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1/5 – Pathologie : la maladie de Crohn en 5 questions
1. De quoi parle-t-on ?
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) regroupent deux entités : la rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn. Alors que la première atteint de façon constante le rectum et tout ou partie du côlon, la maladie de Crohn peut concerner l’ensemble du tube digestif, de la bouche à l’anus.
Dans certains cas, la distinction entre les deux maladies est difficile et on parle de « colite indéterminée ».
Une prédisposition génétique existe (près de 200 gènes seraient impliqués dans le développement des MICI), toutefois seuls 10 % des patients souffrant de la maladie de Crohn présentent un antécédent familial. Parmi les facteurs environnementaux, outre le tabac, à la fois facteur de risque et facteur aggravant de la maladie, un lien a été établi entre une alimentation riche en sucres, en graisses ou ultratransformée et une plus grande fréquence des MICI. D’autres causes sont suspectées : antécédent d’appendicectomie, prise d’antibiotiques dans la petite enfance, agents infectieux, stress susceptible de favoriser les poussées, etc.
En chiffres
- En 2021, selon les données de l’Assurance maladie : plus de 290 000 patients sont atteints d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI), dont 136 000 environ d’une maladie de Crohn.
- Pic d’incidence : entre 20 et 30 ans. Légère prédominance féminine.
- Prédominance en Europe et en Amérique du Nord mais en augmentation dans les pays en voie de développement.
2. Comment se manifeste la maladie ?
Les localisations les plus fréquentes concernent l’iléon, le côlon et l’anus. L’atteinte iléocolique droite (qui touche une partie de l’iléon et le côlon droit) est la plus fréquente. Des formes iléales ou coliques « pures » sont également possibles. Il existe, en outre, des atteintes digestives hautes au niveau de l’œsophage ou de l’estomac.
Signes digestifs
La maladie de Crohn est associée à une dysbiose intestinale (altération qualitative et/ou quantitative de certaines populations de micro-organismes composant habituellement le microbiote) se caractérisant notamment par une diminution de certaines espèces considérées comme bénéfiques, telles que les Firmicutes, et une augmentation de bactéries présumées défavorables car pro-inflammatoires comme les Proteobacteria ou encore des Escherichia coli adhérents et invasifs retrouvés chez les patients atteints d’une forme iléale de la maladie.
La dysbiose pourrait apparaître sous l’influence de facteurs génétiques et environnementaux mais jouerait elle-même un rôle dans le maintien ou la sévérité de l’inflammation. Augmentant la perméabilité intestinale, elle induit une stimulation excessive du système immunitaire, avec une réponse amplifiée de certains lymphocytes T effecteurs (notamment les lymphocytes T helper 17, ou Th17) et un défaut de contrôle des lymphocytes T régulateurs, le tout médié par la production de cytokines pro-inflammatoires, notamment : interleukines (IL-6, IL-12, IL-23, IL-17, par exemple), facteurs de nécrose tumorale alpha (TNFα). L’inflammation excessive et chronique de la muqueuse intestinale est à l’origine des symptômes de la maladie.
Les signes digestifs sont au premier plan et varient selon la localisation et l’étendue des lésions. Diarrhées et douleurs abdominales prédominent généralement mais peuvent être inconstantes. Les douleurs sont localisées au niveau de la fosse iliaque droite lors d’une atteinte iléale ou iléocolique droite et généralement associées à une diarrhée. En cas d’atteinte colorectale, les diarrhées sont souvent glairosanglantes. Des nausées et vomissements se manifestent parfois, surtout lorsque des parties plus hautes du tube digestif sont touchées.
Des lésions anopérinéales surviennent fréquemment au cours de l’évolution de l’affection mais peuvent être présentes d’emblée au diagnostic. Les douleurs anales engendrées peu vent être causées par des fissures, des ulcérations de la marge anale, des pseudomarisques (replis inflammatoires), des abcès ou des fistules entraînant des écoulements purulents dans les sous-vêtements. Les fistules sont des fissures de la paroi intestinale faisant communiquer deux organes ou débouchant à l’extérieur de l’organisme.
Un syndrome subocclusif lié à la présence de sténoses révèle parfois la maladie. Il se manifeste par des douleurs abdominales, des ballonnements, une sensation de blocage (constipation) suivie de gargouillements et d’une diarrhée intense.
Manifestations extradigestives
Signes généraux
La fatigue est quasi-systématique. Elle peut s’accompagner d’un amaigrissement, notamment au cours des poussées ou dans les formes sévères, qui peut être associé à des carences en fer et en vitamines B9 et B12 en particulier, surtout en cas d’atteinte de l’intestin grêle, lieu d’absorption des nutriments et micronutriments. Une fièvre peut survenir lors des poussées de la maladie, traduisant une inflammation sévère. Elle est liée, dans certains cas, à une complication comme un abcès.
Autres atteintes
Les atteintes articulaires (arthralgies périphériques notamment, affectant généralement les coudes, les poignets et les chevilles) sont les plus fréquentes et concernent environ 20 à 25 % des patients. Des manifestations cutanéomuqueuses (de type érythème noueux, psoriasis, etc.), oculaires (uvéite, conjonctivite, kératite) ou parfois hépatobiliaires sont également retrouvées. Ces atteintes peuvent évoluer parallèlement ou non aux poussées de la maladie.
3. Comment est établi le diagnostic ?
Bilan initial
Il comporte une numération formule sanguine (à la recherche d’une anémie, d’une hyperleucocytose ou d’une thrombocytose), le dosage de la protéine C réactive (CRP) qui peut révéler un état inflammatoire, et la recherche de carences vitaminiques (dosages de la ferritinémie, folates, vitamine B12).
Marqueur de l’inflammation de la muqueuse colique, le dosage dans les selles de la calprotectine fécale, non remboursé lors du bilan initial, est pris en charge pour le suivi de MICI diagnostiqué et peut être proposé. Il permet notamment d’éliminer une inflammation intestinale quand sa valeur est basse (inférieure à 100 μg/g) et d’éviter ainsi une iléocoloscopie.
Le diagnostic différentiel repose sur la réalisation d’une coproculture avec recherche des toxines de Clostridium difficile, voire d’un examen parasitologique des selles.
Examens endoscopiques
L’iléocoloscopie avec biopsies systématiques permet de différencier la maladie de Crohn d’une rectocolite hémorragique. Alors que les lésions sont continues et généralement superficielles dans la rectocolite, dans la maladie de Crohn l’atteinte est souvent entrecoupée de parties saines et transmurale affectant l’ensemble de la paroi digestive, ce qui explique les complications à type de fissures, de fistules ou de sténoses.
Une endoscopie œsogastroduodénale recherche des lésions du tractus digestif supérieur.
L’entérographie par résonance magnétique (entéro-IRM ou IRM abdominopelvienne), l’échographie ou la vidéocapsule endoscopique sont utilisées pour déterminer l’extension de la maladie et sa gravité au niveau de l’intestin grêle. De la taille d’une gélule, la vidéocapsule endoscopique est un dispositif embarquant un endoscope miniature qui permet de réaliser des images à partir de capteurs cutanés reliés à un boîtier enregistreur.
Scores d’activité
Certains sont utilisés dans les essais cliniques pour évaluer et suivre l’état général du patient comme le Crohn disease activity index (CDAI). Plus facile d’utilisation, l’indice de Harvey-Bradshaw prend également en compte plusieurs de ces aspects et distingue ainsi 4 niveaux d’activité de la maladie : rémission, activité légère, modérée et sévère.
4. Quelles sont les complications ?
Aiguës
Liées à l’inflammation chronique, les fistules peuvent conduire à la formation d’abcès, souvent au niveau de l’anus ou de l’abdomen, entraînant une douleur intense et de la fièvre.
Les sténoses intestinales, correspondant généralement à des lésions cicatricielles, peuvent parfois être à l’origine d’un syndrome occlusif (arrêt des matières et des gaz) ou plus souvent subocclusif, susceptible d’aboutir à une perforation colique et à une péritonite.
Au cours des poussées, l’inflammation systémique augmente le risque de manifestations thromboemboliques (thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire).
Chroniques
Comme dans la rectocolite hémorragique, le risque d’ostéoporose est augmenté. En cause, l’inflammation chronique, la perte de poids et les carences nutritionnelles, la prise de corticoïdes, les résections intestinales, sources de malabsorption de certains micronutriments.
Le risque de cancer colorectal concerne les patients souffrant d’une forme colique, d’autant plus lorsqu’elle est ancienne et étendue.
5. Quelle est l’évolution ?
La maladie évolue le plus souvent par poussées entrecoupées de rémissions, plus rarement sur un mode continu. Les lésions anopérinéales (fissures, pseudomarisques, etc.) sont douloureuses et ont un retentissement important sur la qualité de vie. 20 % des patients présentent d’emblée une forme compliquée avec sténoses ou fistules au diagnostic. Environ 50 % développent ces complications après 10 ans d’évolution de la maladie et doivent subir une intervention chirurgicale.
L’essentiel
- La maladie de Crohn peut toucher n’importe quel segment du tube digestif, l’atteinte iléocolique droite étant la plus fréquente.
- Elle évolue par poussées au cours desquelles diarrhées (glairosanglantes en cas d’atteinte colorectale) et douleurs abdominales prédominent. Des lésions anopérinéales douloureuses sont fréquentes. Des manifestations extra-intestinales, articulaires et cutanées notamment, peuvent être présentes.
- L’iléocoloscopie avec biopsies systématiques confirme le diagnostic et permet de différencier la maladie de Crohn d’une rectocolite hémorragique.
Avec l’aimable relecture du Pr Mathieu Uzzan, hépato-gastroentérologue à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil (Val-de-Marne).
Article issu du cahier Formation du n°3545, paru le 18 janvier 2025.
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