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« Je voudrais quelque chose contre la constipation »

Publié le 4 juin 2016
Par Nathalie Belin
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Le plus souvent bénigne mais source d’inconfort, la constipation fait l’objet de demandes fréquentes d’automédication. Délivrer le laxatif adapté nécessite toutefois de poser certaines questions.

1 Pour qui est-ce ?

UN HOMME ACCOMPAGNÉ DE SON FILS DE 2 ANS : Je voudrais quelque chose contre la constipation pour un enfant.

LE PHARMACIEN : C’est pour votre fils ?

– Non, pour sa petite sœur qui a 6 mois.

– Elle est nourrie au sein ?

– Oui, mais elle est en train d’être sevrée.

Toujours vérifier à qui est destiné le laxatif. Chez les nourrissons, la constipation est fréquente lors du passage au lait infantile. D’abord vérifier qu’il n’y a pas d’erreurs dans la reconstitution du lait (mesurettes inadaptées, poudre mise avant l’eau…), ni de prise d’épaississant (type Gélopectose) et que la courbe de poids est normale. Un changement de lait peut être proposé voire ponctuellement des suppositoires à la glycérine.

UNE FEMME DE 60 ANS : Donnez-moi du Lansoyl s’il vous plaît. C’est plus doux que la tisane Boldoflorine, non ?

LE PHARMACIEN : Oui… c’est pour vous ?

– Non c’est pour ma fille qui est enceinte.

La constipation est fréquente au cours de la grossesse. Dans cette situation, ni les laxatifs lubrifiants qui peuvent diminuer l’absorption de vitamines liposolubles, ni les laxatifs stimulants ne sont adaptés.

2 D’autres signes associés ?

UNE FEMME D’UNE CINQUANTAINE D’ANNÉE : Je suis à nouveau constipée, je ne sais plus quoi manger en ce moment !

LE PHARMACIEN : Vous avez changé vos habitudes ou votre alimentation ?

– Non. Mais depuis quelques temps, rien ne va : soit j’ai la diarrhée, soit je ne vais plus à la selle !

– Avez-vous constaté d’autres symptômes ? Du sang dans les selles ?

– Je ne crois pas… mais je ne suis pas en forme et je n’ai pas beaucoup d’appétit.

En cas de constipation ou de modifications du transit survenant sans raison apparente, en particulier chez un patient de plus de 50 ans, il faut rechercher des signes faisant suspecter un cancer colorectal : sang dans les selles, amaigrissement, alternance d’épisodes de diarrhées et de constipation. Un avis médical s’impose sans tarder !

3 Avez-vous des problèmes de santé ?

MME DURANT, 45 ANS : Bonjour. Ca se fait toujours l’huile Restrical ? Mon père est constipé malgré la prise de Forlax.

LE PHARMACIEN : Rappelez-moi, votre père est malade… ?

– Oui, il a la maladie de Parkinson.

La maladie de Parkinson (et ses traitements) favorise la survenue d’une constipation, tout comme la neuropathie diabétique, la sclérose en plaques, l’AVC, la paraplégie, les cancers… La prise d’un laxatif doux au long cours est alors conseillée. Si nécessaire, l’association ponctuelle à un autre laxatif est possible, mais pas de laxatifs lubrifiants chez un patient susceptible de présenter des troubles de la déglutition (risque d’inhalation bronchique).

4 Prenez-vous d’autres médicaments ?

UNE FEMME DE 70 ANS : Mon mari est alité depuis sa fracture de la cheville et souffre de constipation.

LE PHARMACIEN : Il prend des médicaments ?

– Juste contre la douleur… ça le fait dormir !

– Il s’hydrate bien ?

– Pas vraiment, il faut toujours que je lui rappelle de boire.

La prise d’opioïdes pendant plusieurs jours mais aussi de vérapamil, d’anticholinergiques, de sels d’aluminium ou de fer… est fréquemment à l’origine d’une constipation. Selon les cas, le traitement doit être réévalué ou un laxatif doux doit être prescrit. Proscrire les laxatifs de lest chez un patient qui ne s’hydrate pas assez, surtout s’il est alité (obstruction possible du tube digestif).

5 Quel est le contexte ?

UNE FEMME DE 30 ANS : Je voudrais une boîte de Contalax.

LE PHARMACIEN : C’est pour vous ?

– Oui.

– Vous êtes souvent constipée ?

– Parfois, mais ce médicament fonctionne bien !

Toujours insister sur le fait que les laxatifs stimulants se prennent très occasionnellement en dépannage pour la durée la plus courte possible car ils sont irritants pour la muqueuse intestinale et peuvent entraîner une dépendance lors de prises régulières (« rebond » de constipation à leur arrêt).

L’ESSENTIEL

On parle de constipation lorsque la fréquence des selles est inférieure à 3 par semaine, quand le patient a l’impression d’aller moins souvent à la selle ou devant des difficultés d’exonération. La constipation est favorisée par une modification du rythme de vie ou de l’alimentation, l’alitement, une déshydratation, la grossesse… mais aussi certains médicaments (ex : opiacés).

Les traitements

LAXATIFS DE LEST

Son de blé, pectines, fructo-oligosaccharides, mucilages (sterculia, karaya, guar, ispaghul, lin, psyllium…). Ils agissent en 48 heures. À prendre avec une grande quantité d’eau.

• Pour qui ? Dès 3 ans pour certains.

• Des effets indésirables ? Douleurs abdominales, flatulences, obstruction possible du tube digestif si prise avec trop peu d’eau.

• Quand les éviter ? En cas de suspicion d’occlusion intestinale, de fécalome.

Chez le sujet alité.

LAXATIFS OSMOTIQUES DOUX

Disaccharides et polyols (lactulose, lactilol, sorbitol…), macrogols. Ils agissent en 24 à 48 heures.

• Pour qui ? Utilisation possible chez les nourrissons (lactulose, lactilol) ; à partir de 6 mois pour les macrogols.

• Des effets indésirables ? Douleurs abdominales, ballonnements surtout pour les laxatifs sucrés.

• Quand les éviter ? En cas de syndrome occlusif.

LAXATIFS LUBRIFIANTS

Paraffine sous forme liquide ou solide. Elle agit en 24 heures environ.A prendre sur une courte durée.

• Pour qui ? A partir de un an selonles spécialités.

• Des effets indésirables ? Irritation et suintements anaux en cas d’usage prolongé ; pneumopathie lipidique, fibrose pulmonaire en cas d’inhalation bronchique (ne pas s’allonger dans les 2 heures suivant la prise).

Risque de diminution de l’absorption des vitamines liposolubles (A, D, E, K).

• Quand les éviter ? En cas de difficultés de déglutition, de syndrome occlusif ; chez les patients allongés ou les jeunes enfants en raison du risque de fausse-route ; en prise prolongée au cours de la grossesse et de l’allaitement (diminution de l’absorption de certaines vitamines).

LAXATIFS PAR VOIE RECTALE

Suppositoires, micro-lavements. Ils assurent une défécation en 30 minutes environ. Usage ponctuel.

• Pour qui ? A tout âge (utilisation possible chez les nourrissons).

• Des effets indésirables ? Brûlures, irritations anales.

• Quand les éviter ? En cas d’irritations anales ou de poussées hémorroïdaires.

LAXATIFS STIMULANTS

Plantes à dérivés anthracéniques (aloès, bourdaine, cascara, rhubarbe, séné), bisacodyl, laxatifs osmotiques salins (docusate de sodium, picosulfate de sodium, hydroxyde de magnésium), huile de ricin. Ils agissent en 8 à 12 heures. Usage ponctuel.

• Pour qui ? Dès 12 ans pour certains, en dernière intention.

• Des effets indésirables ? Douleurs et crampes abdominales, risque de déshydratation et troubles hydroélectrolytiques, accoutumance (maladie des laxatifs).

• Quand les éviter ? Déshydratation sévère, MICI, syndrome occlusif, grossesse et allaitement, insuffisance cardiaque, prise d’antiarythmiques.

MESURES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES

Choisir des aliments riches en fibres (légumes verts, fruits, légumineuses, céréales complètes…), boire suffisamment, pratiquer des exercices physiques réguliers, se présenter régulièrement à la selle.