Droit des sociétés Réservé aux abonnés

Mieux négocier le renouvellement de son bail

Publié le 14 novembre 2009
Mettre en favori

Traditionnelle source de litiges entre bailleur et locataire, le renouvellement du bail commercial est un exercice délicat. Certaines clauses peuvent-elles être négociées ? Dans quelles conditions ? Réponses de spécialistes.

Loyers jugés excessifs, quartier en déclin, charges devenues lourdes… Si vous êtes locataire des murs de votre officine, vous pouvez profiter du renouvellement de votre bail pour renégocier certaines clauses. Pour le bailleur, c’est aussi l’occasion de « charger » un peu plus son locataire.

Mais d’un côté comme de l’autre, la marge de négociation est faible. « Le renouvellement du bail 3-6-9 a pour principe d’être réalisé aux conditions du bail expiré », avertit Philippe Jaudon-Champrenault, avocat au barreau de Grasse. Néanmoins, « toute la partie contractuelle du bail peut être rediscutée à la condition d’emporter l’accord du locataire et du bailleur », maintient Alain Fallourd, avocat au barreau de Paris. Mais, à moins de prouver une dégradation de l’environnement de l’officine, des facteurs locaux de commercialité ou des conditions de location (suite par exemple à un sinistre entraînant une destruction partielle du local), il est bien difficile d’espérer une baisse de son loyer.

Respecter à la lettre les clauses du bail expiré

Pour négocier avec son bailleur, mieux vaut ne pas se montrer trop vulnérable. Or, si le pharmacien n’a pas respecté à la lettre le bail, c’est le propriétaire qui risque d’être en position de force. « Les infractions au bail sont autant d’arguments de négociation pour le bailleur », explique Philippe Jaudon-Champrenault. Ainsi, par exemple, « certains baux interdisent d’abattre ou de percer une cloison sans l’autorisation du bailleur. Si le locataire a été négligent, le bailleur est en droit de demander au moment du renouvellement du bail de remettre les locaux en l’état à ses frais. Mais, à défaut d’avoir cette exigence, il peut aussi négocier un loyer d’un montant plus élevé que celui résultant de l’application de l’indexation prévue. »

De même, lorsque le pharmacien a adjoint des activités connexes ou complémentaires à l’activité prévue dans le contrat (déspécialisation partielle), il doit demander l’avis du bailleur en précisant ses nouvelles activités par voie d’huissier, et non par simple lettre recommandée. Cette forme est requise sous peine de résiliation ou de non-renouvellement du bail.

Même si la demande a été faite dans les règles, le bailleur peut toujours réclamer une majoration de loyer lors de la prochaine révision triennale ou un déplafonnement lors du renouvellement du bail. « C’est pourquoi, au moment de signer le contrat de bail, il faut s’assurer que la clause couvre bien l’ensemble des activités autorisées par les textes ordinaux, afin d’éviter que le bailleur ne puisse invoquer une modification de la destination des lieux dans le but de pouvoir augmenter substantiellement le loyer au moment du renouvellement du bail », conseille Alain Fallourd.

Publicité

D’autres situations peuvent permettre au propriétaire de demander un nouveau loyer beaucoup plus élevé. « C’est le cas, par exemple, d’une modification des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative, ou celle de la consistance du local, lorsque le pharmacien a procédé à des travaux d’agrandissement de la surface commerciale ou encore a modifié des éléments techniques du bail », signale Alain Fallourd.

Répartir les charges entre locataire et bailleur

De nombreux baux commerciaux précisent que le propriétaire prend à sa charge les grosses réparations (article 606 du Code civil). Mais certains tentent, à l’occasion du renouvellement du bail, de déporter cette charge sur le locataire. Il faut refuser et surtout négocier la répartition des charges en demandant de s’en tenir aux seules dépenses strictement locatives de droit commun. Ainsi, les travaux d’entretien sont dévolus au locataire, mais dans une certaine limite. Une fuite d’eau sera réparée par le locataire, la remise aux normes de toute l’installation électrique sera à la charge du bailleur. Bien sûr, il est possible de négocier des travaux de réfection contre une diminution du montant du loyer.

« De même, le propriétaire peut chercher à faire supporter au locataire des charges qui, en principe, lui incombent, par exemple la taxe foncière, les frais de gestion de l’immeuble, l’assurance de l’immeuble », met en garde Philippe Jaudon-Champrenault. Ainsi, cet avocat défend un dossier où le pharmacien s’est vu imposer dans le nouveau contrat de bail un loyer indexé annuellement sur le chiffre d’affaires (clause « recette »). «Cela peut être lourd de conséquences, y compris pour l’acquéreur, lorsque le bail insérant cette clause nouvelle est renouvelé avant la cession de l’officine. » Alain Fallourd recommande également de se méfier des « clauses d’échelle mobile relatives à la révision du loyer ». Ces clauses permettent aux parties de renégocier le montant du loyer en cas d’évolution importante d’un indice qu’elles ont choisi. Elles figurent dans le contrat de bail sans attendre l’expiration d’un délai de trois ans pour former une demande de révision.

Négocier ou engager une procédure

A défaut d’obtenir gain de cause sur le montant du nouveau loyer, le locataire peut trouver un accord avec son bailleur sur certaines clauses. Il faut alors rédiger un avenant pour rappeler brièvement les conditions initiales du bail et indiquer les modifications acceptées. Dans ce cas, mieux vaut enregistrer l’avenant à la recette des impôts. Cette simple formalité permettra au locataire, en cas de vente des murs par le propriétaire, d’opposer les modifications de son bail au nouveau bailleur.

Si, au contraire, le différend sur le montant du loyer révisé ou renouvelé est insoluble, il faudra s’en remettre au juge des loyers. Le contentieux sera adressé au président du tribunal de grande instance après l’avis de la commission départementale de conciliation le cas échéant.

Deux options de renouvellement

Il faut d’abord que le bail soit arrivé à échéance. Deux possibilités existent ensuite :

Une tacite reconduction. Mais il y a alors un risque de déplafonnement si le bail se poursuit au-delà de 12 ans.

Une initiative du locataire ou du bailleur. Si la proposition vient du propriétaire, il doit signifier l’offre de renouvellement au locataire par acte d’huissier au moins 6 mois avant l’expiration du bail. Cet acte met fin au bail et fixe les modalités du nouveau contrat. Si le locataire ne se manifeste pas, cela vaut acceptation du principe du renouvellement. Il peut aussi accepter expressément le renouvellement du loyer et le montant du loyer, ou encore accepter le renouvellement mais contester le nouveau loyer.

Antoine de Groote, pharmacien à Faches-Thumesnil (Nord-pas-de-Calais)

Je dois supporter de nouvelles charges

« Au moment du renouvellement de mon bail, de nouvelles clauses ont été insérées. Or, celles-ci mettaient à ma charge l’entretien de la toiture et le raccordement à l’égout d’un évier, sans compter une augmentation du loyer. Celle-ci était justifiée par le propriétaire par des travaux de rénovation du parking de l’immeuble utilisé dans la journée par la clientèle de l’officine. Pour ne pas aller au conflit, je me suis montré conciliant. J’ai accepté l’augmentation de loyer ainsi que le paiement de la moitié de la taxe foncière. Par contre, je ne lâcherai pas prise sur le reste.

Philippe Lepage, titulaire à Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes)

J’ai anticipé le problème avant de renouveler le bail

« Une partie des locaux de la pharmacie n’était pas clairement affectée à un usage commercial. J’ai donc préféré prendre les devants avec mon bailleur, âgé, pour mettre en conformité les locaux sans attendre le renouvellement du bail. En effet, je ne souhaitais pas me retrouver au pied du mur en cas de décès du bailleur et avoir à traiter de ce problème avec ses héritiers, qui auraient pu être moins conciliants…