Dispensation Réservé aux abonnés

Ordonnance volée pas toujours remboursée

Publié le 10 avril 2021
Par Anne-Charlotte Navarro
Mettre en favori

C’est l’histoire d’un pharmacien qui délivre un médicament d’exception sur présentation d’une ordonnance qu’il ignore volée. La CPAM refuse la prise en charge et la Cour de cassation fait une lecture rigoriste des textes.

LES FAITS

M. D., pharmacien, délivre le 11 mai 2018 une ordonnance pour médicaments d’exception d’un montant de 3 526 €. Le patient ne présente qu’une attestation d’ouverture des droits, le tiers payant est pratiqué. Quelques jours plus tard, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) informe de son refus de prise en charge au motif que l’ordonnance délivrée était volée comme indiqué dans la solution web Alerte sécurisée automatisée aux fausses ordonnances (Asafo, CPAM d’Ile-de-France). M. D. saisit la justice pour obtenir le paiement de cette délivrance.

LE DÉBAT

L’article L.161-1-4 du Code de la Sécurité sociale dispose que « sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux documents ou de fausses informations entraîne la suspension (…) du versement de la prestation jusqu’à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée ». Or M. D. explique que, lorsque le patient lui a remis l’ordonnance, il n’avait aucun moyen de savoir qu’elle était volée. Il indique avoir vérifié l’ensemble des mentions obligatoires avant de délivrer. Il estime qu’il était donc dans un cas de force majeure ne faisant pas échec au paiement. En réponse, l’Assurance maladie considère que M. D. aurait pu détecter la fraude en se connectant à la plateforme Asafo qui permet de consulter tous les signalements de fausses ordonnances, ainsi que les pièces jointes enregistrées par les caisses gestionnaires de la région Ile-de-France.

Le 5 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis) estime que M. D se situait effectivement dans un cas de force majeure. La prudence dont le pharmacien doit faire preuve face à la délivrance d’un médicament d’exception ne permet pas d’écarter le risque de fraude. Le jugement ajoute qu’il ressort du dossier que l’ordonnance falsifiée provient d’un carnet à souches volé, de sorte que la falsification était particulièrement difficile à détecter. Les juges relèvent également que la consultation d’Asafo n’est pas obligatoire et que l’envoi des alertes automatiques relatives à des ordonnances falsifiées et volées est soumis à abonnement, de sorte que le pharmacien n’avait aucun moyen de connaître le caractère volé de la prescription. La CPAM forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

Le 18 mars 2021, la Cour de cassation casse et annule la décision du tribunal de Bobigny. Selon les magistrats, l’absence d’inscription et d’abonnement à Asafo ne constitue pas un cas de force majeure obligeant la CPAM à s’acquitter de la facture. Ils rappellent qu’un événement de force majeure doit être « extérieur, irrésistible et imprévisible ». Et ne considèrent pas que la délivrance était irrésistible et imprévisible puisqu’une simple vérification sur Asafo aurait permis au pharmacien d’être au courant du vol du carnet à souches. Le pharmacien doit assumer la dépense de 3 526 € sans l’aide de la CPAM.

Publicité

Source : Cass. 2e civ., 18 mars 2021 n° 19-24.009.

À RETENIR

Une CPAM peut refuser la prise en charge d’une délivrance réalisée sur présentation d’une ordonnance volée ou falsifiée.

La région Ile-de-France a mis en place une application permettant d’avoir accès aux ordonnances signalées comme volées en circulation dans la région.

L’absence de connexion du pharmacien à cette application, pourtant non obligatoire, n’est pas un cas de force majeure contraignant la CPAM à honorer sa dette.