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Attention à ce qu’on dit !

Publié le 5 novembre 2018
Par Fabienne Rizos-Vignal
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Chaque salarié jouit de la liberté d’expression sur son lieu de travail. Cette prise de paroles reste néanmoins soumise à quelques règles diplomatiques.

LES LIMITES à ne pas dépasser.

Exprimer librement sa pensée et ses opinions. Oui ! A condition de ne pas commettre d’abus. Dans l’entreprise, le salarié ne peut pas tenir des « propos injurieux, diffamatoires ou excessifs » à l’égard de son employeur ou des autres salariés. « C’est un bon à rien, heureusement qu’il y a eu son père avant lui ! » déclarait, devant d’autres collègues, un directeur administratif en parlant de son PDG. Le principal intéressé ayant eu vent de ces propos, le salarié a été licencié pour faute grave. Amenée à juger le litige, la Cour de cassation a validé le licenciement, fondé sur le grief de la médisance. Moralité, mieux vaut tourner sa langue sept fois dans sa bouche, avant d’exprimer des critiques. Car des paroles malheureuses peuvent coûter cher !

EN DEHORS de l’entreprise, puis-je tout dire ?

En principe, l’employeur n’a aucun droit de regard sur les agissements privés de ses salariés. Mais en pratique, la frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle est poreuse. Ainsi, des propos malveillants tenus en ville par une secrétaire médicale sur son employeur ont été jugés abusifs. La salariée a été imprudente en pensant que ses critiques, même formulées sur le ton de la confidence, n’allaient pas être rapportées. Dans une autre affaire, les tribunaux ont confirmé le licenciement pour faute grave d’une salariée ayant clamé auprès de ses collègues « que l’entreprise était dans le rouge », afin de les inciter à partir travailler pour un concurrent. La salariée a tenté de convaincre les juges, qu’elle avait simplement fait usage de sa liberté d’expression, lors d’une conversation privée tenue sur un marché. En vain, ces derniers ont considéré que son comportement dénotait un manque de loyauté envers son employeur.

LE PIÈGE des réseaux sociaux.

Les tribunaux tendent à appréhender les réseaux sociaux comme des espaces publics, y compris sur Facebook dès lors que le paramètrage du compte est ouvert au public ou à un très grand nombre de personnes. Mieux vaut bien verrouiller sa communication. Dans un arrêt du 12 septembre 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation a, ainsi, estimé que les propos, diffusés au sein d’un groupe fermé de 14 personnes intitulé « Extermination des directrices chieuses », relevaient d’une conversation de nature privée. La faute grave n’a donc pu être retenue à l’appui d’un licenciement. La position de la Cour de cassation aurait été différente, si ces propos avaient été diffusés sur un post ouvert.

LA CRITIQUE, à juste dose !

Cependant, les restrictions à la liberté d’expression n’excluent pas toute critique. Ainsi, il ne peut être reproché à un salarié d’avoir formulé, sans excès, des critiques sur la nouvelle organisation du travail mise en place par l’employeur. Surtout, si elles s’inscrivent dans une démarche constructive en vue de l’amélioration du fonctionnement et des résultats de l’entreprise. Attention toutefois à ne pas exprimer de manière systématique son désaccord avec les décisions prises par sa hiérarchie. Une certaine forme de diplomatie est de rigueur !

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BON À SAVOIR

Tous les pharmaciens ont une obligation déontologique « de faire preuve de loyauté les uns envers les autres » et cela « en toutes circonstances ». Dénigrer son patron, son collègue, son collaborateur placé sous son autorité hiérarchique, ou un concurrent, constitue un manquement à la confraternité.

→ La liberté d’expression constitue un droit fondamental.

→ L’injure, la diffamation et tous les propos excessifs – notamment vexatoires, insultants, malveillants – sont les lignes blanches à ne pas franchir.

→ Le salarié qui abuse de sa liberté d’expression s’expose à un licenciement pour faute.

→  La critique constructive est permise.

POUR ALLER + LOIN

Besoin d’informations complémentaires sur la liberté d’expression au travail.

Consultez le recueil Dalloz, « La liberté d’expression et respect de la vie privée : quel équilibre au regard de la convention européenne ? », écrit par F. Burgaud.