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Quand des associés ne s’entendent plus

Publié le 27 janvier 2024
Par Guy Tamboise
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Abuser de son statut d’associé majoritaire, voire minoritaire, aboutit généralement à des difficultés. Lesquelles peuvent conduire à se référer aux textes, aux statuts, aux pactes d’associés ou autres règlements intérieurs et, de manière ultime, à l’arbitrage des juges. Quelles sont les limites ?  

 

Il existe deux types d’association, celle réunissant uniquement des pharmaciens coexploitants, d’une part, ou celle regroupant des exploitants et des investisseurs, d’autre part.

 

Il convient de rappeler que l’associé ou les associés coexploitants doivent disposer de la majorité des droits de vote pour les décisions ordinaires (approbation des comptes, affectation des résultats, etc.). Autrement dit, l’associé investisseur ne peut s’immiscer dans la gestion. Autre principe, « travailler en association résulte d’un véritable processus dont l’objectif premier est l’intérêt général de la société », précise d’emblée Olivier Delétoille, expert-comptable associé du cabinet AdéquA.

 

Le poids de chaque associé est fonction d’abord de sa quotité au capital social de la société. S’il est majoritaire, il ne doit pas pour autant être léonin. S’il est minoritaire, il faut que ses intérêts légitimes soient protégés. « Ainsi, ce dernier dispose d’un pouvoir de blocage pour certaines décisions extraordinaires (modification des statuts, transfert de l’officine, etc.), mais ne doit pas, par ses agissements, nuire à la gestion et au bon développement de l’entreprise », ajoute Benoît Amiel, avocat associé du cabinet JTBB.

Avantages déséquilibrés

 

La plupart des conflits résultant d’associations entre exploitants et investisseurs, dans lesquelles se télescopent la juste rémunération du travail et du capital, naissent de projets qui, dès le départ, n’étaient pas « gagnant-gagnant ». Un constat que fait également Olivier Delétoille : « Ils résultent aussi parfois de simples problèmes de compétence du titulaire en place ou d’ego d’un associé. »

 

L’abus de majorité est caractérisé lorsqu’il est établi qu’une décision de l’assemblée générale des associés a été prise contrairement à l’intérêt général de la société et dans l’unique dessein de favoriser les associés majoritaires au détriment des minoritaires.

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Exemples d’abus d’un associé majoritaire :

 

– le titulaire s’octroie une rémunération ou des avantages indirects (primes, complément retraite, etc.) excessifs ou non justifiés au regard des standards de la profession de pharmacien et compte tenu de la rentabilité de la société, sans mesurer qu’il « bascule » aussi parfois dans l’abus de bien social (véhicule utilisé à des fins personnelles, avantages commerciaux perçus personnellement, etc.) ;

 

– il décide la mise en réserve systématique des résultats sans jamais aucune distribution de dividendes, alors que le montant des réserves est considérable.

 

« Les auteurs d’abus de majorité s’exposent au paiement de dommages et intérêts et au prononcé de la nullité des délibérations ainsi adoptées », prévient Benoît Amiel.

 

L’abus de minorité est caractérisé lorsqu’un associé minoritaire ou égalitaire utilise son droit de vote ou son abstention pour favoriser ses intérêts au détriment des autres associés et pour priver la société d’une décision essentielle à son intérêt social.

 

Exemples pouvant donner lieu à contentieux d’abus de minorité :

 

– l’associé investisseur s’opposerait à des investissements essentiels pour la survie de l’officine ou à un transfert pour préserver les intérêts de sa propre officine ;

 

– il obstruerait la vente nécessaire de l’officine ou s’opposerait à une décision d’augmentation de capital au bénéfice de nouveaux investisseurs pour sauver la société au seul motif de ne pas être dilué ;

 

– il harcèle le titulaire (lettres recommandées, entrave au déroulement normal d’une assemblée, contestation systématique des décisions de la gérance, procès d’intimidation, etc.).