5/7 – Observance : favoriser l’adhésion thérapeutique aux antidépresseurs

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5/7 – Observance : favoriser l’adhésion thérapeutique aux antidépresseurs

Publié le 1 octobre 2024 | modifié le 20 novembre 2024
Par Pierre-Ollivier Bétolaud
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Un certain temps de latence est nécessaire avant que le traitement ne fonctionne. Quant à l’arrêt des médicaments, il doit être accompagné. Zoom sur les messages clés à faire passer au comptoir concernant l’observance d’un traitement antidépresseur.

Cas 1 : Christelle veut arrêter ses antidépresseurs

Christelle V., 32 ans, est sous citalopram à la posologie de 20 mg par jour depuis 2 semaines à la suite d’une dépression postpartum après à la naissance de son deuxième enfant. Elle passe ce matin à la pharmacie. « La petite pleure sans arrêt et ne fait toujours pas ses nuits. Je suis vraiment à bout. J’ai l’impression que mon traitement ne marche pas. D’ailleurs, je me demande s’il ne vaudrait pas mieux l’arrêter… ». 

ANALYSE DU CAS 

En début de traitement par citalopram, un mécanisme de rétrocontrôle négatif lié à la suractivation des autorécepteurs sérotoninergiques présynaptiques limite l’augmentation de la sérotonine induite. Au fur et à mesure, ce rétrocontrôle régresse et l’effet thérapeutique apparaît. Comme pour tous les antidépresseurs, un délai d’action de 2 à 4 semaines (voire 6 à 12 semaines chez le sujet âgé) est nécessaire avant d’observer la réponse thérapeutique.

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne rappelle à Mme V. qu’un certain temps de latence est nécessaire avant que le traitement antidépresseur ne fonctionne et l’importance de bien respecter son traitement. Elle encourage l’adhésion thérapeutique en lui précisant que l’antidépresseur devrait bientôt commencer à faire effet.

Elle lui donne également quelques conseils à appliquer au quotidien : essayer de dormir dès que c’est possible, s’alimenter régulièrement et de façon équilibrée, éviter la prise de substances stimulantes notamment le soir, sortir promener son bébé pour garder un minimum d’activité physique, maintenir le contact avec ses proches.

À RETENIR : Le délai d’action des antidépresseurs est de 2 à 4 semaines (voire 6 à 12 semaines chez le sujet âgé). Pour éviter une inobservance thérapeutique, il est important d’en informer le patient lors de la première délivrance afin qu’il ne se décourage pas.

Cas 2 : Il aurait fallu écouter le médecin !

Linda E., 52 ans, est traitée pour une dépression sévère, depuis 1 an, par de la paroxétine  à la posologie de 20 mg par jour. En rémission, il a été dernièrement convenu avec son médecin qu’elle arrête progressivement son traitement, d’autant qu’elle souffre de constipation récurrente à cause de son antidépresseur. Aujourd’hui, elle vient confier au pharmacien : « À vrai dire, comme je me sentais mieux moralement, j’ai complètement arrêté mon antidépresseur. Mais depuis quelques jours, je suis angoissée et je dors mal. J’aurais peut-être mieux fait de respecter les recommandations du docteur… »

ANALYSE DU CAS

L’arrêt d’un traitement par antidépresseur peut entraîner l’apparition d’un phénomène de sevrage surtout lorsqu’il est brutal. Il serait lié aux modifications physiologiques induites par la prise à long terme de l’antidépresseur et non à une dépendance au principe actif à proprement parler, et varie selon plusieurs paramètres comme la durée du traitement, la posologie, l’amplitude de diminution de la dose et la demi-vie des molécules. Hormis la fluoxétine (dont la demi-vie est de 4 à 6 jours et celle de son métabolite actif de 4 à 16 jours), les autres inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ont une demi-vie courte (d’environ 24 heures en moyenne), qui majore le risque de syndrome de sevrage.

Les symptômes (fourmillements, vertiges, anxiété, céphalées, troubles du sommeil et, plus rarement, tremblements, confusion, troubles visuels et digestifs) surviennent dans les premiers jours après l’arrêt du traitement. Généralement d’intensité légère à modérée, ils régressent en 2 semaines.

Afin d’éviter les effets d’un sevrage, l’arrêt du traitement doit être planifié avec une diminution progressive de la posologie sur plusieurs semaines. En cas de troubles trop importants, la reprise de l’antidépresseur à la dose précédente permet de faire disparaître les symptômes.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien oriente la patiente vers une consultation médicale rapide afin d’évaluer ses troubles et de vérifier si une reprise du traitement antidépresseur est justifiée.

À RETENIR : Arrêter les antidépresseurs de façon brutale peut entraîner des symptômes de sevrage. Il est important, lors de l’arrêt du traitement, de vérifier que le patient a bien compris l’intérêt de la réduction progressive de la posologie.

Avec l’aimable relecture de Claire Pollet, pharmacienne praticienne hospitalière, établissement public de santé mentale (EPSM) Lille-Métropole (Nord) et des Flandres, Emmanuelle Queuille, pharmacienne praticienne hospitalière, centre hospitalier Charles-Perrens, Bordeaux (Gironde), et Laurence Schadler, pharmacienne praticienne hospitalière, centre hospitalier Esquirol, Caen (Calvados), toutes membres du réseau Psychiatrie Information Communication (PIC).

Article issu du cahier Formation du n°3507, paru le 30 mars 2024