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L’EBE ne fait pas l’aumône

Publié le 11 février 2023
Par Anne-Charlotte Navarro
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Depuis la loi du 8 août 2016, dite loi El Khomri, le Code du travail définit la notion de difficultés économiques permettant à l’employeur de licencier. Après un premier arrêt en juin 2022, la Cour de cassation est de nouveau saisie pour préciser la notion de baisse significative de l’excédent brut d’exploitation.

LES FAITS

Le 2 janvier 2013, alors qu’elle a déjà effectué plusieurs contrats saisonniers, Mme C. est engagée par la société HP au poste de directrice. Le 16 décembre 2016, elle est convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique. Son contrat de travail est rompu à l’issue du délai de réflexion dont elle bénéficiait après son adhésion, le 9 janvier 2017, au contrat de sécurisation professionnelle. Elle saisit le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement.

LE DÉBAT

L’article L. 1233-3 du Code du travail dispose que l’employeur doit motiver le licenciement économique d’un ou plusieurs salariés par « l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation (EBE), soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ». Le texte ajoute qu’une baisse « significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à, par exemple, un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ».

Le Code ne définit pas la notion de baisse significative de l’EBE. En l’espèce, Mme C. estimait que l’EBE de l’entreprise ne justifiait pas un licenciement économique car, après deux années négatives, ce solde généré par l’activité courante de l’entreprise, sans prendre en compte sa politique d’investissement ni sa gestion financière, était redevenu positif en 2016, année de son licenciement. De plus, le chiffre d’affaires de la société avait augmenté sur la même période.

En réponse, la société HP apportait des pièces comptables qui démontraient que son EBE était de – 726 000 € en 2014, – 874 000 € en 2015, + 32 000 € en 2016 et – 124 013 € dans les comptes de l’exercice 2017. Elle expliquait qu’il avait été positif en 2016 en raison de la renégociation d’un crédit-bail immobilier, d’une diminution des frais de holding et d’un apport en compte courant. Rien, selon la société HP, qui ne traduisait une embellie de sa situation économique. Le 25 mai 2020, la cour d’appel de Pau (Pyrénées-Atlantiques) considère que les éléments comptables apportés par la société HP justifient les difficultés économiques que la société a subies. Les magistrats rejettent la demande de Mme C, laquelle forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

Le 1er février 2023, la Cour de cassation rejette à son tour la demande de Mme C. Les hauts magistrats rappellent que l’évolution significative d’un seul critère listé à l’article L. 1233-3 du Code du travail suffit pour obtenir le licenciement d’un salarié. L’employeur est libre de choisir le critère qu’il estime pertinent pour démontrer ces difficultés. La Cour de cassation constate « qu’au regard du caractère sérieux et durable de la dégradation de l’EBE, cet indicateur avait subi une évolution significative ». Ainsi, il n’est pas nécessaire que l’EBE soit négatif pendant plusieurs périodes consécutives pour justifier un licenciement économique, contrairement aux critères de la baisse des commandes. La Cour de cassation ajoute que l’appréciation du caractère significatif de la dégradation du ou des critères évoqués relève de la compétence exclusive des juges du fond. Ainsi, seuls le conseil de prud’hommes et la cour d’appel sont compétents pour apprécier cette question.

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Source : Cass. Soc., 1er février 2023, n° 20-19.661.

À RETENIR

L’employeur peut justifier un licenciement économique par une baisse significative de l’excédent brut d’exploitation (EBE) de la société.

Les pièces comptables doivent démontrer le caractère sérieux et durable de la dégradation de l’EBE.

Il n’est pas nécessaire que l’EBE soit négatif pendant plusieurs années consécutives.