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2/6 – Stratégie thérapeutique : traiter la narcolepsie
La prise en charge de la narcolepsie est symptomatique et repose sur une coopération pluridisciplinaire, coordonnée par un médecin spécialiste, neurologue ou médecin du sommeil.
La prise en charge médicamenteuse repose sur une stratégie définie dans un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) élaboré en 2021. Elle vise à diminuer les symptômes en intensité et en fréquence afin d’offrir une meilleure qualité de vie aux patients. L’éducation thérapeutique y occupe une place importante.
Instauration du traitement
Quatre traitements peuvent être proposés en première intention en monothérapie :
- trois traitements stimulants l’éveil (modafinil, pitolisant et solriamfétol), indiqués dans la narcolepsie avec ou sans cataplexie.
- et l’oxybate de sodium, médicament hospitalier sédatif, indiqué dans la narcolepsie avec cataplexie.
Le choix de la molécule dépend de la sévérité de la somnolence, de la présence ou non de cataplexies et de leur sévérité, et de certaines comorbidités. Dans la narcolepsie de type 1 (NT1), en cas de cataplexies entraînant un handicap important, l’oxybate de sodium peut être un choix de première intention. Il est également possible d’instaurer d’abord un traitement de la somnolence diurne excessive (modafinil, pitolisant et solriamfétol) puis d’évaluer son retentissement sur les cataplexies qui seront prises en charge si besoin dans un second temps par un traitement plus efficace sur ces dernières : pitolisant (s’il n’a pas été utilisé précédemment), oxybate de sodium ou, hors autorisation de mise sur le marché (AMM), antidépresseurs. Parmi ces derniers, la venlafaxine est un traitement de première ligne. Les antidépresseurs peuvent aussi améliorer des troubles de l’humeur associés. Dans la narcolepsie de type 2 (NT2), la prise en charge cible la somnolence diurne, les cataplexies étant absentes.
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En seconde ligne
En cas d’échec du traitement de la somnolence diurne excessive, une association de plusieurs molécules ou une monothérapie par méthylphénidate (traitement de deuxième intention en raison de ses effets indésirables) peut être proposée. Il est également possible, si besoin, d’associer le méthylphénidate au pitolisant ou à l’oxybate de sodium. En cas de réponse thérapeutique insuffisante à différentes stratégies, la dexamphétamine est un recours. Il s’agit d’un dérivé d’amphétamine prescrit dans le cadre d’une autorisation d’accès compassionnel en milieu hospitalier. Son profil d’effets indésirables importants (notamment cardiovasculaires, psychiatriques et digestifs) impose des bilans cardiovasculaires réguliers.
En cas de cataplexies pharmacorésistantes, il est proposé un changement de classe pharmacologique (par exemple, la venlafaxine si l’oxybate de sodium a été choisi en première ligne) ou de molécule parmi les antidépresseurs. La posologie de ce dernier peut également être augmentée ou il peut être associé à l’oxybate de sodium.
Les avis de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) divergent du PNDS quant à la place de ces molécules. La HAS considère en effet que le modafinil est le traitement de première intention des narcolepsies et que le méthylphénidate, voire la dexamphétamine, peut être préconisé en cas d’inefficacité du modéfinil ou d’intolérance. Lors de pharmacorésistance, une combinaison de plusieurs molécules est parfois indiquée : antidépresseurs hors AMM, oxybate de sodium ou pitolisant. Le solriamfétol est une option en cas d’échec, d’intolérance ou de contre-indications de ces traitements.
Critères de choix des molécules
Outre la sévérité des symptômes, le choix des molécules prend en compte les comorbidités associées ou le risque de grossesse.
Comorbidités. Un syndrome d’apnées du sommeil non traité contre-indique l’oxybate de sodium. En cas de comorbidités cardiovasculaires, le pitolisant est préféré. Les psychostimulants à tropisme catécholaminergique augmentent en revanche le risque cardiovasculaire. En cas de pathologies psychiatriques, le pitolisant est la molécule qui présente le moins d’effets indésirables psychiatriques.
Femme en âge de procréer. En raison de la tératogénicité potentielle de tous les médicaments de la narcolepsie, une contraception efficace est recommandée et il est fortement conseillé d’arrêter le traitement si une grossesse est planifiée.
Autres. Les hallucinations et paralysies du sommeil peuvent être améliorées par l’oxybate de sodium, le pitolisant ou parfois des antidépresseurs. Le mauvais sommeil de nuit est amélioré par l’oxybate de sodium.
Suivi
L’efficacité du traitement est évaluée via l’échelle de somnolence d’Epworth, le test de maintien de l’éveil (réalisé en centre du sommeil en journée), ainsi que l’échelle de sévérité de la narcolepsie, autoquestionnaire court évaluant la fréquence, l’intensité, la sévérité et le retentissement de l’ensemble des symptômes.
Chez l’enfant
En pratique, les experts prescrivent les mêmes traitements que chez l’adulte mais seuls le pitolisant, le méthylphénidate (à partir de 6 ans) et l’oxybate de sodium (à partir de 7 ans) ont une AMM chez l’enfant.
Le point de vue de la Pre Isabelle Arnulf, neurologue, cheffe du service des pathologies du sommeil de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris)
La narcolepsie de type 2 est-elle moins handicapante et plus simple à prendre en charge que celle de type 1 ?
Non, pas forcément, car chaque patient est différent. Les cataplexies peuvent être certes invalidantes mais restent le plus souvent partielles et ponctuelles. La lutte contre les accès irrépressibles de sommeil est, elle, quotidienne, et peut être aussi handicapante dans la narcolepsie de type 2 que dans celle de type 1. Les patients s’endorment plusieurs fois par jour, y compris dans les transports où certains se font voler leurs affaires ! Il faut garder en mémoire que les traitements ne diminuent que de moitié la fréquence ou la sévérité des symptômes. Même sous traitements, les patients doivent encore faire une ou plusieurs siestes par jour pour anticiper les accès de sommeil. En pratique, ils apprennent à gérer leur traitement. Ceux qui prennent un antidépresseur savent que l’observance est importante pour éviter des crises de cataplexies sévères au sevrage. Les autres traitements sont souvent diminués voire interrompus le week-end – par exemple 1 prise de modafinil au lieu de 2 – ou durant les vacances lorsque le besoin de rester éveillé est moins important.
Qu’en est-il du risque de mésusage ?
Je n’en ai quasiment jamais vu. Nos patients sont en général préoccupés par les effets indésirables et leur souhait est plutôt de prendre le moins de médicaments possible. Leur difficulté vient de toute la législation autour des médicaments qui oblige à des rendez-vous réguliers, tous les 28 jours pour l’oxybate de sodium (à l’hôpital) ou le méthylphénidate, d’ailleurs toujours prescrits sous une forme à libération prolongée, mieux tolérée (moins de tachycardie et d’épuisement en fin de dose). Ce qui pose problème en vacances notamment ou lors de changements de pharmacie puisque le nom de l’officine doit être indiqué sur l’ordonnance. Mais je propose toujours des solutions, au cas par cas, pour ne pas pénaliser les patients.
De nouveaux traitements sont-ils à l’étude ?
Oui, de grands espoirs sont portés sur des agonistes oraux des récepteurs 2 de l’hypocrétine-1 (ou orexine). Les patients malades possèdent des récepteurs à l’orexine mais cette dernière fait défaut. Un essai de phase 2 versus placebo* a montré une efficacité spectaculaire au test de maintien de l’éveil par rapport aux traitements actuels, avec également une amélioration des cataplexies.
* Y.Dauvilliers, E.Mignot, R.del Río Villegas et coll., « Oral Orexin Receptor 2 Agonist in Narcolepsy Type 1 », The New England Journal of Medicine, 2023.
Avec la collaboration du Pr Yves Dauvilliers, neurologue, et du Dr Pierre Escourrou, cardiologue, spécialiste du sommeil.
Article issu du cahier Formation du n°3506, paru le 23 mars 2024
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