Réglementation : la distribution des médicaments se réoriente

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Réglementation : la distribution des médicaments se réoriente

Publié le 20 mars 2025
Par André Borg
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Avec la montée en puissance des plateformes numériques et l’évolution rapide des pratiques de consommation, la distribution des spécialités connaît une mutation profonde qui pousse les pouvoirs publics à repenser l’équilibre entre innovation et protection de la santé publique.

En France, la présence d’un pharmacien est requise à chaque étape du cycle de vie du médicament (fabrication, distribution en gros, dispensation, etc.), comme le rappelle l’article L. 4211-1 du Code de la santé publique (CSP). Mais, face au vieillissement de la population, à la montée en puissance de pathologies lourdes et fréquentes, à la désertification médicale…, de nouvelles pratiques ont émergé pour répondre aux enjeux de santé publique. Télésoins, digitalisation des officines, livraison à domicile : autant d’évolutions qui se sont accélérées avec la crise sanitaire, favorisant l’essor de nouveaux acteurs, parmi lesquels des plateformes spécialisées comme DoctiPharma ou Livmed’s.

Un encadrement stricte

Si ces initiatives répondent à une demande croissante, elles soulèvent également des interrogations juridiques. La distribution au détail des médicaments est encadrée par l’article L. 5121-5 du CSP. Elle peut prendre deux formes : la livraison et la dispensation à domicile, toutes deux soumises aux articles R. 5125-47 à R. 5125-52 du CSP, ainsi qu’à l’arrêté sur les bonnes pratiques de dispensation à l’officine. Le rôle du pharmacien y est central, il garantit un accompagnement adapté au patient, qui inclut explications et recommandations indispensables à la prise de son traitement.

Un flou juridique persistant

Si le CSP interdit clairement toute intermédiation dans la commande et la vente de médicaments (articles L. 5125-25 et L. 5125-26), il ne définit pourtant pas précisément la notion d’« intermédiaire ». Une zone d’ombre qui entretient l’incertitude juridique et laisse place à diverses interprétations lors des jugements, souvent nuancées et au cas par cas. La jurisprudence récente a tenté d’éclaircir cette notion, en particulier à travers l’arrêt « DoctiPharma » de la Cour de justice de l’Union européenne. Selon cette décision, une plateforme ou un prestataire ne peut être qualifié de courtier et peut donc être autorisé à opérer, à condition de respecter plusieurs critères. Il lui est notamment interdit d’intervenir directement dans le processus de vente, son rôle devant se limiter à une simple mise en relation entre patients et pharmaciens, sans ingérence dans la transaction. Le paiement, par exemple, doit s’effectuer directement entre le patient et l’officine, sous peine de requalification en prestataire de vente illégal (article L. 5125-33 du CSP).

Un cadre fragile, qui révèle la complexité croissante du marché du médicament à l’ère du numérique. Car, si la réglementation tente de préserver le monopole officinal, la digitalisation des services et la montée en puissance des plateformes de mise en relation amorcent une transformation profonde du secteur. Dans ce contexte, les pouvoirs publics sont face à un dilemme : adapter la législation aux nouvelles pratiques, tout en préservant le monopole pharmaceutique et en garantissant la protection de la santé publique.

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