Le cumul emploi-retraite, nouvelle filière de recrutement pour les pharmaciens et préparateurs ? 

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Le cumul emploi-retraite, nouvelle filière de recrutement pour les pharmaciens et préparateurs ? 

Publié le 1 octobre 2024
Par Yves Rivoal
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Dans un contexte de pénurie de pharmaciens et de préparateurs, le nouveau dispositif de cumul emploi-retraite (CER) peut-il constituer un canal de recrutement alternatif pour les officines ? Réponses d’experts.

Vous cherchez désespérément à recruter un pharmacien adjoint ou un préparateur depuis plusieurs mois ? Et si le cumul emploi-retraite (CER) était la solution ? La dernière réforme des retraites a introduit une nouveauté censée le rendre plus attractif : « Grâce à ce dispositif, un salarié peut, sous certaines conditions, déclencher ses pensions de retraite tout en continuant à travailler s’il souhaite poursuivre une activité », explique Pascale Gauthier, associée du cabinet d’audit et de conseil Novelvy Retraite.

Le cumul intégral…

Avant la réforme, les revenus tirés de l’activité du CER étaient cotisés à fonds perdus puisqu’ils ne débouchaient sur aucun nouveau droit à la retraite« Avec la réforme, les personnes qui bénéficient du cumul intégral de leur retraite avec un revenu d’activité acquièrent désormais de nouveaux droits, explique Marilyn Vilardebo, la fondatrice et présidente d’Origami, une société d’audit et de conseil spécialisée dans la retraite. Ceux-ci ne modifient pas le montant de la première retraite, et ils permettent de percevoir une pension supplémentaire qui viendra s’ajouter à la retraite de base et la retraite complémentaire, le jour où ils décideront de mettre un terme définitif à toute activité. »

Le cumul intégral s’applique sous certaines conditions. « Ce dispositif est réservé aux personnes ayant atteint l’âge légal de départ à la retraite, et disposant du nombre de trimestres suffisants pour obtenir une pension au taux maximum, souligne Pascale Gauthier. Dans ce cas, le CER est libéralisé. Les salariés peuvent percevoir l’intégralité de leurs pensions de retraite et en même temps toucher un salaire, sans limitation de revenus. » Attention, le montant de cette nouvelle retraite est plafonné. « Que vous gagniez 40 000 € ou 100 000 € de salaire, lorsque vous arrêterez définitivement votre activité, et que vous liquiderez cette nouvelle retraite, son montant ne pourra pas dépasser 5 % du plafond annuel de la Sécurité sociale [Pass] fixé à 46 368 € pour 2024. Ces nouveaux droits acquis ne pourront pas excéder 2 318 € brut par an pour le régime de base, et 207 € par an pour le régime complémentaire. »

… ou le cumul plafonné

Lorsque les deux conditions d’âge légal et de nombre de trimestres requis pour le cumul intégral ne sont pas réunies, ou que le départ à la retraite est pris au titre des carrières longues, les salariés optant pour un CER peuvent s’orienter vers le dispositif du cumul plafonné. « Dans ce cas, les revenus ne devront pas dépasser la moyenne des trois derniers mois de salaire ou 160 % du SMIC, note Marilyn Vilardebo , le montant le plus avantageux étant retenu. En cas de dépassement, le montant de la retraite sera réduit d’autant. Aussi, dans le cumul plafonné, les cotisations retraites prélevées sur le salaire sont à fonds perdu, ce dispositif ne donnant pas accès à de nouveaux droits à la retraite. »

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Le nouveau CER introduit également une contrainte de taille. « En cas de cumul intégral, le salarié peut percevoir retraites et revenus dès le 1er jour du départ à la retraite et ce, qu’il reprenne une activité chez son dernier employeur ou change d’employeur, souligne Pascale Gauthier. Mais s’il s’agit de son dernier employeur, les nouveaux droits à la retraite ne seront acquis qu’à partir du 7e mois d’activité, alors que s’il change d’employeur, ce délai de carence n’existe pas. En cas de cumul plafonné ou limité, le salarié peut, là encore, reprendre aussitôt une activité chez un nouvel employeur. Mais s’il s’agit de son ancien employeur qui versait les cotisations avant la retraite, le salarié doit attendre le 1er jour du 7e mois suivant le point de départ de la retraite pour retravailler. Si ce délai n’est pas respecté, sa retraite est suspendue jusqu’à la fin des six mois. »

Un nouveau canal de recrutement ?

Lorsqu’on lui demande si ce nouveau CER peut devenir un canal de recrutement dans un contexte de pénurie de pharmaciens adjoints et de préparateurs dans les officines, Pascale Gauthier ne cache pas son scepticisme. « Le CER est très rarement activé par les salariés, ce sont plutôt des chefs d’entreprise qui y ont recours, souligne-t-elle. Par ailleurs, je ne vois pas comment un salarié pourrait accepter un CER plafonné, celui-ci étant beaucoup trop contraignant et pas assez incitatif. Le cumul libéralisé [intégral] peut, en revanche, être intéressant quand on a besoin de maintenir un niveau de revenus pour financer les études de ses enfants ou pour finir de rembourser son crédit immobilier. Le cumul entre les pensions de retraite et le salaire pouvant même permettre de gagner davantage que lorsqu’on était simple salarié. »

Bien sûr, le délai de carence de six mois imposé à un préparateur ou à un pharmacien adjoint qui voudrait basculer en CER chez son dernier employeur risque d’en décourager plus d’un, « l’ancien salarié ayant tout intérêt à prendre ce break de six mois avant de revenir travailler à la pharmacie pour y signer un nouveau contrat de travail, estime Marilyn Vilardebo. Cela dit, cette solution peut être envisagée quand un titulaire souhaite garder un collaborateur le temps de recruter son remplaçant et de lui transmettre son savoir-faire ».

Pas de vague

Lorsque le CER est activé pour recruter un salarié venu d’une autre officine, le jeu peut en valoir la chandelle pour le salarié mais aussi pour les titulaires ayant besoin de renforcer leurs équipes. De là à prédire une vague de recrutements en CER intégral, il n’y a qu’un pas que Marilyn Vilardebo se refuse à franchir. « D’autant que le CER ne donne lieu à aucune exonération fiscale ni aucun avantage financier pour l’employeur », tempère la fondatrice et présidente d’Origami.

Une alternative avec la retraite progressive ?

Pour conserver au sein de son équipe un préparateur ou un pharmacien adjoint ne pouvant pas bénéficier du cumul emploiretraite (CER) intégral, la retraite progressive peut être une alternative intéressante. « Deux ans avant l’âge minimum légal de départ à la retraite, un salarié peut demander à bénéficier d’une retraite progressive s’il a acquis 150 trimestres auprès d’une ou de plusieurs caisses de retraite de base, et s’il exerce une activité comprise entre 40 % et 80 % d’un temps complet, décrit Pascale Gauthier, associée du cabinet d’audit et de conseil Novelvy retraite. Ce dispositif permet de percevoir un salaire au titre de l’activité à temps partiel, et en même temps une partie de ses retraites. Celle-ci est calculée en fonction de la durée de travail. Un salarié à temps partiel à 60 % percevra ainsi 40 % du montant de sa retraite provisoire. » Les cotisations retraite prélevées sur le salaire donnent lieu à l’ouverture de nouveaux droits.