Âge, trimestre, cotisation… Le droit à une retraite tranquille

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Âge, trimestre, cotisation… Le droit à une retraite tranquille

Publié le 22 juillet 2024
Par Yves Rivoal
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La réforme des retraites a affecté à des degrés divers les deux régimes, la Caisse nationale d’assurance vieillesse et la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens, auxquels cotisent une écrasante majorité de pharmaciens durant leur carrière jalonnée de différents statuts professionnels. Décryptage.

« Le report de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite pour les régimes de base et complémentaire constitue le principal impact pour les pharmaciens, qu’ils soient salariés au régime général de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) ou soumis au régime libéral de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) en tant que pharmaciens titulaires, rappelle Marilyn Vilardebo, présidente fondatrice d’Origami & Co, une société spécialisée dans l’audit et le conseil retraite. L’âge légal est décalé progressivement de 62 à 64 ans pour les générations nées entre le 1er septembre 1961 et le 1er janvier 1968. Les personnes qui prennent leur retraite à 67 ans continuent de bénéficier d’une pension à taux plein, même si elles n’ont pas atteint le nombre de trimestres requis. » La réforme a également allongé la durée d’assurance pour percevoir une retraite à taux plein. « Comme pour le report de l’âge légal, le gouvernement a choisi d’augmenter plus rapidement le nombre de trimestres qui est désormais de 172 dès la génération 1968L’effort demandé sur la durée de cotisation est donc moins important que sur l’âge. On peut même considérer que ce décalage se révèle finalement un avantage. Le nombre de trimestres supplémentaires réclamé aux pharmaciens est en effet inférieur ou égal au nombre de trimestres supplémentaires cotisés, en raison du recul de l’âge de départ. Ceux qui le souhaitent ont donc désormais moins de trimestres à racheter pour accéder à une retraite à taux plein », rappelle Pascale Gauthier, associée du cabinet Novelvy retraite.
Pour le reste, la réforme a des répercussions sur les deux régimes de retraite prédominants pour une majorité de pharmaciens, qui débutent leur carrière comme adjoints salariés et la concluent en tant que professionnels libéraux lorsqu’ils accèdent au statut de titulaires.

Le régime de retraite des pharmaciens salariés  

Les pharmaciens adjoints salariés cotisent au régime général de la Cnav et au régime complémentaire de l’Agirc-Arrco (voir « Repères », page 15). Ces deux régimes ont des modes de fonctionnement complètement différents. « La Cnav s’appuie sur un salaire de référence multiplié par un taux de liquidation en fonction du nombre de trimestres cotisés, rappelle Pascale Gauthier. Le montant de la pension représente 50 % des 25 meilleures années de salaire, limité au plafond de la Sécurité sociale fixé à 46 368 € en 2024. Les mères comme les pères bénéficient de 10 % de pension supplémentaire à partir de trois enfants. La Cnav applique enfin une surcote de 1,25 % par trimestre travaillé après l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite à taux plein, et une décote de 1,25 % par trimestre manquant à ceux qui demandent leur départ après avoir atteint le taux plein. Cette décote ne peut excéder 20 trimestres et s’applique jusqu’au décès. La surcote n’est, elle, pas plafonnée. »

Depuis le 1er janvier 2019, date de la fusion entre l’Agirc-Arrco, les salariés non-cadres ou cadres cotisent pour leur retraite complémentaire sur la totalité de leurs salaires dans la limite de huit plafonds de la Sécurité sociale, et accumulent des points retraite. « Pour calculer la pension de retraite complémentaire, l’Agirc-Arrco multiplie le nombre atteint par la valeur du point qui est de 1,41 € depuis fin 2023, précise Marilyn Vilardebo. Le régime complémentaire accorde, lui aussi, une majoration de 10 % sur la pension des femmes ayant eu trois enfants, avec un montant plafonné à 2 330,12 €. » 

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Le régime de retraites des pharmaciens libéraux  

La dernière réforme des retraites a introduit quelques nouveautés pour les pharmaciens libéraux. « La principale concerne la retraite progressive qui permet à un pharmacien de percevoir une partie de celle-ci tout en continuant de travailler, deux ans avant d’avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite, note Philippe Berthelot, président de la CAVP. Mais, comme la CAVP a décidé de ne pas étendre cette disposition à son régime de retraite complémentaire, le recours à la retraite progressive devrait être très limité. »
La réforme a également instauré des changements pour les titulaires, femmes ou hommes, ayant eu trois enfants ou plus. « Une bonification de 10 % est désormais appliquée aux pensions de retraite du régime de base. Cette disposition existait déjà dans le régime complémentaire par répartition, précise Laurence Marbot-Colonna, responsable de la relation affiliés à la CAVP. De plus, pour les pharmaciens qui bénéficient d’une carrière complète à 63 ans, la réforme prévoit une surcote pouvant aller jusqu’à 5 %, ce dispositif s’appliquant uniquement aux générations nées après 1964 et dont l’âge légal de départ est supérieur à 63 ans. » Dernière nouveauté : la réforme des retraites permet à un pharmacien libéral en activité de racheter, au cours de sa carrière, jusqu’à six années de cotisations au maximum dans le régime complémentaire par capitalisation au taux de la classe à laquelle il cotise au moment où est effectué le rachat. Auparavant, le dispositif était plafonné.
La CAVP propose une retraite de base, une retraite complémentaire par répartition et par capitalisation (voir « Repères », page 15). « Le montant annuel de la pension de retraite de base à taux plein équivaut au nombre de points validés tout au long de la carrière multipliée par la valeur du point fixé à 0,63 € depuis le 1er janvier 2024 », précise Philippe Berthelot. Dans la retraite complémentaire par répartition, le montant annuel de l’allocation équivaut au nombre d’annuités cotisées multipliées par la valeur d’une annuité de référence. « Celle-ci est fixée en 2024 à 320,75 € par annuité cotisée, soit 13 551,50 € pour une carrière entière de 42,25 annuités et une retraite à taux plein à 67 ans », note le président de la CAVP. La retraite complémentaire par capitalisation est, elle, versée sous forme de rente viagère. « Son montant est fixé par un coefficient de conversion du capital constitué individuellement, et déterminé en fonction de plusieurs paramètres : l’âge de départ à la retraite, les tables de mortalité en vigueur à la date du départ, le taux d’intérêt technique, le choix ou non de la réversion et l’écart d’âge entre les deux conjoints en cas de réversion », détaille Philippe Berthelot.

Des pensions insuffisantes  

Pour le président de la CAVP, ce mode de cotisation est dépassé. « La pension moyenne que nous délivrons est de 1 860 € par mois, ce n’est pas à la hdiv des attentes des pharmaciens libéraux, estime Philippe Berthelot. Nous avons soumis aux pouvoirs publics et aux représentants de la profession une hypothèse de travail qui permettrait d’améliorer significativement la retraite des pharmaciens dans un condiv économique professionnel difficile et compte tenu d’une fragilisation du réseau qui ne permettra malheureusement pas à tous nos confrères de revendre leur outil de travail. Dans ces conditions, la constitution d’une retraite décente prend tout son sens. » La CAVP a également entamé des consultations auprès des pouvoirs publics, de l’Ordre et des syndicats de pharmaciens et de salariés pour étudier la possibilité d’introduire la cotisation dès le début de carrière au régime complémentaire pour les nouveaux pharmaciens adjoints. « Sur ces dix dernières années, le régime de capitalisation a progressé deux fois plus vite en matière de rémunération que celui de la répartition. Cela permettrait d’améliorer le montant des retraites et de redonner de l’attractivité à la profession de pharmacien », conclut Philippe Berthelot.

La retraite anticipée pour les carrières longues

Les pharmaciens salariés et libéraux qui ont effectué une carrière longue et disposent du nombre de trimestres requis pour percevoir une retraite à taux plein ont la possibilité de prendre leur retraite de manière anticipée avant l’âge légal. « Ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans peuvent désormais partir en retraite à 58 ans, à partir de 60 ans entre 16 et 18 ans, deux ans et demi avant l’âge légal entre 18 et 20 ans, et à partir de 63 ans entre 20 et 21 ans, détaille Pascale Gauthier, associée du cabinet Novelvy retraite. La durée de cotisation pour les carrières longues est celle requise pour le droit au taux plein, mais examinée de manière plus restrictive puisque seuls quatre trimestres de service militaire ou de chômage sont retenus, par exemple. Ainsi, un pharmacien adjoint né en juin 1966 peut partir à 58 ans dès le 1er juillet 2024 s’il a validé 172 trimestres à cette date, et s’il a commencé à travailler avant 16 ans et validé cinq trimestres avant fin 1982. »