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Prenez vos responsabilités

Publié le 23 mars 2002
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L’arrêt Perruche tant commenté marque l’évolution constante de la jurisprudence en matière de responsabilité professionnelle. D’autres décisions, moins médiatiques, sont tout aussi importantes. Tel est le cas de l’arrêt rendu le 14 décembre 2001 par l’assemblée plénière de la Cour de cassation qui modifie de manière considérable l’étendue de la responsabilité du salarié.

Rappelons qu’en droit français, cohabitent deux systèmes de responsabilité ; la responsabilité civile et la responsabilité pénale. La première, définie par le Code civil, concerne la réparation pécuniaire des dommages. La seconde a pour objet de faire payer au fautif la peine prévue pour le délit commis (retrait de permis, amende, emprisonnement, etc.). Quelle est la responsabilité d’un salarié qui commet une infraction pénale… sur ordre de son employeur ? Par exemple, si l’on prend le cas de l’officine, lorsqu’il délivre des médicaments, sur instruction du titulaire, dans des conditions illicites et qu’un accident s’ensuit. Ou, autre exemple extrême, s’il établit des facturations qu’il sait manifestement irrégulières.

Titulaires, assistants, employés, tous responsables ?

Dans ces cas-là, en cas de sinistre, il était admis, jusqu’à ce jour, que le salarié qui commettait une infraction volontaire, sur directives de son employeur, n’engageait que sa responsabilité pénale, n’ayant agi que dans le cadre de sa mission, et sans en tirer un bénéfice personnel. L’appréciation de cette responsabilité pénale dépend de la nature de l’ordre donné, de la compétence et de l’autonomie dont dispose le salarié dans l’exercice de sa fonction. C’est ainsi que celle d’un pharmacien assistant sera obligatoirement plus élevée que celle d’un simple salarié sans qualification. Mais la victime de l’infraction ne pouvait pas demander réparation de son préjudice au salarié fautif. Seule la responsabilité civile de l’employeur pouvait être mise en cause. L’assurance responsabilité civile de ce dernier couvrait les erreurs ou infractions commises par ses salariés. La Cour de cassation va aujourd’hui plus loin et change totalement la donne.

En l’occurrence, il s’agissait d’un salarié qui, sur consigne de son patron, avait établi de faux documents en vue d’obtenir frauduleusement au profit de l’entreprise divers paiements d’organismes sociaux. La Cour de cassation retient, outre la responsabilité pénale du salarié, sanctionnée par une amende, sa responsabilité civile. Celui-ci sera condamné également à payer des dommages et intérêts à la victime (l’URSSAF) pour réparer le préjudice.

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Désormais, si cette décision fait jurisprudence, la responsabilité civile du pharmacien assistant, mais aussi celle du préparateur, voire du simple préposé, pourrait être mise en cause en même temps que celle du pharmacien titulaire. Voire, comme dans le cas examiné par la Cour de cassation, sans que la responsabilité civile de l’employeur soit recherchée. D’où la nécessité, notamment pour les pharmaciens assistants, et d’une manière plus générale pour tous les salariés, de prévoir une assurance responsabilité civile personnelle couvrant les risques de l’activité professionnelle. Ou de refuser d’exécuter une instruction manifestement illégale ou illicite.