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« Réduire l’acte pharmaceutique au conseil est une erreur»

Publié le 7 septembre 2002
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Francis Megerlin est docteur en droit, enseignant aux universités d’Orléans et de Paris-V, membre de la commission Assurance qualité du conseil central de la section A de l’Ordre et auteur d’un article de doctrine juridique relatif à l’acte pharmaceutique *.

« Le Moniteur » : Comment définissez-vous l’acte pharmaceutique à l’officine ?

Francis Megerlin : A l’origine, l’acte pharmaceutique consiste en la fabrication du médicament ; aujourd’hui, il consiste en sa dispensation. Mais cette bascule historique n’a pas toujours été clairement perçue et énoncée. Cela a conduit à de graves confusions, entre dispensation et distribution notamment.

L’acte s’en trouve fortement dévalorisé, intellectuellement et économiquement, et sa définition est floue. Réduire l’acte pharmaceutique au conseil est ainsi une erreur fondamentale.

Ce qui caractérise juridiquement la dispensation, c’est la responsabilité décisionnelle du pharmacien. En bref, il doit analyser le contenu (réglementaire, pharmacologique, économique) et apprécier le contexte (physiopathologique, médicamenteux) de la demande de médicaments, prescrits ou non. Ce processus peut donner lieu à des questionnements : il détermine la délivrance, le sursis à délivrer dans l’attente d’une information déterminante, la recherche de la modification concertée de la prescription, ou encore le refus de délivrance. Ensuite vient le conseil.

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Pourquoi le pharmacien est-il incontournable ?

Parce que juridiquement, ces hypothèses correspondent à autant de décisions, que le pharmacien est le seul formé et habilité à prendre. On oublie que le monopole vise à garantir sa compétence scientifique et son élévation d’esprit. On ignore que le pharmacien n’est pas en état de subordination hiérarchique, car il existe une véritable autonomie de l’acte pharmaceutique à l’égard du médecin et du malade. Il ne faut surtout pas confondre dispensation et délivrance : on n’a pas besoin d’un pharmacien pour délivrer !

Quel est l’avenir de la pharmacie d’officine ?

Il dépend de sa valeur ajoutée spécifique. A l’officine, la dispensation doit dépasser l’objectif de sécurité à première vue du soin médicamenteux, nécessaire mais insuffisante. C’est possible, grâce à la prise en compte croissante des caractéristiques personnelles du malade, en coopération avec le médecin. Cela permettra notamment d’optimiser le soin médicamenteux dans une optique clinique, et de revaloriser les molécules et les actes. L’avenir n’est certainement pas dans la surenchère du marketing. Il est dans les racines de l’exercice libéral.

* « L’acte pharmaceutique. Réflexions juridiques pour une refondation intellectuelle et éthique », Bulletin de l’ordre des pharmaciens n° 375, juillet 2002, pp. 273-281.