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Ecrit et châtiment

Publié le 17 février 2024
Par Anne-Charlotte Navarro
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Si la lettre de licenciement d’un salarié ne précise pas la date des faits qui lui sont reprochés, est-ce suffisant pour que ce licenciement soit considéré sans cause réelle et sérieuse ?

Les faits

 

Le 18 mai 2015, M. S. est engagé comme cadre paramédical dans la clinique C. Le 1er février 2016, il est promu surveillant général. Le 17 juin, M. S. est licencié pour faute grave. L’employeur lui reproche d’avoir tenu des propos contestant l’autorité du directeur de la clinique et estime que cette attitude a eu des conséquences néfastes sur le travail des équipes. M. S. conteste la légalité de son licenciement.

Le débat

 

L’article L. 1235-2 du Code du travail dispose, entre autres, que la lettre de licenciement « fixe les motifs justifiant la décision de l’employeur de rompre le contrat de travail ». Ces motifs doivent être suffisamment précis, objectifs et vérifiables pour être recevables. La jurisprudence ajoute qu’en cas de litige sur le bien-fondé d’un licenciement l’employeur ne peut pas justifier sa décision a posteriori par une raison qui ne serait pas indiquée dans la lettre de licenciement. Si le motif ou les raisons invoqués ne sont pas suffisamment précis, objectifs ou vérifiables, le juge déclarera le licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur sera condamné à indemniser le salarié et à rembourser à France Travail les prestations versées au salarié injustement licencié. Cet acte majeur de la procédure de licenciement doit donc être rédigé avec soin car, une fois envoyé, l’employeur est engagé.

 

En l’espèce, M. S. estime que sa lettre de licenciement n’était pas suffisamment précise. Il reproche à son employeur de ne pas avoir stipulé les dates des faits qui lui étaient imputés. En réponse, la clinique C argue qu’elle a indiqué dans la lettre non pas la date des faits reprochés mais celle de leur découverte par la direction, soit en mai 2016. Ensuite, l’employeur considère qu’il a suffisamment décrit les activités de dénigrement de M. S. et expliqué en quoi ce dénigrement a mis en péril le fonctionnement de l’établissement et jeté le discrédit sur les décisions de la direction. La lettre relate également que, pendant l’entretien préalable, M. S. a réitéré des allégations sur l’incompétence du directeur. Le 11 mai 2022, la cour d’appel de Paris juge toutefois que le licenciement de M. S. est sans cause réelle et sérieuse. Pour les magistrats, l’absence de la date des faits qui étaient reprochés à M. S. rendait le licenciement sans cause. Ils ajoutent que les faits non datés pourraient avoir été prescrits et ne pas justifier un licenciement. La clinique forme un pourvoi en cassation.

La décision

 

Le 31 janvier 2024, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel de Paris. Les hauts magistrats rappellent que le Code du travail impose à l’employeur d’agir dans les deux mois suivant sa découverte des faits qui, selon lui, seraient fautifs. Au-delà, ces faits sont prescrits. Le salarié ne peut plus être sanctionné. Dès lors, la date de commission des faits importe peu. Ils ajoutent que « si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n’est pas nécessaire ». Ainsi, la Cour de cassation considère que la lettre de licenciement n’a pas nécessairement à indiquer la ou les dates des faits reprochés au salarié. Elle peut être suffisamment précise sans cette information.

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À retenir

La lettre de licenciement d’un salarié doit être suffisamment précise et factuelle pour permettre de justifier le licenciement.

En cas de licenciement pour faute, l’employeur doit agir dans les deux mois à compter de sa connaissance des faits.

La lettre n’a pas à indiquer la date de commission des faits, seule la date de connaissance de l’employeur suffit.