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L’image est voilée
Des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte de prétendus souhaits de sa clientèle, ne constituent pas une exigence professionnelle essentielle permettant de justifier une différence de traitement entre salariés.
LES FAITS
En 2012, Mme X. est engagée par la société C en qualité de vendeuse. A son retour de congé parental, le 29 juillet 2015, elle se présente avec un foulard dissimulant ses cheveux, ses oreilles et son cou. L’employeur lui demande de retirer ce voile. Le 6 août 2015, face à son refus persistant, Mme X. est placée en dispense d’activité. Elle sera licenciée le 9 septembre de la même année. S’estimant victime d’une discrimination, la salariée saisit les prud’hommes.
LE DÉBAT
Mme X. justifie sa demande d’annulation de licenciement en invoquant la décision du 22 novembre 2017 (n° 13.19855). Dans cette affaire, la Cour de cassation avait précisé que « l’interdiction faite oralement à une salariée de porter le foulard islamique dans ses contacts avec les clients constitue une discrimination directe fondée sur les convictions religieuses, dans la mesure où elle vise un signe religieux déterminé ». En réponse, l’employeur précise que les faits qui lui sont reprochés datent de 2015, soit deux ans avant la décision de la Cour de cassation. Selon lui, l’attente des clients sur l’apparence physique et la tenue vestimentaire des vendeuses dans un commerce d’habillement est une exigence professionnelle essentielle et déterminante justifiant une différence de traitement entre les salariés. Sans surprise, le 6 septembre 2019, la cour d’appel de Toulouse (Haute-Garonne) refuse les arguments de cet employeur et décide que le licenciement de Mme X. est sans cause réelle et sérieuse. La société C forme un pourvoi en cassation.
LA DÉCISION
Le 14 avril 2021, la Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel. Si, à la période des faits, la décision de 2017 n’avait pas encore été rendue, l’interdiction des discriminations, l’obligation de justifier une différence de traitement par une exigence professionnelle essentielle et déterminante et la nécessaire justification et proportion des restrictions aux libertés des salariés figuraient dans le Code du travail et dans le droit européen. Donc, l’employeur aurait dû de lui-même ne pas mettre en œuvre la décision qu’il a prise.
La cour rappelle que l’exigence professionnelle essentielle et déterminante renvoie à « une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause ». A l’officine, il s’agit par exemple de la capacité donnée aux pharmaciens, et seulement à eux, de faire l’ouverture. Ainsi, cette notion ne couvre pas des considérations subjectives telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des prétendus souhaits de la clientèle. Les magistrats prennent le temps de préciser que si l’employeur souhaite interdire au salarié le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, il doit le faire au moyen d’une clause de neutralité instaurée dans le règlement intérieur ou d’une note de service. Cette clause est valable à condition qu’elle vise l’ensemble des signes religieux, politiques ou philosophiques sur le lieu de travail et qu’elle ne s’applique qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients.
Source : Cass. Soc., 14 avril 2021, n° 19-24.079.
À RETENIR
Interdire le port du voile pour « l’image de l’entreprise » n’est pas possible.
La volonté de l’employeur de tenir compte des prétendus souhaits de sa clientèle ne constitue pas une exigence professionnelle essentielle permettant de justifier une différence de traitement entre salariés.
L’employeur peut interdire aux salariés en contact avec la clientèle le port de signes religieux, politiques ou philosophiques sur le lieu de travail par une clause de neutralité instaurée dans le règlement intérieur ou une note de service.
Le licenciement fondé sur ces critères sera nul en l’absence de clause de neutralité.
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