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L’Etat autorise des « holdings » de pharmacie
Une loi adoptée le 28 juin par l’Assemblée prévoit la création de holdings sous forme de « sociétés de participations financières de professions libérales » pouvant détenir des parts dans les sociétés d’exercice libéral (SEL) de pharmacie. Le débat sur les chaînes est relancé.
Le projet de loi Murcef (Mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier), qui sera définitivement voté à la session d’automne, autorise les professionnels libéraux à créer des sociétés de holding. D’ici quelques semaines, les sociétés de participation financière de profession libérales (SPF) feront partie de la panoplie des structures juridiques à disposition de l’officine.
Cette nouvelle option règle d’abord le problème de la non-déductibilité des frais financiers pour celui qui emprunte afin d’acheter des parts sociales de sociétés d’exercice libéral (SEL) soumises à l’impôt sur les sociétés. Mais surtout, elle facilite l’ouverture de leur capital à des tiers. « La pharmacie d’officine est à l’aube d’une minirévolution, selon Hubert Mathieu, notaire responsable du cabinet Tabellion et Partners et collaborateur de Pharmétudes. Avec ce nouveau dispositif elle se dirige résolument vers une économie de marché. »
Distinction fondamentale avec les SEL, la holding financière pourra être composée de « libéraux » de professions différentes. La loi sur les SPF pourrait donc transformer profondément l’ensemble du système de soins vers un système de réseaux. Ainsi, sur le fond, des médecins pourraient détenir des parts d’une SPF de pharmaciens, mais dans la limite de 49 %. En effet, comme dans les SEL, des dispositions sont prévues pour sauvegarder l’indépendance du professionnel de santé y exerçant. « Les SPF ne pourront détenir des parts que dans des SEL ayant pour objet l’exercice d’une même profession, précise Hubert Mathieu. De plus, 51 % des parts de SEL de pharmacie devront être détenues par les pharmaciens exploitant cette société ou par des SPF dont les associés sont majoritairement des pharmaciens. »
En revanche, la loi ne fixe aucune limite quant au nombre de participations d’une même SPF dans le capital des SEL de pharmacie. Les SPF pourront être constituées sous la forme de SARL, de SA, de SAS (sociétés par actions simplifiées) ou de SCA (sociétés en commandite par actions) qui peuvent entraîner des frais de fonctionnement importants (obligation d’embaucher un commissaire aux comptes, emploi d’un comptable, rémunération du gérant…), de l’ordre de 50 à 80 000 francs annuels au minimum.
Des décrets en Conseil d’Etat préciseront, profession par profession, le texte voté par les parlementaires et décideront ou non d’interdire l’accès aux SPF de personnes morales ou physiques susceptibles de « mettre en péril l’exercice de la profession ». Syndicats et Ordre appellent évidemment de leurs voeux une fermeture du capital à toute personne ne répondant pas aux critères exigés par la loi pharmaceutique. Il est probable que la liste des associés possibles définie par la loi sur les SEL (pharmaciens inscrits à la section A) soit reconduite pour les SPF. Exit donc les laboratoires pharmaceutiques et les grossistes.
Holdings de pharmacie : Premières réactions
Philippe Manoeuvre, pharmacien à Aulnay-sous-Bois (93) : « L’ouverture du capital n’est pas forcément négative si elle favorise la transmission et améliore les bilans de l’entreprise. Cela déconnectera le pharmacien des soucis financiers car il y a trop de dépendance lorsqu’on est étranglé par les créanciers et le manque de personnel. Le pharmacien libéré y gagnera en qualité d’exercice. »
Xavier-Charles Nicolas, président d’honneur de Pharmaliberté, conseiller général (28) : « On peut craindre une hausse du prix des officines si le grand capital s’y intéresse, rendant encore plus difficile l’accession de nos assistants à ce capital. Il faut surtout qu’une minorité de blocage ne puisse exister en officine. »
François A., avocat : « Un rapprochement des professions juridiques et financières s’opère déjà dans certains cabinets. Qui aura le contrôle de l’exercice et du secret professionnel dans des sociétés dirigées par des personnes non tenues à ces contraintes ? Mais ce projet de loi est positif vis-à-vis des finances. »
Mme Duby, directrice de clinique à Paris : « Cela me gênerait qu’un pharmacien vienne investir dans ma clinique. Les intérêts peuvent être très différents d’une profession à l’autre. »
Christophe B., notaire : « Ce projet n’apporte aucune révolution, il existe déjà des alliances entre notaires et experts-comptables sous forme de GIE. Mais l’ouverture du capital peut intéresser de gros cabinets. »
Lucien Bennatan, président de Pharma Référence : « Ce texte arrive trop tôt car la profession n’est pas prête et va réagir négativement. L’avenir est aux officines à plus fort CA avec de grandes surfaces de vente. La profession doit organiser avec les groupements l’ouverture du capital et ne doit pas refuser pas cette opportunité. Il faut arrêter de croire que l’officine peut rester en dehors du monde de l’entreprise. Les revenus du travail doivent être séparés de ceux du capital, le pharmacien pouvant devenir, pourquoi pas, salarié de son entreprise. »
Serge Rader, président de la Coopérative des pharmaciens : « Je suis contre ! Les grossistes et la grande distribution, eux, sont pour ! Je collabore à toute action visant à combattre cette loi. »
Serge Carrier, directeur des ventes et membre du directoire de l’OCP « Il ne fait aucun doute que cela va modifier le paysage de la pharmacie française, mais le plus important est d’attendre les décisions prises en Conseil d’Etat… »
Bernard Capdeville, président de la FSPF : « C’est un procédé cavalier passé à la hussarde ! Le gouvernement a profité des négociations en cours pour passer ce texte en urgence sans demander notre avis. Compte tenu du statut de la pharmacie, il faudrait l’exclure de cette loi comme l’ont été les huissiers et greffiers de justice, plutôt que d’attendre des décrets d’application. Il n’est pas question de brader l’officine au Capital. »
Claude Japhet, président de l’UNPF : « Depuis longtemps, l’Union a préconisé l’ouverture afin de favoriser l’entrée dans le capital des jeunes pharmaciens. Les officines viables sont chères et réclament des fonds qui les rendent inaccessibles à beaucoup. A nous de déterminer si on l’ouvre uniquement à des capitaux de pharmaciens et à des fonds familiaux, si on élargit aux autres libéraux de santé, à tous les autres (architectes, experts-comptables…) et aux entreprises (laboratoires…) désirant constituer une chaîne. »
Jean-Jacques Des Moutis, président du conseil de l’ordre des pharmaciens d’Ile-de-France : « Pourquoi chercher des capitaux extérieurs tant qu’il n’y a pas urgence ? La vraie préoccupation est qu’il n’y a plus assez d’étudiants intéressés par l’exercice libéral, disposés à acheter nos officines. En l’état actuel, je n’aspire pas à cette ouverture du capital. »
NdlR : Nous n’avons pu recueillir les réactions des responsables nationaux de l’ordre des pharmaciens cette semaine en raison de leur présence à la conférence annuelle de la Fédération internationale pharmaceutique, à Singapour.
Propos recueillis par Catherine Grison
Des associés aux intérêts divergents
Selon Luc Fialletout, directeur adjoint d’Interfimo, l’intérêt des sociétés de participation financière de professions libérales rique de se limiter aux officines importantes et à forte rentabilité exploitées en SEL. « En effet, les bénéfices devront à la fois rémunérer les associés travaillant dans la société et la holding qui ne peut percevoir que des dividendes, explique-t-il, ceux-ci servant, le cas échéant, au remboursement des emprunts contractés pour l’acquisition de parts de SEL. Ce nouveau dispositif entraîne une distinction entre la rémunération du travail et celle du capital qui peut être une source de blocage entre des associés aux intérêts divergents. » Autre inconvénient : « Les acquéreurs de parts ne peuvent pas donner en garantie au banquier le fonds de commerce de la SEL. » Bref, les opportunités des SPF ne s’offriront pas à tout le monde, ce qui risque d’accroître les disparités entre les petites et les grosses officines.
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