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Ce que le décret change

Publié le 6 juillet 2013
Par Francois Pouzaud
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Les holdings de pharmacies… On en parle depuis 2001 ! Autorisées depuis le 29 septembre 2012, elles sont encadrées depuis le 6 juin dernier par le décret relatif aux sociétés de participations financières de profession libérale de pharmaciens d’officine (SPF-PL).

La SPF-PL ou holding de pharmacies n’est autre qu’un outil d’organisation, d’acquisition et de transmission des parts sociales ou d’actions de SEL (sociétés d’exercice libéral). Son fonctionnement est donc étroitement lié à celui des SEL. D’où un décret encadrant à la fois les conditions d’exploitation des SEL et des SPF-PL. Autrement dit, il existe désormais une loi claire sur les réseaux de pharmacies. Décryptage.

Combien de participations sont autorisées ?

Jusqu’à présent, un pharmacien pouvait détenir des parts ou actions dans deux SEL outre celle au sein de laquelle il exerce. Une SEL ne pouvait par ailleurs détenir des participations que dans deux autres SEL. Par des montages en cascade, un pharmacien pouvait avoir de manière indirecte des participations dans un nombre illimité de SEL de pharmacies.

Ce qui change. Dorénavant, un pharmacien ne peut détenir « des participations directes ou indirectes que dans quatre SEL de pharmaciens d’officine autres que celle au sein de laquelle il exerce ». Par ailleurs, une SEL, elle, ne peut détenir des participations directes ou indirectes que dans quatre SEL, et une SPF-PL que dans trois. Les SEL qui ne respectent pas ces dispositions ont jusqu’au 6 juin 2015 pour se mettre en conformité. Thomas Crochet, avocat, ­estime que cette limitation de participations paraît peu défendable devant la Cour de justice de l’union européenne. Sur ce point le décret pourrait faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

À retenir. Une holding de pharmacie peut compter trois SEL au maximum. Alors qu’un montage en SEL permet de créer un mini-réseau de cinq officines. Le décret sonne donc le glas des réseaux de SEL et des stratégies de participations multiples des pharmaciens investisseurs. Elles ont jusqu’au 6 juin 2015 pour se mettre en conformité.

Qui peut entrer au capital d’une SPF-PL ?

Le capital de la SPF-PL peut être détenu par une SEL de pharmaciens d’officine, ou, pendant dix ans par d’anciens pharmaciens ayant exercé au sein d’une SEL, ou pendant cinq ans après leur décès par leurs ayants droit.

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Ce qui change. C’est la grande nouveauté ! Le gouvernement a satisfait les revendications des adjoints en leur ouvrant de manière minoritaire le capital des SPF-PL. Aujourd’hui, les adjoints peuvent donc participer au capital des SEL et des SPF-PL.

À retenir. Seuls les pharmaciens titulaires et adjoints peuvent entrer au capital d’une SPF-PL. Tous les autres professionnels de santé ainsi que tout tiers extérieur à la profession sont exclus. « La consécration réglementaire des SPF-PL n’aura donc pas été l’occasion d’une ouverture du capital des officines à des capitaux extérieurs », remarque Thomas Crochet. Que tous ceux qui voyaient avec les holdings en France l’occasion de développer des chaînes de pharmacie se rassurent donc.

Comment constituer une SPF-PL ?

La procédure est très proche de celle d’une SEL, elle passe notamment par son inscription à l’Ordre. Le dossier d’immatriculation doit ensuite être déposé au greffe du tribunal de commerce qui en accuse réception.

Ce qui change. « On peut en déduire qu’une SPF-PL qui comprendrait des associés titulaires et adjoints doit être inscrite aux tableaux ordinaux des deux sections », argue Thomas Crochet. Dans la liste des pièces à fournir pour déposer le dossier d’inscription au tableau doit figurer « le cas échéant » une note d’information désignant les SEL détenues à la constitution de la SPF-PL. Ce qui signifie qu’une SPF-PL peut être inscrite au tableau sans détenir encore de parts ou d’actions d’une SEL.

À retenir. Le décret confère aux instances ordinales un fort pouvoir de contrôle sur les SPF-PL inscrites au tableau. Outre l’obligation de communiquer tout changement de situation à l’Ordre, l’instance devra vérifier au moins une fois tous les quatre ans la composition du capital social des SPF-PL et l’étendue de leurs activités. Par ailleurs, des contrôles occasionnels pourront être prescrits par le Conseil national de l’Ordre, pouvant donner lieu à des sanctions disciplinaires.

Quel est le sort réservé aux SELAS ?

Jusque-là, la création de SEL dans lesquelles des pharmaciens investisseurs/non-exploitants détenaient la majorité du capital (mais pas celle des droits de vote) était possible.

Ce qui change. En décrétant que la majorité du capital social de la SEL de pharmacie doit être détenue par les pharmaciens exerçant au sein de l’officine, la dissociation des droits de vote et du capital permise par dérogation aux SELAS passe à la trappe.

À retenir. Les SELAS devront se mettre en conformité avec les textes (lire encadré) dans un délai de deux ans, soit au plus tard le 6 juin 2015. L’Ordre se veut toutefois rassurant. Ce n’est pas parce que la SELAS ne se sera pas mise en conformité dans le délai de deux ans qu’elle sera radiée du tableau.

Le seuil des 5 % de parts dans une SEL est-il maintenu ?

Le seuil de détention minimal de 5 % du capital d’une SEL qui s’impose à tout pharmacien y exerçant (selon l’article 77 de la loi du 2 août 2005) n’a pas été abrogé.

Ce qui ne change pas. Pour bénéficier de l’intégration fiscale, il faut que la holding détienne 95 % de la SEL. L’intégration fiscale ne s’applique que si la SEL ne compte qu’un seul titulaire exploitant détenant directement 5 % du capital.

À retenir. Dès lors qu’il y a reprise d’une SEL via une holding à plusieurs pharmaciens (chacun devant chacun détenir au minimum 5 % de parts dans la SEL), le régime très avantageux de l’intégration fiscale entre SPF-PL et SEL de pharmacie n’est plus d’actualité. Il en va de même pour un pharmacien qui constitue une holding et qui voudra reprendre une SEL réunissant plus d’un actionnaire.

SELAS

Le casse-tête

Pour être en conformité avec le décret, les associés minoritaires exploitants de SELAS vont devoir racheter des parts pour devenir majoritaire en capital. « Trois modalités sont possibles : la revente de parts entre associés, la revente de parts à une holding ou le rachat de parts par la société avec réduction du capital », présente Luc Fialletout, directeur général adjoint d’Interfimo. Néanmoins, quel que soit le schéma de reprise, un financement doit être trouvé. « Par exemple, lorsque la société rachète les parts de l’investisseur pour les annuler et réduire la valeur numérique des titres, le financement servira à indemniser le ou les associés sortants », explique Dominique Leroy, expert-comptable du cabinet Norméco. Philippe Jaudon-Champrenault, avocat au barreau de Grasse, voit une entrave au financement de l’acquisition de parts par l’associé minoritaire. « Une revalorisation parfois conséquente de la rémunération de l’exploitant va devoir être votée pour qu’il puisse emprunter auprès de la banque. Or, il ne faut pas perdre de vue que celle-ci est assujettie aux cotisations sociales et que les intérêts d’emprunt sont déductibles au titre des frais professionnels mais que dans une certaine limite. » Autre risque mis en lumière par Dominique Leroy : « Alors que certains montages en SELAS avaient une envergure capitalistique prévue sur dix ans, la vente précipitée de parts risque d’entraîner des moins-values professionnelles. »

F.P.