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Quelle rémunération pour le titulaire ?

Publié le 19 septembre 2009
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En étant votre propre patron, vous disposez d’une grande liberté pour fixer votre rémunération. Mais outre votre train de vie, vous devez prendre en compte d’autres critères tels que la trésorerie, la forme juridique ou encore le régime fiscal.

La rémunération du titulaire n’est pas un sujet qu’il faut improviser ni prendre à la légère. « Elle doit être prévue dès le départ dans le montage financier. C’est une règle d’or », affirme Michel Watrelos, expert-comptable au cabinet Conseils et Auditeurs Associés W. Mais c’est également le statut juridique de votre pharmacie qui doit déterminer votre rémunération.

Vous exercez en entreprise individuelle

Combien se verser ?

Ce mode d’exploitation concerne près de 50 % des pharmaciens. Avec ce statut, la rémunération du titulaire devra couvrir ses besoins personnels, les impôts ainsi que les frais. « Ces prélèvements s’élèvent en moyenne à 8 % du chiffre d’affaires hors taxe, mais peuvent monter jusqu’à 13 % lorsque par exemple le pharmacien n’a plus d’emprunts à rembourser », recommande Michel Watrelos. Tout dépend également de la capacité financière de la pharmacie et des projets personnels du pharmacien. Mais, dans tous les cas, il est indispensable que le titulaire laisse une provision importante sur le compte bancaire de sa pharmacie. « Je préconise de un à un mois et demi de trésorerie. Ces calculs doivent être définis dès l’élaboration du plan de financement. »

Quelle optimisation fiscale ?

En pratique, le dirigeant, qui a le statut de travailleur non salarié, n’a pas de fiche de paie. Les résultats de l’entreprise sont directement repris dans les bases de calcul de l’impôt sur les revenus des personnes physiques (ou IRPP) ainsi que des cotisations sociales, de la CSG et de la CRDS du titulaire. « La marge de manoeuvre en termes d’optimisation fiscale et sociale est quasiment inexistante. La rémunération du dirigeant n’est pas matérialisée et n’est d’ailleurs pas une charge déductible. Par contre, les cotisations sociales et une bonne partie de la CSG sont déductibles des résultats », précise Laurent Cassel, expert-comptable au cabinet ArythmA. Laurent Cassel conseille également de « souscrire un contrat de prévoyance ou de retraite complémentaire facultatif de type loi Madelin ».

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Des dérapages sont-ils possibles ?

Attention, le titulaire ne doit pas confondre les revenus imposables et les prélèvements qu’il opère pour sa rémunération ! Ceux-ci sont « naturellement inférieurs aux résultats en période de remboursements d’emprunts. Le titulaire n’aura alors pas d’autres sources de revenus en provenance de l’officine », précise Laurent Cassel. Au niveau comptable, ces prélèvements doivent figurer dans le compte de l’exploitant, qui enregistre les mouvements financiers entre ce dernier et l’entreprise. Le titulaire devra alors valider attentivement les mouvements portés dans ce compte chaque année, l’expert-comptable prenant soin de ventiler les postes les plus significatifs. Mais attention aux dérapages ! « En entreprise individuelle, il n’est pas rare que l’exploitant confonde le tiroir-caisse avec son porte-monnaie », met en garde Laurent Cassel. Dans ce contexte, des aménagements s’imposent pour mesurer les conséquences financières à long terme si le titulaire est trop dispendieux ou si la rentabilité apparaît insuffisante.

Vous exercez en EURL à l’IR

Comment se formalise la rémunération ?

Contrairement à l’entreprise individuelle, les apports et les prélèvements de l’associé sont matérialisés dans un compte spécifique : le compte courant. Toutes les opérations effectuées par la société au nom du pharmacien y sont enregistrées.

Des dérapages sont-ils possibles ?

« Comme pour le compte de l’exploitant en entreprise individuelle, le compte courant est un poste sensible et il est fortement recommandé aux associés de valider formellement tous les mouvements qui y sont portés », préconise Olivier Depercenaire, expert-comptable chez ArythmA. Et, là aussi, la confusion fiscale et sociale entre le titulaire et son entreprise est totale.

Quelle optimisation fiscale ?

Les modalités de calcul des bases de l’IRPP et des cotisations sociales sont les mêmes qu’en entreprise individuelle. Par contre, du fait du choix juridique, « une assemblée se tiendra pour déterminer le niveau de la rémunération qui sera comptabilisée. Cette comptabilisation de la rémunération des dirigeants n’a aucun intérêt fiscal pour les sociétés à l’IR puisqu’elle n’est pas une charge déductible », explique Olivier Depercenaire.

Vous exercez en société à l’IS

Quelle rémunération ?

Deux personnes sont imposées séparément, avec d’un côté la personne morale et de l’autre la personne physique. La rémunération de l’exploitant est discutée entre les associés, puis formalisée au cours de l’assemblée générale en début d’exercice. Son montant peut d’ailleurs être revu chaque année. « Le titulaire a le statut de mandataire social et, à ce titre, il ne perçoit pas de fiche de paye mais prélève directement l’argent de la société sur son propre compte. Outre cette rémunération fixe, le titulaire peut également percevoir des dividendes, variables, et reversés entre les investisseurs », précise Michel Watrelos. La rémunération du titulaire est alors comptabilisée dans les charges de la société.

Quelle optimisation fiscale ?

Le statut social du dirigeant est le même qu’en entreprise individuelle ou EURL à l’IR. Par contre, « les cotisations sociales seront calculées sur la base de la rémunération comptabilisée. Tenant compte de la rémunération du titulaire déductible des résultats de la société, celle-ci paye son impôt sur la base de son résultat fiscal », explique Olivier Delétoille, expert-comptable chez ArythmA. En outre, le résultat net pourra être distribué entre les associés sous-forme de dividendes. L’associé d’une société à l’IS sera alors imposé au titre de l’IRPP sur la base de la rémunération comptabilisée dans les comptes de la société et des dividendes décidés en assemblée.

Quelle différence entre rémunération et dividendes ?

En principe, la rémunération récompense le travail du dirigeant tandis que les dividendes rémunèrent le capital investi et les résultats maintenus dans la société. « Parfois, un calcul s’impose pour trouver le bon équilibre entre rémunération et dividendes, tenant compte aussi des perspectives financières à court et long terme. Dans ce contexte, il est indispensable d’être conseillé, dans la mesure où le sujet évolue dans un environnement fiscal et social mouvant », conclut Olivier Delétoille.

repère

En moyenne, un patron de PME gagne 47 700 euros par an, soit l’équivalent d’un salaire mensuel net de 3 975 euros sur douze mois.

Pourquoi des dérapages sont possibles ?

« Une telle situation est causée par un déséquilibre entre la capacité financière de la pharmacie, après remboursement des emprunts, et les besoins personnels du titulaire incluant les impôts sur le revenu, explique Dominique Leroy, expert-comptable au cabinet Norméco. A l’origine, il est assez fréquent que le titulaire commette l’erreur de définir ses besoins sans se soucier des recettes de sa pharmacie. Une étude d’un organisme financier a démontré que les pharmaciens confrontés à ces déboires ne sont pas des novices de l’installation mais des pharmaciens de deuxième ou troisième installation dont le train de vie a progressivement entamé la trésorerie de la pharmacie. De tels dérapages arrivent lorsque le pharmacien mesure mal les conséquences d’un endettement lourd. Pour éviter ces déconvenues, je conseille de faire chaque année un bilan qui mesure l’écart entre les revenus disponibles professionnels et les prélèvements personnels. Ce comparatif permet de faire le point et d’analyser les flux financiers. Dans un contexte économique qui dégrade la rentabilité des pharmacies, ce sont les pharmaciens qui maîtrisent leurs frais, leur niveau d’endettement et qui optimisent leur capacité financière qui s’en sortiront le mieux. »