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Sociétés d’exercice libéral : pourquoi l’Assurance maladie veut-elle les contrôler ?
Pour la première fois, le rapport Charges et produits 2024 de l’Assurance maladie aborde le sujet de la financiarisation du système de santé. Une problématique qui incite l’Assurance maladie à proposer la création d’un observatoire et la mise en place d’un contrôle des sociétés d’exercice libéral (SEL).
Le sujet de la financiarisation du système de santé a nécessité un travail d’un an pour les équipes de l’Assurance maladie, selon Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), lors du café Nile organisé le 12 juillet 2023. « Les économistes de la santé parlent de la financiarisation mais il n’y a aucune publication sur la question », a -t-elle d’ailleurs relevé. La problématique « se situe au-delà des compétences de l’Assurance maladie », mais elle mérite d’être approfondie car « le problème n’est pas de faire appel à des fonds privés, il faut financer le système de santé ; le problème, ce sont les stratégies spéculatives », a-t-elle ajouté.
Bientôt les soins primaires ?
Le rapport Charges et produits se penche donc sur ce phénomène, en particulier dans le secteur de la biologie médicale et celui de la radiologie. Elle aborde également la financiarisation possible des soins primaires. En effet, celle-ci a déjà commencé dans certains pays. Le rapport cite ainsi plusieurs exemples. En Suède, en 2018, environ un tiers des cabinets privés à but lucratif étaient détenus par des sociétés internationales de capital-investissement. Aux Pays-Bas, des chaînes de médecins généralistes commerciales ont émergé, dont certaines sont à but lucratif et sont détenues par des sociétés de capital-investissement. Au Royaume-Uni, le groupe d’assurance santé américain Centene Corporation a acheté un réseau de 70 cabinets de médecins généralistes.
Enfin, l’Assurance maladie cite l’exemple des MVZ (Medizinische Versorgungszentren) en Allemagne. Il s’agit de centres de santé de proximité délivrant des soins ambulatoires créés par des médecins ou des établissements de santé. Cette nouvelle organisation a connu un tel succès (70 en 2004 et plus de 3 800 en 2020) qu’elle a attiré des investisseurs financiers. Ceux-ci ne peuvent pas acquérir directement des MVZ mais ils achètent soit des hôpitaux autorisés à créer des MVZ, soit des salles de consultation ou les appareils médicaux d’un MVZ via une transaction d’actifs. « L’objectif final de ces acquisitions est de vendre le réseau de MVZ ainsi constitué avec des bénéfices après une période de quatre à six ans », note le rapport. Or, cette situation présente plusieurs inconvénients : la provenance des fonds est souvent opaque ; l’objectif de rentabilité altère la qualité des soins ; ces sociétés disposent d’un avantage concurrentiel sur les médecins conventionnés censés être les acteurs principaux des MVZ et les poussent à quitter le marché.
Observer et contrôler
De quoi inquiéter l’Assurance maladie. Celle-ci propose donc de mettre en place un observatoire de la financiarisation du système de santé pour suivre les opérations financières dans le secteur de la santé, analyser leurs conséquences, identifier les dérives spéculatives, et faire des recommandations en matière de régulation. Surtout, elle veut mettre en œuvre un contrôle de la financiarisation grâce à une mission interministérielle sous la tutelle des ministères de la Santé, des Finances, de l’Economie, de la Justice. « Aujourd’hui, un cadre s’impose aux SEL. On s’est rendu compte en creusant le sujet, que la raison pour laquelle il y a avait eu aussi un phénomène de spéculation, est que les règles applicables aux SEL avaient été contournées, a expliqué Marguerite Cazeneuve. Le sujet n’est pas uniquement d’imposer des règles mais d’avoir des acteurs en mesure de contrôler le respect de ces règles et les agences régionales de santé n’ont pas ces compétences. La mission nationale pourra conduire des vrais contrôles auprès des entreprises pour lesquelles on soupçonne qu’il y a eu un contournement de règles pour pouvoir immédiatement engager des démarches judiciaires si nécessaire. »
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