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QUI PAIE GAGNE !

Publié le 1 octobre 2021
Par Francois Pouzaud
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Si un pharmacien soumis à l’Impôt sur les sociétés (IS) souhaite s’octroyer une rétribution sur le résultat dégagé via des dividendes, il a parfois intérêt à payer des charges sociales sur ceux-ci. Explications.

LORSQUE LES RÉSULTATS D’UNE PHARMACIE EXPLOITÉE EN SOCIÉTÉ SONT BONS, il peut être envisagé de mieux rétribuer son ou ses titulaire(s) en décidant en assemblée générale ordinaire d’une distribution de dividendes aux associés. Ainsi, un associé gérant unique d’EURL, un associé gérant “majoritaire” de SARL, de SELARL ou même de SELAS, affilié de fait à la Sécurité sociale des indépendants en sa qualité de travailleur non salarié (TNS) doit verser des cotisations sociales sur le montant de sa rémunération de gérance, mais aussi sur le montant des dividendes qu’il perçoit au-delà de certains seuils. Ainsi, depuis 2010, les dividendes versés à des associés TNS par les SEL, mais aussi depuis le 1er janvier 2013 par les SARL, sont soumis aux cotisations et contributions sociales lorsque la part des dividendes excède 10 % du capital social, des primes d’émission et des sommes laissées en compte courant d’associés. D’où le réflexe spontané parfois d’augmenter le capital social ou de limiter la distribution de dividendes en restant sous le plafond de verre des 10 %, ou de privilégier les primes pour ne pas avoir à payer de charges et contributions sociales inhérentes. « Cette disposition a fait couler beaucoup d’encre, mais elle est un non-évènement pour les pharmaciens et ne génère des cotisations supplémentaires sur les dividendes que de manière rarissime », estime Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA. D’abord, les dividendes versés par une SEL à une société holding (une SFP-PL ou une autre SEL) ne sont pas concernés par cet assujettissement aux cotisations et contributions sociales. Ceux versés à des associés investisseurs (donc qui ne sont pas titulaires des SEL distributrices), ou à des associés adjoints salariés, ne le sont pas non plus. « Dès lors, il faut imaginer que le capital des sociétés pourra être augmenté par simple incorporation de réserves (il s’agit des résultats passés non distribués aux associés de la SEL), augmentant d’autant le déclenchement éventuel du seuil des 10 % », complète Thomas Crochet, avocat associé du cabinet Officiis.

Surcoût ou gain ?

La perception des cotisations et des contributions sociales (CSG et CRDS) sur les dividendes est centralisée auprès des caisses de l’URSSAF. Elles sont presque intégralement déductibles des résultats de la SEL et leur taux de cotisation s’élève à 21,17 %. Sur le plan fiscal, lors du dépôt de sa déclaration de revenus personnelle, le gérant majoritaire de SELARL ou de SARL doit choisir au mieux de ses intérêts entre une imposition du dividende perçu à l’Impôt sur le revenu (IR) au taux de 30 % (12,8 % de flat tax et 17,2 % de prélèvements sociaux) ou au barème progressif de l’IR après application de l’abattement de droit commun de 40 %. « Lorsque le contribuable atteint la tranche d’imposition marginale d’IRPP (Impôt sur les revenus des personnes physiques) à 41 %, c’est-à-dire que tout revenu complémentaire est taxé à ce taux, il aura intérêt à privilégier la flat tax », conseille Thomas Crochet.

Cotisation sociale : une fois mais pas deux !

Mais attention, il faut veiller à ce que les contributions sociales (CSG et CRDS) ne soient pas payées deux fois : « Une première fois auprès de l’URSSAF, au taux de 9,7 % et, une seconde, via la flat tax de 30 % intégrant les prélèvements sociaux », avertit Olivier Delétoille. Par conséquent, la flat tax perçue par l’administration fiscale sera limitée au taux de 12,8 %, soit la différence entre 30 % et 17,2 % de contributions sociales ».

Preuve à l’appui.

Les résultats 2020 d’une pharmacie exploitée en SEL à associé unique offrent la possibilité de distribuer une “enveloppe brute” avant IS de 10 000€, sous forme de dividendes. Le cabinet Adequa calcule les disponibilités nettes pour l’unique associé selon que les dividendes sont soumis, ou non, à charges sociales. Pour rappel, l’IS est de 26,5 %. Dans l’hypothèse où les dividendes ne sont pas soumis à charges sociales, les 10 000€ de résultat génèrent un IS de 2 650€, soit un résultat net après IS de 7 350€. Ayant opté pour la flat tax, le contribuable paiera 2 205€ d’impôt. La rémunération nette d’impôts et de contributions sociales est de 5 145 €. Dans l’hypothèse où ce même montant de dividendes est soumis à charges sociales (1 228€ à régler), le montant net avant IS est de 8 772€ et après IS de 6 447€. A ce dernier montant, il convient ensuite de soustraire la CSG et CRDS non déductibles (208€) et l’impôt forfaitaire de 12,8 % (sans les 17,2 % de contributions sociales, pour éviter la double imposition) pour un montant de 825€. Il reste un montant net pour l’associé unique de 5 414€, soit 269€ de gain de rémunération par rapport à la première hypothèse. CQFD.

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DES RÉMUNÉRATIONS ET DIVIDENDES DÉDUCTIBLES

Lorsqu’une la société acquitte des cotisations qui incombent au dirigeant, les sommes payées constituent un complément de rémunération. Corollaire : le montant pris en charge par la société constitue un avantage imposable à l’impôt sur le revenu à son nom. Si la pratique s’avère très répandue, « elle nécessite néanmoins de respecter un certain formalisme, elle doit notamment être prévue par les statuts, indique Thomas Crochet. La collectivité des associés, ou bien l’associé unique, fixe le montant de la rémunération octroyée au dirigeant en contrepartie de l’exécution de son mandat. La prise en charge par l’entreprise des cotisations dues au titre de cette rémunération doit également être approuvée ». Selon une réponse ministérielle (réponse Frassa : JO Sénat du 03/09/2020, n° 12909), la société peut déduire de son résultat à la fois les rémunérations qu’elle verse au dirigeant et les cotisations qu’elle prend en charge. Elle précise qu’il en est de même pour les cotisations sur dividendes prises en charge par la société.