la ROSP pour 2015 et procéder aux réajustements nécessaires. « Les économies induites par les baisses de prix des génériques seront plus importantes que celles liées aux princeps (leur contribution est de 600 M€ sur les 900 M€ prévus en 2015), ce qui impactera les gains potentiels de marge pour le pharmacien. Il faut donc changer le modèle de calcul de la ROSP », explique le président de la FSPF.
Les honoraires de dispensation seront-ils intégrés dans le prix public des médicaments ?
Une question qui reste pour le moment en suspens. Interrogée par le Moniteur, la direction de la sécurité sociale (DSS) s’est contentée d’indiquer que « les pharmaciens auront la faculté d’inclure le montant des honoraires de dispensation à la boîte : 80 centimes HT en 2015, 1 euro en 2016, dans le prix de chaque boîte de médicaments remboursables vendue au patient, que celle-ci ait fait l’objet d’une prescription ou non ». Les précisions seront connues à la publication de l’arrêté de la DGCCRF sur l’affichage des prix.
La signature de la réforme de la rémunération supprime-t-elle les délais plus souples d’écoulement des stocks prévus dans la convention de 2012 ?
Oui. Force est de constater que la FSPF a paraphé l’article 2 de l’avenant rémunération qui annule le délai d’écoulement de 60 jours pour tous les médicaments, un délai conventionnel plus souple que le délai réglementaire (30 jours pour les princeps et 60 jours pour les médicaments génériques). Avec la suppression de la vignette, on n’est plus dans le schéma d’écoulement des boîtes avec vignette mais dans un schéma réglementaire d’application de prix. Gare donc aux achats en direct en cas de baisse de prix après le 1er juillet ! « Les pharmaciens ont intérêt à ne pas stocker les médicaments concernés au-delà de 30 jours ni à garder dans leurs rayons des boîtes trimestrielles », conseille Michel Caillaud, président de l’UNPF, qui craint comme conséquence des ruptures de stock nuisibles aux patients.
L’arrivée de grands conditionnements du paracétamol pourrait-elle avoir une incidence sur la réforme des honoraires de dispensation ?
En théorie, oui, mais en pratique non. En complément d’une baisse de prix des spécialités de marque au 1er janvier, le gouvernement envisage en effet d’augmenter la taille des conditionnements sur le paracétamol. Cette stratégie, déjà appliquée dans de nombreux pays européens, fragilise davantage la réforme de la rémunération. En effet, l’officine perdrait encore plus de marge là où elle comptait en gagner avec la nouvelle marge dégressive lissée, plus rémunératrice sur les médicaments à faible tarif (de PFHT inférieur à 1,91 euro) du fait du transfert des ventes de paracétamol en boîtes de 8 ou 16 comprimés vers des présentations de prix plus élevés. Néanmoins, la perspective d’avoir de grands conditionnements paraît peu probable en raison du risque sanitaire. En France, la taille, par exemple, des conditionnements de paracétamol est limitée à 8 g afin de réduire les risques de suicide par absorption massive, susceptible d’entraîner une insuffisance hépatique grave. Philippe Gaertner avance par ailleurs une raison économique : « Les grands conditionnements augmenteraient les coûts de l’assurance-maladie du fait de la perte de la franchise médicale de 0,50 euro par boîte de médicaments. » « Mais avec des honoraires de 1 euro sorti du prix du médicament, la franchise ne joue plus son rôle sur les bas prix quand le niveau de remboursement de l’assurance-maladie tombe en dessous de 0,50 euro », fait remarquer Gilles Bonnefond, président de l’USPO.
L’évolution immédiate vers les honoraires à l’ordonnance est-elle possible ?
Non. Le directeur général de l’assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem, a été clair lors du salon Pharmagora en mars 2014. La mise en place immédiate des honoraires à l’ordonnance n’était pas souhaitée par l’Etat et l’Assurance-maladie, en raison d’un risque trop grand de dispersion des résultats entre les officines. « Un euro à l’ordonnance aurait encore davantage favorisé les pharmacies de passage que le un euro à la boîte », rappelle Philippe Gaertner. Autres obstacles à la mise en place de cette solution: l’incapacité de la CNAMTS à détecter techniquement les facturations d’ordonnances bizones réalisées en deux fois par 25 % de pharmacies et les pratiques qui consistent à « splitter » une ordonnance complexe de plus de cinq lignes pour augmenter le nombre de dispensations. Ce problème sera normalement résolu avec l’arrivée de la prescription numérique et la coexistence sur les ordonnances de deux codes Datamatrix dont un QR Code qui contient les informations de la prescription (les noms du médecin et du patient, les médicaments prescrits et leur posologie) et un numéro unique attribué par ordonnance.
Trois vidéos explicatives de la FSPF
Face aux nombreuses questions et remous internes que suscite la réforme de la rémunération depuis sa signature, tous les pharmaciens recevront sur leur boîte mail dès la mi-juin un lien YouTube grâce auquel ils pourront visionner trois films tournés par la FSPF afin d’éclairer ce changement important pour la profession. D’une durée de trois minutes, chaque vidéo se complète, puisque la première explique pourquoi il fallait faire cette réforme, la deuxième comment et la troisième décrit ce qu’il reste à accomplir.
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