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« The place to be » pour échapper à la saisie
Un dirigeant dont l’entreprise fait faillite, cela arrive régulièrement. Un liquidateur tenté de saisir un bien immobilier pour payer les dettes professionnelles contractées outrepasse-t-il ses droits ? Rien n’est moins sûr.
Les faits
Le 4 décembre 2018, l’entreprise de M. K. est placée en liquidation judiciaire. La société O est désignée comme liquidateur. Elle sollicite auprès du juge du tribunal de commerce l’autorisation de vendre aux enchères publiques un bien immobilier appartenant à M. K. pour payer les créances professionnelles de l’entrepreneur. Le juge rejette la requête car ce bien est la résidence principale de M. K. Le liquidateur conteste cette décision.
Le débat
L’article L.526-1 du Code de commerce dispose que la résidence principale de l’entrepreneur individuel ne peut être saisie et vendue pour payer les créances nées de l’activité professionnelle de l’entrepreneur. Il s’agit d’une protection instaurée par la loi dite Macron du 7 août 2015. A l’époque, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, avait porté cette « insaisissabilité automatique, sans aucune formalité et donc totalement gratuite, perçue comme la juste récompense de la prise de risques des indépendants et censée désinhiber les porteurs de projet d’entreprise ». Pour autant, dans le silence de la loi, les juristes s’interrogeaient sur la mise en place pratique de cette nouvelle règle. L’une des questions centrales était celle de la preuve. Qui doit prouver par des pièces objectives et vérifiables que le bien constitue la résidence principale de l’entrepreneur ? Certains estimaient qu’il revenait au liquidateur de le démontrer ; d’autres au contraire arguaient que cette preuve était à la charge de l’entrepreneur. En l’espèce, la société O défendait cette position. Le 26 mai 2021, la cour d’appel de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) rejette sa demande. Les magistrats considèrent qu’il revenait au liquidateur de démontrer qu’au jour d’ouverture de la liquidation M. K. avait pour résidence principale un autre immeuble. Estimant que les magistrats avaient inversé la charge de la preuve, la société O forme un pourvoi en cassation.
La décision
Le 25 octobre 2023, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. L’article 1353 du Code civil dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Sur le fondement de cet article, les hauts magistrats retiennent que c’est à l’entrepreneur individuel de démontrer que le bien dont la saisie est demandée correspond à sa résidence principale. Faute d’une telle preuve, le liquidateur peut saisir et vendre le bien pour désintéresser les créanciers professionnels. La cour précise que l’entrepreneur doit avoir fixé sa résidence principale dans le bien immobilier au jour du jugement d’ouverture. Il peut apporter cette preuve par tout moyen : factures, déclaration fiscale, témoignages. Ainsi, un pharmacien exerçant « en son nom propre », qui connaîtrait des difficultés financières le conduisant à un redressement ou à une liquidation judiciaire, devrait démontrer le lieu de sa résidence principale pour faire échapper ce bien à la saisie et à la vente. Rappelons que le Code de commerce autorise l’entrepreneur à renoncer à cette protection au moyen d’un acte notarié publié.
Source : Cass. com., 25 octobre 2023, n° 21-21.694.
À retenir
La résidence principale de l’entrepreneur individuel ne peut pas être saisie pour payer les dettes professionnelles.
Il revient toutefois à l’entrepreneur de démontrer que le bien est sa résidence principale.
La loi autorise l’entrepreneur à renoncer à cette protection.
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