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Trois clés pour préserver son patrimoine personnel
Vous avez repris une officine et pensez avoir mis votre patrimoine à l’abri ? Attention ! Si votre affaire tourne mal, les créanciers pourront vous réclamer jusqu’à votre dernière chemise. Trois précautions pour limiter les dégâts.
1 Adopter le statut de société
Le choix du statut juridique de votre officine est déterminant. Car, en cas de coup dur, la responsabilité du dirigeant n’est pas la même selon le statut adopté. Il existe deux principaux cas de figure :
– Le régime d’entrepreneur indépendant : c’est la forme juridique la plus risquée. En effet, dans une société de personnes (statut d’entreprise individuelle), les patrimoines personnel et professionnel sont juridiquement confondus. En clair, le dirigeant est responsable des dettes de l’entreprise sur tous ses biens, y compris ceux qu’il a acquis avec son conjoint. De même, la société en nom collectif, également associée à une responsabilité illimitée de ses dirigeants, est aussi à proscrire.
– Le statut de société : le statut de SARL ou les différentes formes de sociétés d’exercice libéral (SEL) ont l’avantage de limiter votre responsabilité. « Une société dispose de son propre patrimoine. La responsabilité du dirigeant est alors limitée à l’apport du capital de l’entreprise », précise Gilles Etienne, expert à Cyrus Conseil, un cabinet spécialisé en gestion patrimoniale. Ainsi, si une société n’arrive plus à faire face à ses échéances, les créanciers ne pourront pas saisir le patrimoine personnel, mais seulement celui de l’entreprise.
Mais, attention ! Même dans le cas d’une société, la protection n’est pas sans conditions. Premier cas de figure : une mauvaise gestion ou une grave négligence (par exemple une vente à perte) peuvent conduire les juges, en cas de liquidation ou de redressement judiciaire, à lever cette immunité. De même, si vous êtes accusé d’abus de biens sociaux, vos biens personnels peuvent être engagés. En outre, si vous ne respectez pas vos obligations fiscales, vous deviendrez solidairement responsable des dettes fiscales de votre société : le Trésor public pourra demander une saisie de votre patrimoine personnel.
2 Limiter la caution personnelle
Vous avez créé une société et croyez être à l’abri de l’appétit de vos créanciers ? Erreur. Au moment de négocier un prêt à la banque, vous risquez à nouveau de voir votre résidence principale, votre véhicule ou vos comptes titres s’envoler en fumée en cas de difficultés financières. « En accordant un prêt professionnel, les banques exigent systématiquement une caution sur les biens personnels en cas de défaillance de l’entreprise. C’est une garantie qui montre, aux yeux des banques, que le futur titulaire croit en la réussite de son projet », affirme Laurent Courtin, avocat associé au sein du cabinet LFA. Cette option est pourtant très périlleuse pour le dirigeant. « Beaucoup d’entrepreneurs, qui se croyaient protégés, se sont retrouvés dessaisis de leur patrimoine personnel et donc ruinés », alerte Francis Meyara, président de l’association Re-créer.
Quelques astuces vous permettront de limiter les dégâts. Première option : souscrire une caution en engageant un bien particulier, qui servira de dépôt de garantie pour honorer une créance bancaire. De cette façon, le dirigeant évitera d’engager la totalité de son patrimoine personnel. « Tout est question de négociation. Bien entendu, la banque sera d’autant plus ouverte à la discussion que le risque est limité », prévient Laurent Courtin.
L’absence de caution personnelle peut par exemple être négociée si l’apport est au moins de 20 %. La réduction de la durée de la caution (qui s’arrête par exemple une fois le prêt remboursé) ou sa non-transmission aux héritiers en cas de décès peuvent aussi constituer d’autres marges de manoeuvre. En outre, la loi Dutreil 2003 pour l’initiative économique a introduit des garde-fous. D’abord, le créancier doit informer chaque année la personne qui s’est portée caution de la hauteur de ses engagements. Ensuite, la caution doit être proportionnelle aux biens et aux revenus de celui qu’il engage. De quoi au moins limiter la casse.
3 Choisir un régime matrimonial adapté
Pour limiter les risques, le choix du régime matrimonial s’avère particulièrement déterminant. Si vous êtes marié sous le régime de la communauté de biens, les créanciers pourront mettre la main sur la totalité de votre patrimoine. Y compris ce qui a été acquis avec votre épouse. Les experts en gestion patrimoniale recommandent aux dirigeants de se marier sous le régime de la séparation de biens. Dans ce cas, votre patrimoine et celui de votre épouse sont bien distincts. Avantage : personne ne pourra saisir votre résidence principale si elle a été achetée au nom de votre épouse. Si vous êtes entrepreneur indépendant, seuls les biens à votre nom pourront tomber sous le coup de créanciers.
Vous pourrez adopter ce régime lors de votre mariage bien sûr, mais aussi a posteriori en procédant à un changement de régime devant notaire (à partir de 750 euros suivant l’importance de votre patrimoine). Dans ce cas, les juges doivent ensuite valider ce nouveau régime, en vérifiant notamment qu’il n’est pas contraire aux intérêts de la famille.
Ce confort, très appréciable, ne doit pas faire oublier un autre risque. Car si le torchon brûle, vous risquez de vous retrouver sans aucune part du gâteau. La situation idéale est d’effectuer une séparation de biens (le régime matrimonial le plus adapté aux dirigeants), mais en rééquilibrant les biens de part et d’autre. En outre, si ce nouveau régime est décidé a posteriori, tous les biens acquis avant ne pourront être divisés et resteront par conséquent communs.
Autre précaution à prendre en compte : « Les créanciers ne doivent pas pouvoir prouver que le dirigeant a organisé son insolvabilité », prévient Gilles Etienne. Il n’est donc pas question de mettre ses biens au nom de sa femme au moment où les comptes virent au rouge. Ce délit est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. D’où la nécessité d’anticiper, sur le long terme, le développement de votre affaire.
« Je protège mon patrimoine pour avoir une retraite confortable »
Christian Wilhelm, titulaire à Mulhouse depuis 2001, le sait d’expérience : mieux vaut prévenir que guérir. « Mon patrimoine personnel est l’assurance d’une future retraite confortable, estime-t-il. Il est essentiel de le protéger au maximum et de le mettre à l’abri de tout risque lié à ma responsabilité en tant que dirigeant. » Il faut dire que l’officinal a été échaudé : « Lors de ma première installation, j’avais adopté le statut de SNC. Suite à des difficultés financières, j’ai dû revendre la pharmacie avec mon associé. Si la cession n’avait pas couvert les dettes, mes biens personnels auraient pu être saisis… » C’est pourquoi Christian Wilhelm a créé une SELARL lorsqu’il s’est installé à Mulhouse. « Cette structure permet de séparer le patrimoine personnel et professionnel. C’est plus rassurant. » Et, pour mettre davantage son patrimoine à l’abri, l’officinal a même créé une SCI au moment d’acheter les murs de sa pharmacie.
à savoir – Trois astuces pour protéger son patrimoine
– Souscrire un contrat d’assurance vie pour limiter la surface de recouvrement du patrimoine. En effet, d’après le Code des assurances, les sommes qui sont investies dans un contrat d’assurance vie ne peuvent pas être saisies par des créanciers.
– Faire une déclaration d’incessibilité de la résidence principale. Cet acte notarié coûte moins de 120 euros.
– Créer une SCI (société civile immobilière) au moment d’acheter les murs de l’officine. Dans ce cas, les actifs immobiliers constitueront un patrimoine séparé et seront donc préservés.
à suivreUn nouveau régime plus protecteur pour les indépendants ?
L’entrepreneur indépendant pourra-t-il bientôt bénéficier d’une meilleure protection de son patrimoine personnel ? Le rapport Hurel, visant à réformer ce statut, pourrait évoluer dans ce sens. Son auteur, François Hurel, suggère une mesure d’affectation de patrimoine pour limiter la responsabilité du dirigeant. Le principe : l’entrepreneur indépendant affecte seulement certains biens personnels à l’entreprise, ce qui permet de protéger le reste de son patrimoine. Remis en janvier dernier au gouvernement, le rapport Hurel est en discussion pour figurer dans le projet de loi sur la modernisation économique qui devrait être voté ce printemps.
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