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4/7 – Patients sous traitement : l’influence du tabac sur certains médicaments
La fumée de tabac accélère le métabolisme de certains médicaments, réduisant ainsi leur efficacité. Lors du sevrage, la disparition de cet effet inducteur peut entraîner une accumulation potentielle des molécules dans l’organisme, augmentant le risque de toxicité. On fait le point.
Effets de la fumée sur les médicaments
Pharmacocinétiques
Les goudrons de la fumée contiennent des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), composants naturels du charbon et du pétrole issus de la combustion incomplète du tabac. Ces composés sont de puissants inducteurs enzymatiques qui agissent sur les cytochromes P450 (CYP) – plus particulièrement les isoenzymes 1A1, 1A2 et 2E1 – en augmentant la synthèse des enzymes ou en diminuant leur dégradation. Le métabolisme des substrats de ces enzymes est par conséquent accéléré et leur demi-vie diminuée, ils sont ainsi plus vite éliminés de l’organisme. Cet effet inducteur s’installe 2 à 3 semaines après le début de la consommation de tabac.
En plus d’augmenter l’insulinorésistance par différents mécanismes, le tabac peut diminuer l’absorption sous-cutanée de l’insuline par son effet vasoconstricteur.
Pharmacodynamiques
Du fait de leur élimination plus rapide, l’efficacité des médicaments métabolisés par les cytochromes P450 peut se trouver amoindrie et, dans certains cas, leur dose doit être augmentée pour garder un effet thérapeutique convenable.
La nicotine augmente la pression artérielle via la libération de catécholamines, pourrait favoriser la coagulation par effets hémodynamiques et être responsable de lésions endothéliales. Ainsi, les risques de thrombose veineuse profonde et d’hypertension artérielle sont plus élevés si elle est associée à l’utilisation de contraceptifs œstroprogestatifs. En revanche, d’après les études en cours, elle ne semblerait ni inductrice ni inhibitrice enzymatique. L’administration de traitement nicotinique de substitution lors du sevrage ne vient donc pas contrecarrer l’éventuelle variation d’efficacité de ces médicaments.
Influences du sevrage
Traitements habituels
Environ 2 à 3 semaines après l’arrêt, l’induction enzymatique provoquée par le tabac cesse, la métabolisation et l’élimination des substrats retrouvent un rythme plus lent et leur concentration sanguine augmente avec un risque d’accumulation et donc de surdosages.
Le risque de toxicité dépend des molécules. Il concerne en particulier les médicaments à marge thérapeutique étroite (MTE) comme la clozapine, principalement métabolisée par le CYP1A2, dont l’augmentation de la concentration plasmatique expose notamment aux risques d’agranulocytose, de myocardite et de convulsions. Les conséquences du sevrage sur le métabolisme de l’olanzapine sont similaires, mais les risques de toxicité moindres.
Parmi les traitements influencés par le sevrage tabagique, notons particulièrement la warfarine, avec une augmentation de l’international normalized ratio (INR). Le métabolisme de la théophylline, de la fluvoxamine, du flécaïnide et du propranolol peut également être impacté significativement.
Une augmentation de l’absorption sous-cutanée d’insuline et une moindre insulinorésistance sont à prévoir, pouvant nécessiter une diminution de la dose administrée / à administrer.
Traitements de sevrage
Les effets pharmacologiques propres à la nicotine se maintiennent jusqu’à l’arrêt des traitements substitutifs. Ils sont en particulier cardiovasculaires (augmentation de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque), mais au contraire du tabac, ils n’augmentent pas le risque d’accidents cardiovasculaires, y compris chez les patients atteints de maladie coronarienne, d’hypertension artérielle ou d’artérite. Des cas de convulsions ayant été rapportés à dose élevée, ils sont à utiliser avec précaution chez les sujets sous anticonvulsivants ou ayant des antécédents d’épilepsie.
Le bupropion a un effet inhibiteur de l’isoenzyme CYP2D6, qui persiste au moins 7 jours après la dernière prise. Sa coadministration est à même d’augmenter la concentration de médicaments à faible index thérapeutique comme certains antidépresseurs (imipramine, paroxétine), antipsychotiques (rispéridone), β-bloquants (métoprolol) et antiarythmiques (flécaïnide). Une adaptation de la posologie s’avère parfois nécessaire. Il ne doit pas être associé aux inhibiteurs de la monoamine-oxydase (IMAO), qui inhibent par un autre mécanisme le catabolisme des catécholamines (délai de 24 heures ou 14 jours selon la sélectivité des IMAO entre les deux traitements).
Mollo sur la caféine !
Présente dans le café, le thé, le Coca-Cola et autres boissons énergisantes, la caféine est l’un des substrats du CYP1A2. Lors du sevrage tabagique, la concentration plasmatique de la caféine augmente, ce qui entraîne des risques de surdosage en caféine. Il est utile de conseiller au patient de diminuer sa consommation de caféine en même temps que son sevrage. Dans le cas contraire, les conséquences d’un surdosage en caféine (irritabilité, tremblements, insomnies, céphalées, palpitations, etc.) pourraient s’ajouter à celles du sevrage tabagique.
Surveillance
Les possibles conséquences du sevrage tabagique sur certains médicaments impliquent de surveiller l’apparition d’effets indésirables ou de toxicité, notamment durant le premier mois suivant l’arrêt du tabac.
Pharmaceutique
Le pharmacien doit être particulièrement vigilant quant à la survenue d’effets liés au sevrage chez un patient sous traitement chronique, ce point devant être abordé à chaque délivrance de médicaments et/ou entretien de suivi, idéalement hebdomadaire. Outre les effets indésirables des traitements nicotiniques de substitution liés à une mauvaise utilisation, notamment surdosage ou sous-dosage, tout ressenti anormal du patient quant à son traitement chronique ou à sa pathologie doit conduire à interroger le médecin pour un ajustement éventuel des doses.
Médicale
L’équipe médicale doit rechercher des variations de la pression artérielle en cas de traitement par les ß-bloquants, des signes d’intoxication, par exemple à la clozapine (somnolence, confusion, tachycardie, dépression respiratoire), des signes d’hémorragie avec la warfarine, etc.
Biologique
La nécessité et les modalités de surveillance dépendent du traitement suivi par le patient. Il s’agit par exemple d’ajuster la posologie du médicament lors du sevrage en mesurant sa concentration plasmatique jusqu’à la stabilisation à des valeurs non toxiques (cas de la clozapine). D’autres surveillances peuvent être mises en place : le temps de Quick sous héparine, un contrôle de l’INR sous warfarine, etc.
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Avec la collaboration de Josiane Bassehila, praticienne attachée en toxicologie et pharmacovigilance à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris
Article issu du cahier Formation du n°3514, paru le 18 mai 2024
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