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Délivrer des médicaments au-delà de la dose, une faute grave

Publié le 14 mars 2020
Par Anne-Charlotte Navarro
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Pas facile de savoir si le comportement d’un salarié justifie un licenciement sans s’exposer à une requalification par le conseil des prud’hommes. Le 20 février 2019, la cour d’appel de Rennes a apprécié le comportement d’un adjoint.

LES FAITS

M. Y. est salarié dans la pharmacie de Mme D. depuis le 15 décembre 1998 en qualité de pharmacien adjoint au coefficient 500. Mme X. devient l’employeur de M. Y. en 2011 après cession. Le 5 septembre 2015, M. Y. se voit notifier une mise à pied à titre conservatoire et est convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Par lettre du 25 septembre, M. Y. se voit signifier son licenciement pour faute grave au motif qu’il a délivré à trois reprises pendant quatre mois en lieu et place de Xeplion 50 mg, Xeplion 150 mg, alors que la prescription indiquait précisément « 50 mg ». Mme X. reproche également à M. Y. de ne pas l’avoir avertie de son erreur. Estimant son licenciement injustifié, M. Y. saisit le conseil des prud’hommes.

LE DÉBAT

A l’appui de sa demande, M. Y. soutient que, dès mai 2015, il avait souhaité ne plus être responsable du système informatisé de préparation de doses à administrer (PDA) en raison du contexte de tension. Il estime que le flux de prescriptions que devait gérer chaque semaine l’équipe de la PDA et les moyens dont elle disposait rendaient inévitable une erreur. Il souligne qu’en 16 années d’activité, il n’a commis aucune erreur de délivrance de médicaments, que l’erreur reprochée en ce qu’elle était isolée ne pouvait être constitutive d’une faute grave, d’autant qu’elle n’a entraîné aucune conséquence dommageable, ni pour le patient ni pour la pharmacie.

En réplique, Mme X. demande l’application stricte de la jurisprudence relative à la faute grave. En effet, les magistrats considèrent de façon constante que la faute grave résulte de tout fait, non déjà sanctionné, imputable au salarié, constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail du salarié d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’employé dans la société pendant la durée du préavis. Pour elle, le fait que l’erreur de délivrance se soit reproduite trois fois pendant quatre mois la rend grave, tant au regard des règles du Code du travail que du code de déontologie. Par jugement du 26 janvier 2017, le conseil des prud’hommes de Lorient (Morbihan) a jugé le licenciement pour faute grave justifié. Le 10 février 2017, M. Y. forme un appel de cette décision.

LA DÉCISION

Le 20 février 2019, la cour d’appel de Rennes (Ille-et-Vilaine) a considéré que les erreurs répétées de M. Y. pouvaient justifier un licenciement pour faute grave, et ce, même au regard de sa carrière de plusieurs années sans erreur. Les magistrats considèrent qu’il n’est pas nécessaire que le patient ait subi un dommage. Le licenciement est valable.

Cette décision peut être mise en parallèle de celle rendue le 13 novembre 2015 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). En l’espèce, les magistrats avaient considéré que l’erreur devait nécessairement nuire gravement à la santé du patient. Juridiquement, les deux décisions ont la même force. Seule une prochaine décision de la Cour de cassation tranchera ce point juridique.

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Source : cour d’appel de Rennes, 20 février 2019, n° 17/00950.

À RETENIR !

Une erreur de délivrance répétée peut être qualifiée de faute grave justifiant le licenciement.

Il n’est pas nécessaire que le patient ait subi un dommage grave à sa santé.

Cela ne donne pas droit au paiement de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective. Seule l’indemnité compensatrice de congés payés est due.