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Qui ne dit mot consent
C’est l’histoire d’un manager qui se rend coupable de harcèlement moral. Son employeur le licencie pour faute grave. Mais le manager lui reproche d’avoir approuvé sa conduite. Dans ce cas, le licenciement est-il possible ?
LES FAITS
Le 4 février 2015, M. J. est engagé en qualité de directeur des systèmes d’information de la société H. Le 2 mai 2016, il est licencié pour faute grave. La société H lui reproche des faits de harcèlement moral à l’égard d’une subordonnée et l’instauration d’un climat de tension et de peur. M. J. saisit le conseil de prud’hommes pour contester la validité de son licenciement.
LE DÉBAT
Selon le Code du travail, le harcèlement moral est constitué par des agissements répétés pouvant entraîner pour la victime une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En pratique, il peut s’agir de changements de planning incessants, de messages ou d’appels hors des heures de travail, de réflexions déplacées, de menaces de licenciement ou encore du retrait d’une mission. Le Code du travail dispose que « tout salarié se rendant coupable de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire ». Ainsi, commettre des faits de harcèlement moral ou sexuel est une faute que l’employeur doit sanctionner de façon appropriée. Plusieurs sanctions sont à sa disposition : un blâme, une mise à pied, une rétrogradation ou un licenciement pour faute.
En l’espèce, la société H a sanctionné M. J. par un licenciement pour faute grave, le privant ainsi d’indemnité et de préavis. Or le salarié apporte la preuve que ses méthodes managériales étaient connues et approuvées par l’entreprise. Laquelle ne pouvait donc pas le sanctionner à ce titre, selon lui. Le 14 octobre 2020, la cour d’appel de Paris considère que le licenciement de M. J. est sans cause réelle et sérieuse. Les magistrats retiennent que l’attitude de M. J., constitutive de faits de harcèlement moral, ne peut pas être qualifiée de faute grave puisque les méthodes managériales de M. J., condamnables par ailleurs, n’étaient ni inconnues ni immédiatement réprouvées par l’employeur. Ce dernier ne pouvait donc pas, ultérieurement, congédier le salarié sans l’indemniser. La société H forme un pourvoi en cassation.
LA DÉCISION
Le 12 juillet 2022, la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle estime, comme les juges du fond, que le licenciement de M. J. est sans cause réelle et sérieuse. Les hauts magistrats retiennent que « le comportement du salarié, qui était le résultat d’une position managériale partagée et encouragée par l’ensemble de ses supérieurs hiérarchiques, ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise ». En d’autres termes, l’employeur ne peut pas, après avoir approuvé et encouragé les pratiques managériales du salarié, lui reprocher une faute grave. L’employeur doit bien évidemment sanctionner M. J., toutefois, au regard du contexte, le licenciement pour faute grave n’est pas la bonne sanction.
Ici, les faits de harcèlement donnent une couleur particulière, mais cette décision est dans la droite ligne de la jurisprudence sur l’appréciation de la faute. L’employeur ne peut pas punir le salarié pour une attitude fautive qu’il a tolérée auparavant. L’équation est alors la suivante : l’employeur est responsable vis-à-vis de la victime du harcèlement à qui il devra payer des dommages-intérêts, mais s’il tolère voire encourage les faits, il ne pourra renvoyer le harceleur sans lui verser des indemnités de licenciement. Face à une telle situation, il doit être d’une vigilance extrême et réagir sans attendre pour éviter d’être perdant.
Source : Cass. soc., 12 juillet 2022, n° 20-22.857.
À RETENIR
L’employeur est responsable de la sécurité physique et mentale des salariés.
Le salarié, auteur de faits de harcèlement, doit être puni par une sanction appropriée allant du blâme au licenciement pour faute grave.
Si l’employeur a toléré les faits de harcèlement, il ne pourra pas licencier le salarié responsable pour faute grave.
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