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Une réforme dans la douleur
Refonte de la MDL, mise en place des honoraires de dispensation, baisses de prix qui faussent les changements entrés en vigueur… Le virage est compliqué pour l’officine, d’autant qu’il y a urgence à revoir le dispositif, alors que la deuxième étape de la réforme est déjà dans la ligne de mire.
Beaucoup de paramètres économiques ont été bousculés en l’espace de deux ans. L’année 2014 a été une année charnière puisque les remises accordées sur les achats de médicaments génériques ont pu être portées de 17 % à 40 % du prix fabricant HT. 2014 a aussi été la dernière année d’application du système de la marge dégressive lissée (MDL) ancienne mouture. Quant à la mise en œuvre de la nouvelle rémunération, elle a été retardée au 1er janvier 2015. « Il n’y pas eu l’an dernier de phénomène de compensation des baisses de prix, contrairement à 2012 et 2013, où la convention a permis de sauver l’économie de l’officine », souligne Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
L’année 2015 est également une année de transition, les honoraires modifiant sérieusement le calcul de la marge brute. Malheureusement pas suffisamment. La première étape de la réforme a seulement permis de limiter les effets de la dégradation liée aux baisses de prix, ce qui sème le trouble.
Selon que l’on regarde le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein, le discours syndical n’est pas le même. Pour la FSPF, syndicat majoritaire et signataire de l’avenant conventionnel sur les honoraires, le changement du mode de rémunération reste favorable par rapport à l’ancien mais il faut maintenant aller plus loin dans la réforme des honoraires pour pouvoir apporter des ressources nouvelles en compensation des baisses de prix.
Pour les syndicats non signataires, on s’est tout simplement trompé de réforme. A ce stade, il est encore difficile de mesurer précisément l’impact de ce changement. Selon Philippe Besset, l’année 2015 devait être moins austère que 2014 pour la pharmacie d’officine, même s’il estime que l’impact des baisses de prix sur la rémunération des pharmaciens sera de l’ordre de 220 M€ cette année, contre 208 M€ en 2014. « L’an dernier, la pharmacie accusait à la fois une baisse de chiffre d’affaires et de son taux de marge. Pour 2015, la baisse de chiffre d’affaires se poursuit mais le taux de marge devrait légèrement remonter », analyse-t-il.
Maintenant, l’année 2016 concentre toutes les inquiétudes car on voit mal comment la deuxième étape de la réforme (application du 1 euro à la boîte le 1er janvier prochain) pourra contenir les effets du nouveau plan d’économies de 1,7 milliard d’euros pour l’officine programmé pour 2016.
C’est la répétition chaque année de ces coupes brutales dans les ressources des officines qui n’est plus supportable. « Tous les ans, les baisses de prix du PLFSS imposent de trouver de nouveaux mécanismes d’ajustement de la rémunération au niveau de la convention avec l’Assurance maladie, explique Philippe Besset. Depuis 8 ans, le médicament est le seul poste de dépenses en diminution dans l’ONDAM [objectif national des dépenses d’assurance maladie, NdlR]. Entre 2006 et 2015, sa part est passée de 14,05 % à 11,30 %. »
Pourtant, il n’y a pas de raison de penser que l’attitude des pouvoirs publics va changer. « Surtout que 50 % des économies contenues dans le PLFSS pour 2016 sont ciblées sur un secteur qui ne représente que 15 % des dépenses », ajoute Philippe Besset. Selon lui, le problème se posera chaque année tant que perdurera la politique de siphonnage du poste des médicaments en ville par l’hôpital. « Les médicaments innovants relevant de la rétrocession hospitalière sont financés par les baisses de prix sur les produits matures en ville destinés aux patients chroniques, c’est tout simplement inacceptable ! »
En cette fin d’année, les syndicats réclament l’ouverture de nouvelles négociations conventionnelles sur la rémunération. L’espoir est que les acteurs de ce nouveau chantier s’entendent sur un plan d’urgence qui contribuera à consolider les résultats.
Philippe Gaertner, président de la FSPF Gilles Bonnefond, président de l’USPO Jean-Luc Fournival, président de l’UNPF
ILS ONT CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO
Philippe Gaertner, président de la FSPF
Gilles Bonnefond, président de l’USPO
Jean-Luc Fournival, président de l’UNPF
Philippe Gaertner Président de la FSPFAvancer
Notre profession est en mouvement. Pour s’adapter aux contraintes économiques plus rudes, aux nouveaux besoins des patients complexes et aux enjeux technologiques qui traversent notre époque de profonde mutation, la pharmacie d’officine se doit d’évoluer si elle veut continuer d’exister. Il n’y a pas de place pour le doute. L’immobilisme et la tentation du retour en arrière seraient la pire des solutions.
La première étape de la réforme de la rémunération, avec l’introduction des honoraires, est le signal de cette modernisation. C’est une réforme ambitieuse qui prépare l’avenir en installant les officines dans un nouveau modèle économique déconnecté des prix et des volumes. En inscrivant la moitié de notre rémunération dans un dispositif conventionnel, la profession a pris la main. Sa rémunération ne dépend plus d’une hypothétique signature ministérielle. C’est aux parties signataires de la convention, syndicats et Assurance maladie, de la négocier et de la faire avancer. La convention prévoit explicitement la mécanique de revalorisation des honoraires.
A présent, pour compenser l’effet des baisses de prix, plus rapide que la mise en œuvre des honoraires, il faut accélérer, franchir de nouvelles étapes et augmenter leur valeur. Revenir en arrière serait un piège fatal et aboutirait au sacrifice d’une large part du réseau. La FSPF, qui est au service de toutes les officines, s’y refuse. Elle demande d’ailleurs un plan d’urgence pour sauver les officines de proximité fragilisées par l’accumulation des baisses de prix et les départs à la retraite des prescripteurs sans remplaçants.
Jean-Luc Fournival Président de l’UNPFIl faut oxygéner la profession
Une pharmacie ferme tous les trois jours. Face à ce constat alarmant, la profession doit prendre son destin en main et se réformer. Notre projet pour que la pharmacie ait un avenir a pour objectif d’oxygéner la profession. Il repose sur trois piliers fondamentaux : attirer les jeunes diplômés pour assurer la pérennité de la au cœur de ses préoccupations et faire évoluer notre modèle économique, juridique et fiscal, beaucoup trop contraignant, et enfin nous libérer de nos chaînes ! Concrètement, l’UNPF propose de :
– faciliter les transmissions entre les générations : passer d’une fiscalité confiscatoire à une fiscalité équitable ;
– passer de la « pharmacie d’antan » à « l’e-pharmacie d’aujourd’hui et de demain » ;
– faire en sorte que nos nouvelles compétences soient enfin reconnues et rémunérées en passant d’honoraires exclusivement liés à la boîte à des honoraires à l’acte : déconnecter en partie la rémunération de la quantité pour l’attribuer… à la qualité de nos interventions pharmaceutiques ;
– démocratiser le métier : autoriser tout pharmacien désireux d’investir à hauteur de ses moyens et de devenir actionnaire. Créer un fonds d’investissement financé et géré par la profession ayant pour vocation de faciliter les achats et les ventes d’officines et le renouvellement des générations ;
– s’organiser entre pharmaciens pour optimiser l’exercice de notre métier dans l’intérêt du patient : autoriser les locaux dissociés non ouverts au public et encadrer la sous-traitance entre officinaux.
Gilles Bonnefond Président de l’USPOValorisons nos compétences !
La pharmacie déborde de talents, de qualités, de compétences pas assez reconnus et rémunérés. Nous devons mettre en avant tous ces atouts sans céder à des solutions de facilité, que ce soit l’ouverture du capital ou la sous-traitance de notre acte pharmaceutique. Les fondamentaux de notre exercice – monopole, indépendance et règles d’installation – protègent l’égalité d’accès aux médicaments des patients sur tout le territoire et n’empêchent pas la profession d’avancer et d’évoluer. L’USPO demande à l’Etat de s’engager avec tous les pharmaciens d’officine pour un projet ambitieux, une véritable réforme : un contrat de trois ans offrant une visibilité économique sur la marge du réseau. L’Etat doit investir dans le réseau officinal pour l’aider à relever les défis du vieillissement de la population, de l’accroissement des pathologies chroniques et du développement de l’ambulatoire. L’officine n’est pas une charge pour les dépenses publiques, elle est un atout et une chance pour l’offre de santé en France. Nous devons rétablir la confiance des patients en étant les garants du bon usage des médicaments, en associant l’officine à la conciliation médicamenteuse avec une rémunération qui nous lie plus à l’acte pharmaceutique qu’à la boîte.
Tous les pharmaciens aiment leur métier, leur diplôme, leur indépendance, et souhaitent transmettre leur envie d’exercer et leur entreprise aux jeunes confrères. L’USPO, présente sur toutle territoire, est déterminée à faire évoluer notre métier.
UNE PHARMACIE FERME MAINTENANT TOUS LES DEUX JOURS
Faute de croissance, la situation empire : le rythme des fermetures d’officines s’est accéléré en 2015. D’une pharmacie fermant tous les 3 jours, on est passé à une tous les 2 jours. Sur le premier semestre 2015, on déplore 99 restitutions de licences dont 31 % suite à un rachat de clientèle, 17 % en raison d’un regroupement, 43 % résultant d’une fermeture sans aucune indemnisation pour le titulaire et 9 % étant dues à une liquidation judiciaire (source : Ordre des pharmaciens). « Les fermetures touchent en priorité les officines de petites communes, et non celles considérées en surnombre, ce qui va créer un problème d’accès aux soins », craint Philippe Besset, vice-président de la FSPF.
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