Que faire face à un employeur qui ne respecte pas ses obligations contractuelles ?

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Que faire face à un employeur qui ne respecte pas ses obligations contractuelles ?

Publié le 4 février 2025
Par Anne-Charlotte Navarro
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Dès lors qu’un employeur commet des manquements graves à ses obligations contractuelles, un salarié est en droit de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail. C’est à la justice qu’il revient ensuite de trancher entre démission ou licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les faits

Le 1er avril 2003, M. L. est engagé par la société AC. Après avoir obtenu une promotion, il perçoit une rémunération fixe et variable. À l’automne 2018, puis en mars 2019, la société réorganise son secteur d’activité. M. L. constate alors une diminution de ses revenus et exprime son mécontentement à sa direction. Du 17 janvier au 31 août 2020, il prend un congé parental. À son retour, il informe son employeur qu’il rompt son contrat de travail en raison de cette baisse de rémunération. Dans la foulée, il saisit les prud’hommes pour faire requalifier son départ en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le débat

La procédure de la prise d’acte permet à un salarié de quitter son poste quand il estime que le comportement de l’employeur empêche la poursuite du contrat. Il n’a pas de préavis à exécuter. Une fois l’employeur informé, le salarié doit solliciter le juge qui appréciera, dans le mois de sa saisie, si les fautes invoquées par le collaborateur sont de nature à requalifier la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, la société devra payer au salarié les indemnités prévues par la convention collective et la loi. À l’inverse, si les manquements de l’employeur ne sont pas jugés assez graves, le départ du salarié s’analysera en une démission. La jurisprudence considère, par exemple, que des faits de harcèlement ou une modification du contrat sans l’accord de l’employé sont des faits justifiant une prise d’acte. En l’espèce, M. L. invoque la baisse de sa rémunération à la suite de la réorganisation de son secteur d’activité. Or, pour la jurisprudence, il s’agit d’une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié pour s’appliquer. La société AC. ne conteste pas cette situation, mais elle estime que M. L. a trop attendu pour saisir les magistrats. Elle appuie son argumentaire sur plusieurs décisions en ce sens. Le 23 juin 2023, la cour d’appel de Colmar (Haut-Rhin) qualifie le départ de M. L. de démission. En effet, pour les magistrats, les faits étaient trop anciens pour justifier une prise d’acte ayant valeur d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. M. L. saisit alors la Cour de cassation.

La décision

Le 18 décembre 2024, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. Les hauts magistrats reprochent aux juges d’appel de s’être référés uniquement à l’ancienneté des manquements sans rechercher si ceux-ci n’étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Ainsi, pour faire reconnaître une prise d’acte, le juge doit apprécier le temps écoulé entre la ou les défaillances de l’employeur et la rupture du salarié ainsi que les preuves associées. Cependant, les magistrats de la Cour de cassation considèrent que des manquements graves, même anciens, peuvent justifier une prise d’acte. Dans cette affaire, le fait que M. L. ait pris un congé parental pendant plusieurs mois explique sans doute une partie de cette décision.

Source : Cass. soc., le 18 décembre 2024, n° 23-19664 D.

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