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Dispensation sous protocole : peut-on parler de « prescription pharmaceutique » ?
La dispensation sous protocole d’antibiotiques dans une situation de cystite ou d’odynophagie pourra être prochainement effectuée par tout pharmacien d’officine. Peut-on dès lors évoquer une « prescription pharmaceutique » à part entière ? Quelles seraient les limites d’une émancipation « raisonnable » vis-à-vis du médecin traitant ? Des questions posées lors d’un débat aux Rencontres de l’officine, le 27 janvier 2024 à Paris.
« Parler de dispensation protocolisée me paraît plus juste que prescription pharmaceutique. Une prescription est la résultante d’un choix, d’une prise de responsabilité alors que le pharmacien est ici dans le cadre d’un protocole où il y a une déresponsabilisation du choix par le logigramme. », considère Martial Jardel, médecin généraliste, cofondateur et président du collectif Médecins solidaires.
L’officine est aussi une maison de santé
Pour Sophie Tallaron, titulaire à Montpezat-sous-Bauzon (Ardèche) et présidente du groupement Pharm-UPP, l’essentiel n’est pas dans la terminologie : « Ne commençons pas à nous opposer sur des mots. C’est une répartition différente des actes et des tâches qui fait que demain nous allons apporter suffisamment de services et de prise en charge aux patients. » La pharmacienne, dont l’officine est engagée dans une maison de santé pluriprofessionnelle, réfute également le terme d’émancipation vis-à-vis du médecin. « Cela voudrait dire qu’on peut se détacher de lui à un moment donné. Ce n’est pas le cas. Nous avons la volonté de travailler intelligemment en coordination. S’il doit y avoir émancipation, elle ne sera pas raisonnable, mais raisonnée. »
La pharmacien un prescripteur comme les autres ?
Le point de vue est la même pour Agathe Peigné, étudiante en 4e année de pharmacie à Tours (Indre-et-Loire) et vice-présidente de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf) en charge des perspectives professionnelles. « Nous n’avons pas la volonté de nous éloigner les uns des autres. L’objectif est pour chacun de reconnaître ce que l’autre fait pour pouvoir communiquer et travailler ensemble. » En revanche, la représentante des étudiants est favorable à l’appellation de « prescription pharmaceutique » dans le cas de la dispensation protocolisée d’antibiotiques : « C’est le terme qui apparaît déjà de manière officielle pour la vaccination. »
Débats sur la terminologie
Cette question trace une ligne entre les deux syndicats de pharmaciens. Par la voix de leurs présidents, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) milite pour une prescription rédigée par le pharmacien tandis que la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) préfère conserver la notion de dispensation protocolisée. « Nous ne sommes pas réellement dans une prescription puisque nous l’adressons à nous-mêmes », affirme-t-elle.
Pour Guillaume Racle, pharmacien dans la Marne et conseiller Economie et offre de santé de l’USPO, il est important de « nommer les choses ». D’abord pour rendre lisibles et abordables les nouvelles pratiques officinales aux yeux de la population. Une lisibilité troublée par la mise en place irrégulière de la dispensation protocolisée. « C’est important aussi vis-à-vis des autorités de tutelle. Nous prescrivons des vaccins et c’est un acte qui doit être valorisé. Quand on prescrit un vaccin, nous n’avons pas la même responsabilité que quand on le dispense et on l’administre. » Le pharmacien, également cofondateur d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), estime cependant qu’ « on ne sera pas prescripteurs sur tout. Il y a peut-être d’autres éléments où l’on sera attaché à une protocolisation plus forte. »
Coopération versus émancipation
Et quid d’une possible émancipation vis-à-vis de la profession médicale ? « Tout d’abord, coopérer ce n’est pas être sous la tutelle de. Nous sommes sur la même ligne d’égalité, nous avons nos compétences et chacun doit en connaître le périmètre. Mais cette émancipation est nécessaire dans certains cas, notamment pour conserver les pharmacies lorsqu’il n’y a plus de médecins dans un village. Elle ne peut pas être pleine mais c’est de voir comment on se rend moins dépendant de la prescription ou l’on trouve d’autres outils pour combler ce manque de prescripteurs. »