Licenciement Réservé aux abonnés

Tenir sa langue ou virer d’abord

Publié le 22 octobre 2022
Par Anne-Charlotte Navarro
Mettre en favori

Le licenciement verbal est interdit. Mais quid de l’appel téléphonique au salarié précédant la notification écrite ? Les règles à connaître pour ne plus avoir à donner sa langue au chat.

LES FAITS

M. X. est salarié depuis le 9 novembre 1998 de la société SB. Le 16 novembre 2016, il reçoit la notification de son licenciement par courrier. La veille, à 17 h 50, l’employeur lui a téléphoné. Lors de cet échange, il l’a informé de son renvoi et lui a demandé de ne pas se présenter le lendemain dans l’entreprise. Estimant son licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. X. saisit la juridiction prud’homale.

LE DÉBAT

L’article L.1232-6 du Code du travail détaille la procédure à respecter pour licencier un salarié. La rupture du contrat de travail ne peut intervenir qu’après un entretien pendant lequel salarié et employeur auront échangé des arguments. Le salarié a la possibilité de se faire assister. Dans le mois et au minimum deux jours ouvrables après l’entretien, l’employeur fait parvenir au salarié une lettre de licenciement par recommandé avec avis de réception. Il peut aussi décider de lui appliquer une autre sanction ou de classer le dossier. La lettre de licenciement doit indiquer le ou les motifs de la rupture. Ce document doit être précis et circonstancié car il sert de cadre à l’appréciation du licenciement par le juge en cas de recours.

Depuis 1998, la jurisprudence considère que le licenciement verbal est sans cause réelle et sérieuse, notamment parce que le ou les motifs de licenciement ne sont pas clairement indiqués au salarié. En d’autres termes, le contrat de travail ne peut être rompu que par écrit. En l’espèce, M. X. estimait que son licenciement avait été verbal, puisque lors de l’échange téléphonique du 15 novembre il n’avait pas reçu le courrier lui indiquant son licenciement. Le 2 mars 2021, la cour d’appel de Grenoble (Isère) considère en effet que le licenciement de M. X. est sans cause réelle et sérieuse, les magistrats retenant que l’échange téléphonique a eu lieu avant la réception de la lettre. Elle condamne l’employeur à verser diverses sommes et des dommages-intérêts. La société SB forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

Le 28 septembre 2022, la Cour de cassation casse et annule la décision des juges de la cour d’appel. Les hauts magistrats estiment qu’ils « auraient dû rechercher la date à laquelle avait été posté le courrier de rupture réceptionné par le salarié le 16 novembre 2016 pour déterminer si ce courrier avait ou non été adressé au salarié avant la conversation téléphonique litigieuse ». Il est probable que ce n’est qu’une fois la lettre postée que l’employeur de M. X. l’ait appelé pour le prévenir. Si tel est le cas, le licenciement n’est pas verbal. Encore faut-il que la société SB puisse démontrer cette chronologie. Cette décision est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler que la date de rupture du contrat de travail est celle à laquelle l’employeur a irrévocablement fait part de sa volonté d’y mettre fin. Il manifeste cette intention au jour de l’envoi de la lettre recommandée.

Cependant, afin d’éviter tout litige ultérieur et une possible remise en cause de la rupture à quelques heures près, il est préférable de ne pas informer verbalement le salarié de son licenciement avant la réception par celui-ci de la lettre de rupture.

Publicité

Source : Cass. Soc., 28 septembre 2022, n° 21-15606.

À RETENIR

Le licenciement verbal est sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié doit recevoir dans le mois suivant son entretien préalable une lettre lui indiquant les motifs de son licenciement.

Prévenir le salarié de l’envoi de la notification de son licenciement fait courir un risque à l’employeur.