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2011, L’ANNÉE NOIRE

Publié le 17 décembre 2011
Par Francois Pouzaud
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Les prélèvements mis en place par les deux derniers plans d’économie, en août et novembre, touchent les revenus du patrimoine et désavantagent le régime fiscal des dividendes. Revue des mesures phares avec Dominique Leroy, expert-comptable.

L’année 2011 a été une année sombre pour l’économie de l’officine, en particulier pour les titulaires exerçant dans des structures à l’impôt sur les sociétés (IS). En effet, les dividendes qui proviennent des résultats des sociétés après taxation à l’IS sont à nouveau la cible des pouvoirs publics à la recherche de nouvelles recettes fiscales. Ainsi, au 1er janvier 2011 le taux des revenus du patrimoine est passé de 12,10 % à 12,30 %. Parallèlement, le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes est passé de 18 % à 19 %. Cinq mois plus tard, en août, le taux des contributions sociales augmentait de 1,20 point pour passer de 12,30 % à 13,50 %, dont la loi de finances rectificative 2011 permet une application dès le 1er octobre 2011. Enfin, en novembre dernier le gouvernement annonçait une augmentation de cinq points du taux de prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes, de 19 % à 24 %, sous-réserve des discussions au Parlement. Lequel a finalement opté pour un taux à 21 %.

Des conséquences financières préjudiciables

« En annonçant l’augmentation de cinq points du prélèvement forfaitaire, le gouvernement a enlevé tout l’intérêt du dispositif, d’après les premiers calculs que nous avons réalisés », analyse Dominique Leroy, expert-comptable du cabinet Norméco, qui constate trois évolutions qui ont raboté de manière significative cette source de revenus des pharmaciens. La première, sur la période 2008-2011, où les contributions sociales sur les revenus du patrimoine ont progressé de 22 % (passant de 11 % à 13,50 %) alors que dans le même temps la contribution sociale généralisée (CSG) du « travail » est restée stable à 8 %. La deuxième, pendant la même période, où le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes a progressé de 33,33 %, passant de 18 % à 24 % (sous réserve du vote), annulant totalement son effet bénéfique. Troisième évolution : la mise en réserves des bénéfices, année par année, entraîne une augmentation de la fiscalité personnelle lors des distributions futures. « En effet, si l’on prend pour exemple un bénéfice de 100 000 euros après impôt sur les sociétés réalisé en 2007, sa distribution en 2008 aurait coûté à l’associé une charge fiscale de 29 000 euros (dans l’hypothèse d’une option pour le prélèvement forfaitaire). Ce même bénéfice distribué seulement en 2012 coûtera 37 500 euros », calcule Dominique Leroy.

Un prélèvement forfaitaire libératoire total ou partiel

La loi de finances pour 2008 a modifié le régime fiscal des dividendes. Il prévoit l’instauration d’un prélèvement forfaitaire libératoire optionnel sur les distributions réalisées à compter de janvier 2008. Il s’agit d’un impôt prélevé directement à la source et qui ne dépend pas des revenus de l’investisseur. Le taux appliqué dépend du type de placement et parfois de la durée courue et intègre les prélèvements sociaux. Avant le vote définitif de la loi, ce taux était de 18 % (+ CSG, CRDS et autres prélèvements). En pratique, la formule intéresse les hauts revenus pour des distributions significatives. « Ce texte avait pour but d’améliorer la taxation des dividendes, notamment pour les contribuables dont le taux d’impôt marginal se trouve dans les deux dernières tranches de 30 % et 41 %, explique Dominique Leroy. C’est une mesure incitative pour distribuer une partie des capitaux propres des sociétés. »

Pour bénéficier du prélèvement forfaitaire, un certain nombre de conditions doivent être réunies : l’option s’adresse à des associés pris individuellement et doit être formulée au plus tard au moment de l’encaissement du dividende. Il est donc nécessaire que chaque contribuable ait une vision prospective de ses revenus et retienne a priori la formule qui apparaît la plus intéressante pour lui. Mais attention ! Si l’option n’est pas prise par le contribuable, les dividendes seront automatiquement soumis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), après abattements et crédit d’impôt, sans possibilité de se placer rétroactivement sous le régime du prélèvement forfaitaire libératoire.

L’option pour le prélèvement libératoire est effectuée par le contribuable pour chaque encaissement. Elle peut être totale ou partielle.

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« Les dividendes ne sont imposables entre les mains des associés que lorsqu’une distribution de dividendes est décidée par une assemblée, rappelle Dominique Leroy. Aussi, il peut être constaté des distributions faites en 2011 sur des résultats engrangés sur des exercices antérieurs. »

Choisir le bon régime fiscal de la société exploitante

Faut-il dès lors remettre en cause sa stratégie de distribution des dividendes ? « C’est la question que devrait se poser chaque associé de société passible de l’impôt sur les sociétés, conclut l’expert-comptable. En effet, force est de constater que les réformes qui viennent d’être votées en urgence sont exclusivement concentrées sur les revenus du patrimoine. Il est possible d’imaginer que les réformes à venir, dès les élections passées, iront dans le même sens. Ainsi, la stratégie de reporter dans le futur une taxation quasi incontournable des bénéfices mis en réserve semble battre de l’aile puisqu’elle entraîne une dépréciation patrimoniale. »

Plus largement, la réflexion ne doit-elle pas se porter, dans la mesure du possible, sur le bon choix du régime fiscal de la société qui exploite une pharmacie ?

Cas pratique

Prenons l’hypothèse d’un titulaire (marié et dont le taux du foyer fiscal est de 41 %) qui encaisse des dividendes de 50 000 euros. Doit-il choisir l’IR ou le prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) ?

• L’IR. Avec un abattement de 40 % sur les dividendes (20 000 euros), auquel s’ajoute un second abattement forfaitaire (3 050 euros), il sera taxé à hauteur de 11 050 euros. Il devra aussi s’acquitter de contributions sociales (13,50 %, soit 6 750 euros) et bénéficiera d’une économie d’impôt de 1 189 euros. Au total, le titulaire devra s’acquitter d’un impôt de 16 611 euros, soit 32,22 % des dividendes.

• Avec le PFL, le titulaire devra payer un IR à hauteur de 24 % des dividendes, soit 12 000 euros, auquel s’ajouteront les contributions sociales à hauteur de 13,50 % (6 750 euros). Au total, il déboursera 18 750 euros, soit 37,50 % de ses dividendes.

Le titulaire, dans ce cas précis, aura donc tout intérêt à rester imposé à l’IR.

Les dividendes

Dans une société soumise à l’IS, le revenu du pharmacien est composé de deux parties :

• La rémunération de son travail, équivalent économique d’un salaire, est soumise aux cotisations sociales, CAVP, assurance maladie, etc. Elle est fixée par une décision des associés réunis en assemblée générale. Elle est déductible des bénéfices de la société pour calculer l’IS et soumise à l’impôt sur le revenu au nom du bénéficiaire.

• Une fois que la société a déterminé son bénéfice imposable et payé l’impôt (IS), le bénéfice qui reste peut être distribué aux associés. Cette distribution est appelée dividende. Son régime est celui des « revenus de capitaux mobiliers ». « Les dividendes font partie des revenus du patrimoine, même si l’associé bénéficiaire est gérant de la société », souligne Dominique Leroy (Norméco).

• Les dividendes de SEL ont un statut particulier puisqu’ils sont aussi, dans une certaine mesure, taxables aux cotisations TNS depuis 2009 (régime de protection sociale des travailleurs non salariés des professions non agricoles).

• Les dividendes sont affectés à chaque compte courant des associés ou actionnaires concernés ou versés directement. S’agissant d’un revenu, ils sont soumis en tant que tels à l’IR ou au prélèvement forfaitaire libératoire.

• Quant aux résultats non distribués, ils sont affectés en réserves ou en report à nouveau dans les comptes de la société. Ils n’influent pas la fiscalité propre des associés ou des actionnaires.

Il est toujours possible de décider en assemblée de distribuer des réserves accumulées dans les comptes de la société à tout moment. Par exemple, en fonction d’opportunités fiscales ou de l’état de la trésorerie de la société.