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DES TITULAIRES PLUS GÉNÉREUX QU’ON NE LE PENSE

Publié le 5 mai 2012
Par Stéphanie Bérard
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L’enquête sur les salaires, menée par la FSPF, révèle que l’emploi est stable dans la majorité des officines. Les titulaires privilégient le personnel habilité à délivrer au comptoir. Et pour le fidéliser, ils ne lésinent ni sur la rémunération, ni sur le versement de primes.

L’enquête sur les salaires, menée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) en 2011*, montre que les officines tiennent le cap de l’emploi. « Six ans après notre première enquête sur les salaires, réalisée en 2005, nous notons une stabilité ou une augmentation des emplois en 2011 dans 82 % des cas », fait remarquer Philippe Denry, président de la Commission des relations sociales et de la formation professionnelle de la FSPF. En effet, 72 % des officines ont conservé le même nombre de salariés et 10 % ont même augmenté le nombre de leurs collaborateurs depuis 2005.

14 % de licenciements économiques

Seule une petite minorité de pharmacies (18 %) avouent avoir réduit leurs effectifs. « Cela ne concerne que 211 pharmacies. Or, parmi ces départs, beaucoup sont naturels et volontaires », renchérit Philippe Denry. Ainsi, 35 % d’entre eux sont motivés par une démission, 15 % par un départ en retraite et 14 % par une fin de contrat à durée déterminée. Les licenciements concernent une faible part des départs de personnel (18 %, dont 14 % pour des raisons économiques). La FSPF note que ces baisses d’effectifs concernent en majorité les préparateurs (51 % des départs, soit 108 postes) et, dans une moindre mesure des pharmaciens (24 % soit 51 postes).

D’ailleurs, la structure de l’emploi dans les officines dénote une forte représentation du personnel habilité à servir au comptoir, avec 46 % de préparateurs et 27 % d’adjoints. « Globalement, la majorité des pharmacies emploie de 4 à 6 salariés, ce qui confirme les résultats de l’enquête de l’OMPL », observe Philippe Denry. L’Observatoire des métiers des professions libérales (OMPL), qui avait réalisé une photographie de l’emploi dans la branche officinale en 2010, avait par ailleurs noté un taux de féminisation particulièrement important (88 % de femmes en 2008, en progression de 23 % depuis 1993). La FSPF confirme cette tendance puisque, sur 5 343 salariés (hors formation en alternance), 4 803 sont des femmes, soit une féminisation proche de 90 %. Autre conclusion de l’enquête : le temps partiel reste une constante de l’emploi officinal, puisqu’il concerne 47,2 % des salariés. « C’est un niveau proche de 2005, ajoute Philippe Denry. Néanmoins, chez le personnel habilité à délivrer des médicaments, ce chiffre n’est que de 33,6 % ».

Recrudescence de l’embauche d’adjoints

Quelle est la place des pharmaciens adjoints dans cette photographie de l’emploi ? Il ressort de l’enquête que 75 % des titulaires – soit 838 – sont secondés par au moins un pharmacien adjoint. « La part du personnel pouvant délivrer des médicaments a augmenté entre 2005 et 2011, puisqu’elle est passée de 22 à 27 %. D’ailleurs, l’an dernier, les titulaires ont déclaré avoir embauché neuf nouveaux adjoints, hors remplacements », renchérit Philippe Denry. Il s’agit bien de créations de postes. Pour les fidéliser, les titulaires savent se montrer généreux, à en croire les résultats de l’enquête : 87 % des pharmaciens sont rémunérés à un coefficient égal ou supérieur à 500. « Les adjoints ont une rémunération horaire 1,8 fois supérieure à celle des préparateurs », précise Philippe Denry. Ce taux moyen est de 21,57 euros. Un niveau bien supérieur à la rémunération minimale d’un officinal, qui se situe à 16,39 euros (au coefficient 400)**. Autre fait notable, « 70 % des adjoints sont au coefficient 500 dès l’embauche, même si la rémunération augmente avec l’ancienneté pour atteindre 22,14 euros à partir de six ans d’ancienneté ». Plus étonnant encore au regard de la crise économique : plus d’un adjoint sur deux (54 %) reçoit une prime. Celle-ci est d’un montant moyen de 1 580 euros, essentiellement sous la forme de treizième mois ou de prime de fin d’année. « Son montant est 15 % plus élevé que la prime attribuée aux préparateurs ».

Une prime de 1 308 euros pour les préparateurs

Malgré la crise, les pharmacies ne sacrifient pas non plus la rémunération de leurs préparateurs. En effet, la moitié d’entre eux sont payés à un coefficient égal ou supérieur à 280. La rémunération horaire moyenne est, elle, de 11,88 euros, ce qui correspond au coefficient 290. « Moins de 8 % sont au coefficient 230, qui est le niveau minimal pour cette catégorie. C’est le signe que les titulaires ont appliqué la nouvelle classification de mars 2008, puisque des coefficients supérieurs à 300 ont fait leur apparition pour cette catégorie de salariés », renchérit Philippe Denry. En 2011, 30 % des préparateurs sont donc rémunérés à un coefficient compris entre 300 et 330. Les titulaires semblent, en outre, plus généreux qu’en 2005. « Le pourcentage de préparateurs au coefficient d’entrée au statut d’assimilé cadre, soit 330 avec la classification de 2008, est de 19 %, alors qu’il était de 12 % en 2005 avec un coefficient 300. » Et ce n’est pas tout : plus d’un préparateur sur deux (65 %) reçoit une prime, là aussi sous la forme de treizième mois ou de prime de fin d’année, d’un montant moyen de 1 308 euros.

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Cette tendance positive va-t-elle perdurer ? La prochaine enquête, qui devrait voir le jour d’ici trois ans, le confirmera. En attendant, et au regard de ces résultats, « il faudra s’intéresser particulièrement à l’évolution de l’embauche pour les métiers qualifiés », conclut Philippe Denry.

* Enquête menée auprès de 1 117 pharmacies, employant 5 661 salariés. Les officines qui ont répondu à l’enquête sur les salaires sur le site de la FSPF sont situées en majorité en zone rurale (48 %) et dans les quartiers (32 %), puis en centre-ville (16 %) et dans les centres commerciaux (4 %).

** L’étude, réalisée en 2011, ne tient pas compte de la dernière revalorisation des salaires, intervenue en janvier 2012. Le point était alors passé de 4,098 à 4,193 euros. Des titulaires plus généreux qu’on ne le pense L’enquête sur les salaires, menée par la FSPF, révèle que l’emploi est stable dans la majorité des officines. Les titulaires privilégient le personnel habilité à délivrer au comptoir. Et pour le fidéliser, ils ne lésinent ni sur la rémunération, ni sur le versement de primes.

Huit chiffres clés de l’enquête

1 516 pharmaciens adjoints

2 600 préparateurs

318 salariés en alternance

4 803 femmes salariés de l’ officine

75 % de pharmacies emploient au moins un adjoint

L’âge moyen d’un adjoint est de 42 ans et son ancienneté est de 8 ans

L’âge moyen d’un préparateur est de 37 ans et son ancienneté est de 7 ans

87 % des adjoints sont rémunérés à un coefficient égal ou supérieur à 500

Les vendeurs spécialisés n’ont pas le vent en poupe

Si les titulaires soignent avant tout les collaborateurs pouvant délivrer au comptoir, les autres catégories de personnel représentent 1 227 salariés dans l’enquête de la FSPF. De qui s’agit-il ? D’abord du personnel de nettoyage (50 %), mais aussi des administratifs (18 %), des employés de manutention (21 %) et des collaborateurs commerciaux (11 %). 76 % de ces salariés travaillent à temps partiel. Leur rémunération affiche un taux moyen de 9,49 euros, mais une majorité est au coefficient 100 (9,19 euros). « Les préparateurs perçoivent une rémunération horaire moyenne supérieure d’un quart par rapport à cette catégorie de personnel », relève-t-on dans l’enquête de la FSPF. Cette étude révèle, en outre, que si le nombre de pharmaciens adjoints a légèrement augmenté depuis 2005, la baisse des effectifs des vendeurs spécialisés est notable, puisque leur part est passée de 9 à 3 % entre 2005 et 2011. Néanmoins, qu’il s’agisse du personnel de nettoyage, de rayonnistes, de vendeurs, de magasiniers ou encore des secrétaires, ils sont 65 % à recevoir une prime annuelle de 732,91 euros en moyenne.

3 QUESTIONS À ROGER HALEGOUET RESPONSABLE DE LA BRANCHE OFFICINE DU SYNDICAT CFE-CGC

« La question des adjoints en surnombre va commencer à se poser »

D’après l’enquête de la FSPF, si l’emploi est stable pour une majorité d’officines, 18 % ont moins de salariés. Confirmez-vous cette tendance sur le terrain ?

Je ne dirais pas que l’emploi est stable. Les licenciements économiques représentent 14 % des baisses d’effectifs : c’est une proportion beaucoup plus importante qu’il y a trois ans. Un chiffre de l’ANPE révèle qu’environ 4 000 collaborateurs de l’officine ont perdu leur emploi en 2011. Sur le terrain, c’est cette tendance qui se fait jour pour les pharmaciens adjoints. Par exemple, nous recevons cette année, en moyenne, un appel par semaine d’un adjoint licencié pour des raisons économiques. Auparavant, cette situation était moins fréquente. Cette tendance n’existe pas, pour le moment, chez les préparateurs, ce qui indique que les officines sacrifient les postes dont les salaires sont les plus importants, quand leur chiffre d’affaires leur permet de faire l’économie d’un adjoint.

La crise touche donc de plein fouet les pharmacies, en dépit des résultats plutôt optimistes de l’enquête ?

L’économie des officines ne va pas bien, nul ne peut le cacher. Mais, déjà, avant que la crise impacte les pharmacies, les négociations sur les salaires étaient très âpres. Depuis longtemps, et bien avant la crise, nous militions pour qu’un pharmacien adjoint soit rémunéré, au minimum, au niveau du plafond de la sécurité sociale, c’est-à-dire au coefficient 500. Nous en sommes loin. Dans les régions où la demande est supérieure à l’offre, la majorité des adjoints sont embauchés à un coefficient 400. C’est, par exemple, le cas dans des villes moyennes où il existe des facultés de pharmacies, comme en Languedoc-Roussillon. La question de pharmaciens adjoints en surnombre dans certaines zones géographiques va commencer à se poser.

Une autre conclusion de l’enquête porte sur le versement de primes pour une majorité d’adjoints et de préparateurs. Le constatez-vous aussi dans les officines ?

Non, ce résultat est, pour moi, très surprenant, d’autant que le treizième mois n’est pas généralisé à l’officine. C’est un nouveau chiffre, qui n’a même jamais été dévoilé dans les enquêtes du rapport de branche. J’aimerais que les auteurs de l’enquête puissent prouver d’où ils tirent ce chiffre, qui ne correspond pas aux remontées du terrain.

Propos recueillis par stéphanie Bérard