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4/6 – Analyse d’ordonnance : Lehna, 25 ans, narcoleptique
Lehna N., 25 ans, a toujours ressenti le besoin de dormir dans la journée. Dernièrement, ses accès de somnolence diurne sont plus fréquents et de brèves pertes de tonus musculaire de quelques secondes sont apparues.
Le médecin généraliste de Lehna l’a orienté vers un spécialiste des troubles du sommeil, qui, après réalisation de différents examens (polysomnographie et test itératif de latence d’endormissement, ou Tile) et exclusion de tout autre trouble ou médicament justifiant la somnolence diurne excessive, a établi le diagnostic de narcolepsie de type 1 (NT1). Un traitement a été instauré.
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Quel est le contexte de l’ordonnance ?
Quel était le motif de la consultation ?
Mme N. est une patiente occasionnelle de la pharmacie, qui vient régulièrement pour la délivrance d’une pilule œstroprogestative. Elle souffre depuis l’adolescence d’accès de somnolence en journée et d’un sommeil fragmenté la nuit, symptômes qui se sont intensifiés ces derniers temps mais qu’elle mettait sur le compte de la fatigue professionnelle. Elle se plaint également de réveils fréquents la nuit et a subi récemment deux pertes soudaines de tonus musculaire, avec un affaissement de la mâchoire, sans perte de connaissance, à chaque fois déclenchées par des fous rires. Son médecin l’a orientée vers une consultation dans un centre du sommeil.
Qu’a dit le médecin spécialiste ?
Les examens ont permis d’établir le diagnostic de narcolepsie de type 1. Le neurologue a expliqué qu’il s’agissait d’une maladie certes invalidante, mais pour laquelle on disposait de différents traitements pour augmenter la vigilance et stabiliser les crises de cataplexie. Il a instauré un traitement avec un suivi dans un mois pour en évaluer l’efficacité et la tolérance.
Le neurologue a mis en garde la patiente sur le risque potentiellement tératogène du pitolisant : il a insisté sur la nécessité d’utiliser une contraception mécanique à chaque rapport pour « anticiper » tout oubli ou échec de la pilule, le temps de faire le point avec un gynécologue pour changer éventuellement de méthode contraceptive.
La prescription est-elle cohérente ?
Que comporte la prescription ?
Le pitolisant est un médicament stimulant l’éveil, indiqué dans la narcolepsie avec ou sans cataplexie. Il renforce notamment l’activité histaminergique au niveau cérébral.
L’ordonnance est-elle conforme à la législation ?
Le pitolisant est soumis à une prescription initiale annuelle réservée aux spécialistes en neurologie ou aux médecins exerçant dans un centre du sommeil. L’ordonnance est donc conforme.
Est-elle conforme à la stratégie thérapeutique de référence ?
Oui. Une monothérapie par pitolisant est notamment recommandée en cas de somnolence diurne excessive associée à des cataplexies modérées, selon le protocole national de diagnostic et de soins « Narcolepsie de types 1 et 2 ».
Les posologies sont-elles cohérentes ?
Selon la monographie, le traitement par pitolisant doit être instauré à la dose de 9 mg augmentée à 18 mg au bout d’une semaine. Toutefois, le traitement est couramment débuté à 18 mg par jour chez l’adulte, dose minimale efficace sur les cataplexies. En fonction du résultat, la posologie peut être augmentée jusqu’à 36 mg par jour.
La patiente pourra-t-elle juger de l’efficacité du traitement ?
Mme N. devrait observer une amélioration progressive des somnolences diurnes et des cataplexies en intensité et en fréquence, voire une disparition des cataplexies, dès le premier mois de traitement. Le rendez-vous médical dans un mois permettra de vérifier la tolérance du traitement et l’éventuelle nécessité d’en augmenter la posologie.
Qu’en pensez-vous ?
Lehna N. vous demande une boîte de préservatifs et vous questionne sur les méthodes de contraception. Le médecin a mentionné un dispositif intra-utérin (DIU) pour éviter tout oubli de pilule, mais Mme N. a une amie sous anneau contraceptif, ce qui lui conviendrait mieux. Que lui répondez-vous ?
1. Nuvaring est une option possible.
2. Mme N peut avoir recours au DIU hormonal.
3. Le mieux serait d’opter pour un stérilet au cuivre.
Réponse : une contraception efficace est nécessaire car, bien que l’on manque de données chez l’être humain, le pitolisant est tératogène chez l’animal. De plus, il existe un risque de diminution de l’efficacité des contraceptifs hormonaux par le pitolisant selon la monographie et le thésaurus des interactions médicamenteuses de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé du fait d’un effet inducteur enzymatique. Ainsi, le pitolisant est susceptible de diminuer l’efficacité d’une contraception hormonale, ce qui inclut l’anneau ou le patch contraceptif et les contraceptions progestatives comme la pilule ou le dispositif intra-utérin hormonal. Toutefois, le protocole national de diagnostic et de soins « Narcolepsie de types 1 et 2 » (sept 2021) écarte ce risque d’interaction avec les contraceptifs hormonaux mais insiste sur les effets tératogènes et la nécessité d’une contraception sûre. L’anneau vaginal, comme la pilule, est associé à un risque d’oubli lors de son renouvellement. Dans ce contexte, le stérilet au cuivre est une méthode préférable. Vous recommandez à Mme N. d’en discuter avec son gynécologue ou son médecin traitant. En attendant, vous insistez sur l’importance d’éviter tout oubli de pilule et d’utiliser un préservatif à chaque rapport. Le préservatif féminin, désormais remboursé, peut aussi être une option. Il fallait choisir la troisième proposition.
Quels conseils de prise donner ?
Quand commencer le traitement ?
Du fait de son action stimulant l’éveil, il est recommandé de prendre le pitolisant le matin au petit déjeuner et avant midi, au risque de perturber le sommeil. La patiente s’étant présentée à la pharmacie dans la soirée, le pharmacien lui conseille de commencer son traitement le lendemain matin.
Que faire en cas d’oubli ?
Si l’oubli est constaté avant midi, le comprimé omis peut être pris. Sinon, le traitement doit être poursuivi le lendemain sans rattraper la dose manquée.
Quels sont les principaux effets indésirables ?
Les plus fréquents sont des insomnies, des céphalées et des nausées. Une irritabilité, des sensations vertigineuses, des troubles du sommeil ou une prise de poids sont plus rares.
Quels sont ceux gérables à l’officine ?
- Les céphalées peuvent être soulagées par la prise de paracétamol. Si elles persistent, recommander de contacter le médecin pour une éventuelle diminution de la dose, voire un changement de traitement.
- Les nausées sont généralement transitoires. Si elles sont gênantes, les signaler au médecin pour envisager la prescription d’un antiémétique.
- Pour limiter la prise de poids, rappeler quelques conseils de bon sens : ne pas sauter de repas (au risque de compenser en « se jetant » sur la nourriture au suivant !), écarter les plats gras, en sauce et les sucreries, limiter la charcuterie ou le fromage, privilégier les viandes ou poissons grillés ou à la vapeur, les fruits et légumes, mais aussi les légumineuses et les féculents pour leur action rassasiante. Manger lentement pour ressentir la sensation de satiété qui survient progressivement.
Qu’en pensez-vous ?
Quatre jours plus tard, Lehna revient à la pharmacie. Son sommeil est toujours perturbé mais elle a aussi du mal à s’endormir. Elle se souvient avoir eu recours à Donormyl (doxylamine) qui fonctionnait bien et vous demande une boîte. Quelle est votre réaction ?
1. Vous lui recommandez de ne pas dépasser 5 jours de prise.
2. Vous lui conseillez plutôt des plantes à visée anxiolytique et sédative.
3. Vous lui proposez de la mélatonine.
Réponse. Les insomnies peuvent être un effet indésirable du pitolisant. Rappeler de bien prendre le médicament le matin au petit déjeuner. Les anti-H1 à action centrale, comme la doxylamine, sont à proscrire car ils peuvent diminuer l’effet du pitolisant qui exerce une action histaminergique au niveau cérébral. La mélatonine est parfois proposée en cas de mauvais sommeil chez des patients narcoleptiques, toutefois, la consultation du neurologue est préférable. En attendant un avis médical, la prise de plantes à visée anxiolytique ou de l’huile essentielle de lavande, traditionnellement utilisée dans les troubles du sommeil, peut être conseillé à Mme N. Il fallait choisir la deuxième proposition.
Avec la collaboration du Pr Yves Dauvilliers, neurologue, et du Dr Pierre Escourrou, cardiologue, spécialiste du sommeil.
Article issu du cahier Formation du n°3506, paru le 23 mars 2024
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