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5/7 – Situations spécifiques : cancer, diabète, surpoids… et arrêt du tabac
Une attention particulière doit être portée à certains profils de patients qui souhaitent arrêter de fumer.
Le patient atteint d’un cancer
On estime que 22 % des patients atteints d’un cancer fument au moment de leur diagnostic, jusqu’à 60 % en cas de cancer bronchique. En plus d’être le premier facteur de risque évitable de cancers, le tabac a un impact sur l’efficacité et la qualité de prise en charge en cas de maladie déclarée. Quelle que soit la localisation du cancer, l’arrêt du tabagisme :
- réduit le risque de complications chirurgicales, en particulier d’infections et de retard à la cicatrisation ;
- améliore le pronostic avec une diminution de la mortalité toutes causes confondues ;
- limite la survenue d’un second cancer primitif et le risque de récidives ;
- améliore la qualité de vie sur le plan physique et psychique.
Des interactions entre tabagisme et traitements anticancéreux existent, notamment une résistance à la chimiothérapie ou à la radiothérapie conduisant à une diminution de l’action antitumorale et à une augmentation de la clairance de certains traitements comme l’erlotinib, qui peut nécessiter une augmentation des doses. Il est par ailleurs démontré que le sevrage diminue certains effets toxiques des traitements anticancéreux comme les mucites ou les complications gastro-intestinales.
L’Institut national du cancer (Inca) recommande que la démarche d’arrêt soit un élément à part entière de la prise en charge du patient atteint de cancer, accompagnée par un professionnel de santé et initiée dès le début du parcours de soins : le diagnostic étant un moment propice pour déclencher une motivation d’arrêt, plus le délai est court avant le début du sevrage, plus les chances de succès sont grandes.
Le repérage du tabagisme et le conseil d’arrêt doivent être systématisés. Il n’est jamais trop tard, quel que soit le stade ou le pronostic de la maladie. Idéalement, la prise en charge est individualisée, coordonnée avec celle de la maladie et intervient, le cas échéant, avant la chirurgie programmée. Elle est souvent initiée par le service d’oncologie et coordonnée avec les praticiens de ville.
Les traitements de substitution sont proposés en première intention, les patchs étant privilégiés en cas de mucites ou d’ulcérations gastriques dues aux traitements anticancéreux. En deuxième intention, la varénicline (non disponible actuellement) peut être prescrite ou le bupropion, celui-ci ne devant cependant pas être utilisé en cas de tumeur du système nerveux central (risque de convulsions) et à éviter avec le tamoxifène dont il peut diminuer l’efficacité.
Surpoids et obésité
Tabagisme et obésité, a fortiori associés, sont parmi les causes principales de mortalité prématurée et d’apparition de cancers. Plusieurs études montrent que les fumeurs, indépendamment de l’indice de masse corporelle (IMC), présentent davantage d’obésité abdominale, facteur de risque cardiovasculaire. Les fumeurs ont un poids en moyenne inférieur de 4 à 5 kg par rapport aux non-fumeurs, en raison notamment de l’effet coupe-faim du tabac et d’une augmentation des dépenses énergétiques de repos par effet sympathomimétique de la nicotine. Paradoxalement, les « gros fumeurs » (plus de 25 cigarettes par jour) ont un poids plus élevé que la moyenne, sans doute lié à leur sédentarité et aux prises de poids lors de tentatives d’arrêt antérieures. Même si l’arrêt du tabac provoque une prise de poids dans 80 % des cas – en moyenne de 4 à 5 kg –, ce qui peut avoir un retentissement esthétique ou sanitaire (augmentation de la pression artérielle, du taux de cholestérol, risque accru de diabète de type 2, etc.), celle-ci est généralement transitoire et ne remet pas en cause les bénéfices du sevrage sur le risque cardiovasculaire global et les autres causes de décès liées au tabac.
Pour limiter la prise de poids lors du sevrage, il faut compenser la diminution du métabolisme de base par une augmentation de l’activité physique et/ou une diminution des apports caloriques. Idéalement, il est préférable de les mettre en place progressivement en amont du sevrage, avec un conseil nutritionnel. Un régime hypocalorique strict à l’arrêt n’a pas montré son efficacité et peut compromettre le sevrage (effet de double privation). Les traitements substitutifs sont une aide pour limiter la prise de poids à condition qu’ils soient suffisamment dosés. Une prise orale de nicotine 20 minutes avant les repas ou au moment des fringales limite les prises alimentaires de compensation.
Le patient diabétique
En France, la prévalence du tabagisme est estimée à 13 % chez les patients atteints de diabète de type 2 et 39 % en cas de diabète de type 1. Incriminé dans l’augmentation de l’insulinorésistance, le tabac accroît de manière dose-dépendante le risque de diabète de type 2 d’environ 40 % chez les fumeurs par rapport aux non-fumeurs. Il est un facteur de risque des complications microvasculaires (néphropathie, rétinopathie et neuropathie du diabète de type 1) et macrovasculaires, avec une augmentation des événements cardiovasculaires (infarctus et accident vasculaire cérébral notamment), et des dyslipidémies. Il est aussi impliqué dans le mauvais contrôle glycémique, l’augmentation des infections urinaires, respiratoires ou cutanées, du risque d’amputation, de parodontites, de complications obstétricales graves en cas de diabète gestationnel. C’est la première cause de mortalité en cas de diabète de type 2.
Faute d’études sur une stratégie de sevrage spécifique, celle-ci s’appuie sur les principes applicables en population générale. Elle doit être associée à un renforcement des mesures hygiénodiététiques et à une augmentation de l’activité physique pour éviter la prise de poids et la dégradation de l’équilibre glycémique qui, également modifié par le tabac, doit être surveillé davantage. Le sevrage peut nécessiter une diminution des doses d’insuline.
Le sportif
La prévalence du tabagisme chez le sportif est inférieure à celle de la population générale. L’idée fausse que le sport en plein air « compense » les effets néfastes du tabac continue de circuler. Le tabac provoque une inflammation bronchopulmonaire chronique qui réduit les échanges gazeux, le monoxyde de carbone diminuant les capacités de transport de l’oxygène par l’hémoglobine. L’inadéquation entre les besoins tissulaires et les apports en oxygène conduit à une diminution des capacités sportives et à une augmentation réactionnelle du rythme cardiaque.
La nicotine fait l’objet d’une surveillance dans le monde antidopage, mais n’est pas classée comme un produit dopant. Elle peut cependant être utilisée par les sportifs de haut niveau pour améliorer la précision du geste ou la concentration, notamment consommée sous forme de tabac non fumé, à priser ou à chiquer (snus). Cette pratique, interdite en France mais dont les produits sont procurables sur Internet, augmente les risques de cancers oropharyngés, cardiovasculaires et provoque une dépendance.
« Je ne fume pas, en tout cas jamais dans les deux heures avant et après une pratique sportive » est une des règles éditées par le Club des cardiologues du sport, l’arrêt étant toujours à privilégier. L’usage de traitements de substitution ne contre-indique pas la pratique sportive, l’activité physique ayant de plus fait ses preuves pour limiter le syndrome de sevrage et la prise de poids. Des sportifs ont fait le choix du vapotage pour limiter l’exposition au monoxyde de carbone. Faute d’un arrêt, c’est une option jugée pertinente par les cardiologues du sport, en prenant néanmoins en compte les inconnus concernant l’exposition à long terme au propylène glycol, à la glycérine ou aux arômes contenus dans les liquides de vapotage.
Troubles psychiatriques et coaddictions
On trouve davantage de fumeurs et de « gros » consommateurs (ou « hardcore smokers ») chez les patients atteints de troubles psychiques, en moyenne 2 fois plus en cas de dépression et jusqu’à 3 fois plus en cas de troubles psychotiques. S’il est aujourd’hui démontré que l’arrêt du tabac peut réduire sur le long terme l’anxiété et la dépression, la période de sevrage est à risque de décompensation ou de rechute d’un trouble psychique.
Le suivi de ces patients est souvent plus long et plus rapproché, l’apparition de troubles de l’humeur devant être étroitement surveillée, en particulier dans les premières semaines du sevrage. Un accompagnement psychocomportemental est fortement conseillé, de même qu’une substitution en nicotine correctement dosée. Chez les patients souffrant de troubles psychiatriques sévères, il faut attendre une stabilisation de leur état pour mettre en place le sevrage tabagique. Celui-ci s’accompagne de doses de substitut nicotinique souvent plus élevées qu’en population générale. Par ailleurs, une surveillance de certains traitements déstabilisés par le tabac (zolpidem, halopéridol, clozapine) est nécessaire avec, si besoin, une adaptation des doses.
La présence de coaddictions est un facteur d’échec du sevrage tabagique, qui peut aussi provoquer le déplacement vers la consommation d’une autre substance. Il est donc recommandé de mettre en place des sevrages conjoints : ces situations complexes nécessitent l’intervention d’un spécialiste de l’addiction.
Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) et tabac
Facteur aggravant de la maladie de Crohn, le tabac est connu pour avoir un effet protecteur dose-dépendant sur la rectocolite hémorragique (RCH) : le risque relatif de développer une RCH est 2,5 fois inférieur chez un fumeur. Son effet sur l’évolution de la maladie déclarée est plus contradictoire, certaines études montrant une moindre sévérité chez les fumeurs (moins de corticothérapie, de complications, de chirurgie, etc.), d’autres non. Les mécanismes de protection et les substances du tabac concernées restent à découvrir. Le rôle de la nicotine a été avancé, mais les traitements nicotiniques de substitution testés lors des crises n’ont pas donné de résultats concluants. La prévention de l’ensemble des complications du tabagisme justifie néanmoins un sevrage, avec ou sans recours à un traitement substitutif, mais de préférence avec un suivi rapproché par un gastroentérologue.
Avec l’aimable collaboration de Valérie Rocchi, pharmacienne et tabacologue à Allauch (Bouches-du-Rhône)
Article issu du cahier Formation du n°3514, paru le 18 mai 2024
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