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Plan de financement : Visez juste

Publié le 9 mars 2002
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Le plan de financement a pour objectif de valider la faisabilité financière d’un projet d’installation. Pour obtenir l’accord du banquier à qui il est présenté, certains intervenants ont recours à des montages séduisants sur le papier, mais qui peuvent se révéler périlleux par la suite. Conseils.

De multiples pièges guettent le pharmacien lors de la préparation de son installation, parmi lesquels il en est un sournois qui est rarement évoqué : l’élaboration du plan de financement.

En général, ce travail incombe aux opérateurs sollicités par les acquéreurs (experts-comptables, cabinets de transactions, conseils…). Si la majorité des plans de financement sont bâtis avec prudence et rigueur par des professionnels compétents, il n’est pas rare de rencontrer des montages financiers élaborés de manière hasardeuse et échafaudés dans le seul but de plaire au banquier. Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseil & Auditeurs associés, met en garde les candidats à l’installation contre les dangers encourus avec ces montages.

Le premier plan de financement décrié par cet expert-comptable est celui qui consiste à inclure « comme ressource financière » le crédit vendeur sur le stock (étalé sur deux ans, sans intérêt). Dans l’exemple retenu (voir montage A), et dans cette hypothèse, « le jeune installé va devoir rembourser une somme importante à son vendeur sur une courte période », commente Michel Watrelos, précisant que le remboursement de cette dette s’effectuera sur l’autofinancement généré chaque année par l’entreprise. Si celui-ci est insuffisant, le titulaire ne pourra pas faire face à cette charge de remboursement supplémentaire ou celle-ci grèvera dangereusement la trésorerie.

Selon cet expert-comptable, le stock de marchandises repris lors de l’acquisition doit être financé par l’emprunt global, par conséquent sur douze ans, dans la mesure où il s’agit d’un bien permanent. «Le plan de financement doit garder le stock en l’état, c’est-à-dire être maintenu à son niveau habituel, car le nouveau titulaire doit pouvoir démarrer au premier jour de son entrée en fonction avec un stock normalement achalandé afin d’éviter les ruptures, synonymes de pertes de clientèle, et des achats de marchandises non prévus. »

Bien sûr, cette réintégration du stock dans les besoins de financement à long terme conduit le pharmacien à suremprunter. Or les banques limitent généralement leur quotité de prêt à hauteur de 100 % de la valeur du fonds, voire parfois 100 % du chiffre d’affaires TTC, et se couvrent en prenant un nantissement sur le fonds.

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Dans le plan de financement établi par Conseils & Auditeurs associés, l’emprunt bancaire sollicité par l’acquéreur dépasse de 30 500 euros la valeur du fonds, ce qui peut conduire la banque à demander des garanties supplémentaires, par exemple une caution extérieure (plutôt celle de ses parents que celle de son éventuel conjoint) qui pourra être limitée à la fois dans son montant et dans le temps (en général cinq ans au maximum, à négocier).

Deuxième montage : « Pour faire correspondre l’emprunt bancaire avec le prix de cession, les parties peuvent convenir que le montant de la commission de l’intermédiaire sera mise à la charge du vendeur, celle-ci étant augmentative du prix de cession. » En recourant à cet artifice, l’acquéreur a plus de chances d’obtenir un accord de prêt mais, en contrepartie, il aura à supporter un droit d’enregistrement plus élevé de 1 060 euros.

Le troisième montage ou subterfuge auquel ont recours certains intermédiaires pour minorer l’emprunt à contracter auprès du banquier par rapport au montant de l’investissement consiste à utiliser le fonds de roulement, qui est une ressource à court terme, comme moyen de financement à long terme. Ce « dégagement en fonds de roulement » correspond aux encours du grossiste (crédit résultant du délai de paiement accordé par le fournisseur) et permet de contenir l’emprunt à une valeur égale ou inférieure à celle du fonds. De cette façon, on peut estimer que l’acquéreur obtiendra un prêt bancaire pour valider la transaction. « Mais ce montage fait courir un risque financier à l’emprunteur, avertit Michel Watrelos. Il ne faudrait pas que le nouveau titulaire dévie de sa trajectoire en matière de flux financiers à court terme. »

Financer le stock à long terme par les capitaux propres et l’emprunt

Or, cela n’est pas une hypothèse d’école : le pharmacien n’a pas complètement la maîtrise de son fonds de roulement qui dépend, entre autres, de la qualité des relations avec son grossiste-répartiteur. « Si le climat se détériore, ce dernier peut décider de modifier la donne, par exemple baisser les délais de règlement de son client, voire lui demander de payer « au cul du camion ». »

« Le fonds de roulement nécessaire, c’est-à-dire la trésorerie dont l’entreprise doit disposer pour faire face à ses échéances, est essentiellement fonction du CA réalisé, de la rotation des stocks, du crédit accordé aux clients et du crédit obtenu des fournisseurs, rappelle Michel Watrelos. Ce fonds de roulement sert à faire face aux besoins financiers créés par l’activité de l’entreprise, encore appelés besoin en fonds de roulement ou BFR. » En cours d’activité, les délais de stockage ainsi que les délais de règlement des clients génèrent un besoin de financement. Ce besoin est diminué (voire annulé) par les délais de paiement accordé par les fournisseurs. Il est, en fait, le reflet de la nature et de l’importance de l’activité de l’officine et de la façon dont elle est gérée.

Dans notre exemple (voir montages p. 25), au démarrage de son activité, le nouveau titulaire va être confronté à une augmentation du BFR qu’il faudra bien financer. Compte tenu qu’il aura besoin aussi de disposer de liquidités, ces besoins de trésorerie seront, dans le cas présent, de 23 650 Euro(s). Dans les plans de financement que réalise Michel Watrelos, ce besoin est couvert via le financement à long terme du stock par les capitaux propres et l’emprunt bancaire. Le recours à un emprunt bancaire de 471 500 Euro(s) permet ici au titulaire « de se garder une poire pour la soif ». Il disposera en permanence sur son compte d’un excédent de trésorerie de 27 350 Euro(s) qui sera bien vu du banquier.

Un montage financier sécurisé

Exemple : achat d’une pharmacie par un jeune diplômé, exploitée en nom propre, réalisant 551 200 Euro(s) de chiffre d’affaires TTC, vendue 441 000 Euro(s) (80% du CA TTC), l’acquéreur, qui est passé par un cabinet de transactions, effectuedès la reprise de l’officine 7 600 Euro(s) (HT) de travaux et doit payer 51 000 Euro(s) (HT) de marchandises à son vendeur.

Son apport personnel est de 79 500 Euro(s) et l’emprunt bancaire a été octroyé aux conditions suivantes avec l’aide de cet expert-comptable :

durée : 12 ans, taux : 5,20% l’an (assurances comprises), garanties prises par la banque : un nantissement sur le fonds, un cautionnement sur cinq ans.

Deux exemples de plans de financement sont présentés pour cette pharmacie, l’un établi par Michel Watrelos comme sécurisé 1., l’autre pouvant être considéré comme dangereux 2. et à d’autres conditions de prêt.