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1/3 – La communication : poser les bases d’une relation thérapeutique efficace
Une relation interpersonnelle de qualité permet de rejoindre le patient dans son émotion et de poser les bases d’une relation thérapeutique efficace. Avec sa triple casquette de docteure en pharmacie, psychologue et formatrice en communication, Christelle Szedleski explique ses principes et propose des stratégies de mise en œuvre.
Vaccination, bilan de médication, dépistage, prescription, etc., l’arrivée des nouvelles missions à l’officine implique davantage le pharmacien dans la prise en charge clinique du patient. Loin de se satisfaire de connaissances scientifiques, ces missions imposent de travailler son approche relationnelle, parfois même de s’adosser à des savoir-faire spécifiques comme celui de l’entretien motivationnel. Elles mettent ainsi en lumière la nécessité de bénéficier de compétences fines dans un domaine trop souvent négligé par les programmes universitaires : la communication. Certains ont naturellement plus d’aptitudes que d’autres mais, heureusement, communiquer est un art qui s’apprend. Qu’il s’agisse de gérer un conflit, de motiver un changement de comportement, de diriger une équipe, etc., des techniques existent ; certes moins pragmatiques que la pharmacologie mais éprouvées, y compris dans le domaine de la santé.
Un peu de théorie
Communiquer, c’est quoi ?
La communication est avant tout un processus d’échange d’informations, de sentiments ou de messages entre des individus, qui passe généralement par des canaux verbaux, non verbaux ou écrits. Elle englobe un large éventail de moyens, tels que la parole, la gestuelle, les expressions faciales, les signaux visuels, l’écriture, les médias, etc. Mais c’est aussi, et surtout, l’outil indispensable à la compréhension mutuelle : sans communication pas d’établissement de relations, de partage d’idées ou de résolution de conflits.
Suffit-il d’échanger pour communiquer ?
Parfois considérées comme deux notions indépendantes, la transmission d’informations et la compréhension mutuelle sont liées par la façon dont nous communiquons : un échange qui ne favorise pas la compréhension peut sérieusement compromettre l’efficacité d’un message.
Cas 1 : André, 78 ans, veuf
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Touché par la situation, Étienne adresse à André un message pour tenter d’adoucir sa peine. Face à la mort, qui suscite souvent un malaise, nous pouvons en effet avoir le réflexe de proposer des arguments qui portent un regard moins sombre sur la situation. Les témoignages convergent pourtant : ce type de réaction, loin de l’apaiser, intensifie la douleur psychologique de la personne en deuil, qui peut même l’interpréter ainsi : « Ce n’est pas si grave, au fond, vous êtes encore en bonne santé et vous avez des enfants. Ça pourrait être pire. »
Un peu rude à entendre quand la vie bascule… Se sentant incompris, André conclut l’échange, dépité : « Vous ne vous rendez pas compte. »
Cas 2 : Françoise, 54 ans, diabétique.
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Marion s’agace un peu : cela fait six mois qu’elle répète la même chose, qu’elle inscrit la posologie sur la boîte, qu’elle conseille un pilulier mais rien n’y fait, Françoise n’est pas observante, comme plus de 60 % des diabétiques… Ses injonctions, bien que répétées et indéniablement pertinentes sur le plan clinique, n’atteignent pas leur but. Françoise, sans doute par phénomène de réactance, entend le message mais ne l’intègre pas dans son quotidien.
Qui n’a pas fait l’expérience d’une situation au cours de laquelle nos arguments ne semblent pas efficaces ? Notre réflexe est alors d’en proposer d’autres, de fournir des exemples supplémentaires. Voire parfois d’insister à grands coups de « Croyez en mon expérience ! »… sans plus de succès.
Quels enjeux pour les patients ?
Les témoignages de patients frustrés dans leur relation aux soignants sont fréquents : manque de temps et écoute insuffisante sont les reproches le plus souvent invoqués. Les études sur le sujet sont rares mais l’une d’entre elles, réalisée en Floride et publiée en 2018, a démontré que les médecins n’invitent les patients à exprimer leurs questions ou préoccupations que dans 36 % des cas, et 67 % les interrompent alors au bout de 11 secondes… Si elle n’est pas directement applicable à l’officine, cette étude met en évidence le besoin d’écoute dans la relation patient-soignant. Parmi tant d’autres, les exemples d’André et de Françoise montrent par ailleurs qu’une communication inadéquate peut avoir des répercussions importantes. Bien qu’André apprécie son pharmacien depuis longtemps, ne pas se sentir écouté peut entacher leur relation de confiance. Plus dommageable encore, elle risque de mettre en péril l’adhésion thérapeutique du patient : quel intérêt de délivrer à Françoise des conseils aussi pertinents soient-ils si, in fine, elle ne se soigne pas ?
Pourquoi ça coince ?
Déjà dans l’Antiquité, le philosophe grec Aristote donnait des pistes de compréhension dans Gorgias – De la rhétorique, son ouvrage traitant de l’art oratoire. Selon lui, un discours persuasif doit articuler trois dimensions : logos, éthos et pathos.
Le logos, ou contenu du message, correspond aux arguments défendus par l’orateur.
L’éthos renvoie à l’image de l’orateur et à sa crédibilité, nourries par son professionnalisme, son charisme, son niveau d’expertise.
Le pathos est l’affect, la part du discours qui suscite des émotions auprès du public afin de le rendre réceptif à un argument.
Le pharmacien, scientifique en position d’expert, bénéficie par nature d’un éthos et d’un logos solides. Empreint d’une culture et d’une formation rationnelles, il peut néanmoins avoir tendance à négliger le pathos. Or s’il est absent ou insuffisant, la connexion émotionnelle ne se crée pas, et les messages, aussi professionnels soient-ils, n’atteignent pas leur objectif.
Revenons sur l’exemple de M. André
Que sait-on de lui ? Avec Denise, sa femme, ils ont formé un couple solide durant 60 ans et ont eu trois enfants : l’un est au Canada, les autres ont des vies bien remplies. André les voit peu, il ressent un grand vide et profite de ses visites dans les commerces alentour pour déposer ses émotions. Quelques jours après son entretien contre-productif avec Étienne, c’est une autre pharmacienne de l’équipe, Corinne, qui lui délivre son ordonnance contre l’hypertension : « J’ai appris pour votre épouse, je suis tellement désolée, une si gentille dame… Quelle tristesse ! Vous étiez tellement aux petits soins pour elle. Quel vide ce doit être. Et vos enfants qui ont des vies si occupées… C’est une sacrée épreuve. »
Toujours aussi triste, la réponse d’André est cependant radicalement différente : « Merci, oui, c’est vraiment difficile ce vide, mais ça va aller, je n’ai pas le choix et j’ai quand même de bons voisins… »
Que nous apprend cette illustration ? Le point de départ est le même – un patient triste, focalisé sur ses difficultés – mais cette même situation abordée selon deux approches différentes peut déclencher des réactions opposées. En tentant de déplacer le focus attentionnel d’André sur les bonnes choses de sa vie, l’intervention d’Étienne est logique mais n’a pas l’effet escompté. Corinne, plutôt que chercher à amoindrir les pensées noires d’André, souligne l’aspect tragique de la situation et, contre toute attente, semble l’apaiser.
Que s’est-il joué dans la relation ? Corinne, en se gardant de balayer sa détresse et en partageant son ressenti, a rejoint André dans ses émotions. Pour lui, la situation n’empirera pas en en parlant, mais un interlocuteur capable de mettre des mots sur son vécu établit une connexion émotionnelle qui pose les bases d’une compréhension mutuelle.
Revenons sur l’exemple de Françoise
La même approche pourrait être transposée à Françoise si Marion essayait de la rejoindre dans son ressenti : « Je comprends que prendre un traitement chronique est difficile, il nous rappelle notre maladie et on s’en passerait bien. La contrainte quotidienne est parfois plus forte que les avantages à long terme… »
Les problèmes d’observance ne se régleront pas d’un coup de baguette magique mais Marion ouvre une brèche où Françoise, se sentant moins « en faute » et mieux comprise, peut aborder ses difficultés.
Un art qui s’apprend
S’il est vrai que nous apprenons à parler vers l’âge de 2 ans et demi, pouvons-nous pour autant conclure que nous sommes tous des experts en communication ? Certaines personnes, généralement éduquées dans une famille où on laisse parler les émotions, semblent « tombées dans la marmite quand elles étaient petites » : naturellement douées de compétences relationnelles, elles trouvent les mots et l’attitude adéquate en toutes circonstances. Pour d’autres, c’est moins intuitif, mais rien ne les condamne à commettre des maladresses relationnelles. Comme on peut apprendre à skier, à taper à dix doigts sur le clavier ou à jouer d’un instrument de musique, on peut apprendre à tout âge à améliorer ses soft skills (compétences « douces » de type comportementales, transversales et humaines, par opposition aux hard skills qui sont les compétences « dures », capacités techniques, de métier). Longtemps absente des enseignements universitaires en santé, la communication s’invite d’ailleurs peu à peu dans les cursus. Les officinaux qui n’ont pas eu cette chance et ceux qui désirent renforcer leurs compétences peuvent aussi se tourner vers les modules de formation continue consacrés à la communication en officine.
En pratique
Chaque personnalité et chaque situation étant singulière, il n’y a pas de recette infaillible pour établir une meilleure communication interpersonnelle. Des outils permettent cependant d’optimiser ses compétences relationnelles en adaptant progressivement ses échanges et sa posture. Pour bien saisir la marche à suivre, une métaphore empruntée au domaine électrique est particulièrement parlante, car la transmission des informations est comparable à la circulation du courant.
Étape 1 : brancher la prise
Un sèche-cheveux débranché a-t-il une chance de fonctionner ? Non, évidemment. C’est pareil en communication, aucune chance de faire passer de façon optimale un message sans « brancher la prise ». Cette étape, qui correspond à la connexion émotionnelle avec l’interlocuteur, consiste à le rejoindre dans son ressenti et son vécu. C’est sans nul doute celle à travailler en priorité, l’expérience en officine nous montrant une tendance à faire circuler le courant sans avoir créé la connexion. Déjà illustré dans les exemples précédents d’André et de Françoise, ce défaut de communication transparaît également dans la situation particulière de Gaspard qui vient chercher une boîte de Victoza dans sa pharmacie habituelle. Hélas, le produit est manquant… Gaspard tape du poing sur le comptoir : « Comment est-ce possible ? C’est toujours pareil ! Qu’est-ce que je vais faire moi, maintenant ? » Dans 9 cas sur 10, la réaction du pharmacien qui se sent agressé – à juste titre – est de se justifier : « Je n’y suis pour rien, le problème existe pour d’autres médicaments et dans toutes les pharmacies… » Argument peu efficace pour calmer Gaspard qui, au sommet de son émotion, n’est pas apte à recevoir des informations. Brancher la prise vise ici à un retour au calme préalable, l’idée étant de rejoindre Gaspard dans sa colère : « Je comprends que vous soyez furieux. Moi aussi, ça me contrarie ces ruptures de stock. En plus, c’est pour votre diabète, c’est vraiment important ! » Cette réaction montre à Gaspard qu’il a un allié dans son sentiment d’injustice. La plupart du temps, elle apaise son émotion et le prépare à recevoir plus calmement les informations sur les ruptures de stock : la prise est branchée. En résumé, il suffit d’adapter son discours pour mettre le doigt sur l’émotion du patient : facile à dire mais comment faire quand ce n’est pas intuitif ? On peut s’entraîner en suivant les principes de l’écoute active : en mixant empathie (capacité de s’identifier à autrui dans ce qu’il ressent), questions ouvertes et reformulations, cet outil est idéal pour brancher la prise.
Étape 2 : faire circuler le courant
Une fois la prise branchée, il n’y a « plus qu’à » laisser le courant circuler, le plus difficile est fait. C’est en particulier vrai pour le pharmacien, qui retrouve alors sa zone de confort, pour laquelle il est abondamment formé : conseiller. Cette deuxième étape lui paraît donc plus aisée à mettre en œuvre, à condition de respecter quelques précautions.
Réactance et effet boomerang
La réactance est un mécanisme psychologique, plus ou moins inconscient, qui nous encourage à maintenir notre liberté lorsqu’un élément extérieur limite nos choix d’action.
CAS 3 : Mme Pécou, 62 ans, diabétique.
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Que pense Mme Pécou à cet instant ? « Oui, madame, vous avez raison. Je m’y mets demain ! » ou, plus probablement, « Dites, ma petite dame, un ton plus bas ! ». Comme Françoise, notre patiente qui présentait un défaut d’observance. Mme Pécou entre en réactance pour préserver sa liberté d’action. D’autant plus présent si le message est autoritaire, ce mécanisme se renforce encore si nous insistons et argumentons en faveur d’un comportement à adopter. Plus le patient se sent contraint et plus sa réactance risque de l’encourager vers le comportement opposé. C’est l’effet dit « boomerang ».
Le « soit/soit »
La réactance apparaissant précisément lorsque le patient sent sa liberté mise à mal, mieux vaut l’éviter en prenant le contre-pied. Pour cela, la technique du « soit/soit » vise précisément à préserver sa liberté de choix. Elle consiste à proposer les différentes options qui s’offrent au patient, de l’éclairer sur les avantages et inconvénients de chacune, et de lui laisser faire le choix qui lui semble le plus approprié. On pourrait ainsi dire à Mme Pécou : « Oui, c’est difficile de changer des habitudes de vie bien installées, n’est-ce pas ? (empathie) Malgré tout, ça vaut peut-être la peine de prendre le temps d’y réfléchir : soit vous ne changez rien, mais il faut s’attendre à ce que votre diabète s’aggrave, soit vous modifiez certaines habitudes, comme faire plus d’exercice, ce qui vous aidera à réguler votre glycémie sur le long terme. Mais, bien sûr, c’est c’est un choix qui vous appartient. Nous pourrions y réfléchir ensemble à l’occasion si ça vous intéresse ! » Le contenu du message est le même, cependant en mettant Mme Pécou devant un choix personnel, il contourne le phénomène de réactance. Ne se sentant pas contrainte, elle admettra plus facilement le besoin de changement. Peut-être restera-t-elle ambivalente durant quelque temps. Peut-être a-t-elle besoin d’un peu de temps encore pour envisager le changement. Mais au moins cette approche ne l’encouragera pas à ne rien changer. Le courant passe, le dialogue peut s’ouvrir et Mme Pécou peut exprimer les difficultés qui sont les siennes sans se sentir jugée.
Article issu du cahier Formation du n°3526 paru le 7 septembre 2024
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