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L’usage de raison

Publié le 8 mai 2021
Par Anne-Charlotte Navarro
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Le Code du travail fait régulièrement référence à la notion de délai raisonnable. Six mois pour remplacer un poste clé en est un.

LES FAITS

Mme V. est engagée le 17 avril 2009 en qualité de directrice par l’association CEPC. A compter de mai 2012, elle est placée en arrêt de travail pour maladie. Le 27 mars 2013, Mme V. est licenciée en raison de la désorganisation que son absence provoque dans l’association. Elle saisit le conseil de prud’hommes pour contester la validité de ce licenciement.

LE DÉBAT

Mme V. demande la nullité de son licenciement en vertu de l’article L.1132-1 du Code du travail. Ce texte interdit de licencier un salarié en raison notamment de son état de santé ou de son handicap, sauf en cas d’inaptitude constatée par le médecin du travail. L’employeur justifie le licenciement non par la maladie de Mme V. mais par les conséquences de son absence prolongée. Il invoque la jurisprudence de la Cour de cassation. Laquelle admet qu’un employeur peut licencier un salarié absent pour maladie si son absence perturbe le fonctionnement de l’entreprise et entraîne la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif. Mme V. souligne que, dans ce cas, l’employeur doit le faire dans « un délai raisonnable ». Or elle apporte la preuve que son poste n’a été pourvu que six mois après son licenciement, ce qui, selon elle, n’est pas un délai raisonnable. Le 28 août 2018, la cour d’appel de Paris considère que les éléments de preuve permettent de considérer que le licenciement de Mme V. n’est pas abusif. Les magistrats retiennent que Mme V. était directrice de la structure. Ce poste permet de considérer qu’un délai de six mois pour lui trouver un remplaçant n’est pas excessif. Mme V. forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

Le 24 mars 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi de Mme V. Les magistrats rappellent que l’employeur peut licencier un salarié absent non en raison de son état de santé mais à condition que « la situation objective de l’entreprise soit perturbée dans son fonctionnement ». Ainsi, l’employeur qui invoque ce motif doit démontrer trois éléments : la perturbation du fonctionnement de l’entreprise, l’absence prolongée ou répétée et le remplacement définitif du salarié. Dans sa décision, la Cour de cassation affirme que ce remplacement doit avoir lieu dans un délai raisonnable, apprécié au cas par cas en fonction notamment du poste occupé par le salarié absent. Si six mois est un laps de temps raisonnable pour remplacer la directrice d’une association, la Cour avait cependant considéré que ce délai était trop long dans le cas d’une secrétaire administrative ou d’un contremaître. Les magistrats ajoutent que cette appréciation relève des pouvoirs souverains du fond.

Au regard de ces critères, ce motif de licenciement peut uniquement concerner les postes de l’entreprise à forte valeur ajoutée, un remplacement ponctuel ne permettant pas de pallier la désorganisation créée par l’absence du salarié.

Rappelons que la convention collective de l’officine prévoit une période de garantie d’emploi de quatre à six mois en fonction du coefficient et de l’ancienneté du salarié.

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Source : Cass. soc., 24 mars 2021, n° 19-13.188.

À RETENIR

Un salarié absent peut être licencié si son absence prolongée ou répétée perturbe le fonctionnement de l’entreprise et si son remplacement définitif permet de revenir à une situation normale.

Ce remplacement doit avoir lieu dans un délai raisonnable après le licenciement, apprécié en fonction de la valeur ajoutée du poste occupé.

A l’officine, ce licenciement ne peut intervenir qu’à l’expiration de la période de garantie d’emploi allant de quatre à six mois d’absence (articles 16 de la convention collective et 3 des dispositions particulières aux cadres).