1/7 – Principes généraux : comprendre les interventions pharmaceutiques

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L’intervention pharmaceutique Réservé aux abonnés

1/7 – Principes généraux : comprendre les interventions pharmaceutiques

Publié le 17 février 2025 | modifié le 18 février 2025
Par Stéphanie Satger
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Les interventions pharmaceutiques font partie intégrante de la démarche de pharmacie clinique et sont issues de l’analyse de l’ordonnance. Bien en connaître les principes généraux permet de mieux valoriser cette mission à l'officine.

La structuration des interventions pharmaceutiques (IP) réalisées à l’officine est indispensable pour assurer leur traçabilité. Par ailleurs, la documentation et l’analyse des IP est un enjeu majeur pour la reconnaissance du travail du pharmacien d’officine, tant par les patients que par les autres professionnels de santé et la collectivité.

Définition

Selon la Société française de pharmacie clinique (SFPC), une intervention pharmaceutique est une proposition de modification de la thérapeutique faite à l’initiative du pharmacien, en lien avec un ou des produits de santé. Elle comporte l’identification, la prévention et la résolution des problèmes liés à la thérapeutique chez un patient donné.

La formalisation de ces interventions, ainsi que la standardisation de la grille d’analyse et le recueil des IP contribuent à une mise en sécurité du patient, à maintenir une continuité de soins et participe à la démarche d’assurance qualité.

Tracer l’intervention pharmaceutique

La SFPC recommande que chaque intervention pharmaceutique soit tracée dans le dossier du patient et/ou sur la prescription. Par ailleurs, le recueil et la centralisation des IP est une démarche promue par la société savante avec pour buts :

  • d’obtenir une base de données individuelle propre à chaque officine, mais aussi collective afin d’évaluer qualitativement et quantitativement les interventions recueillies de façon anonyme ;
  • de contribuer au bon usage du médicament et de faciliter les échanges pluriprofessionnels par constitution d’un observatoire des pratiques pharmaceutiques. Cet observatoire permettra de contribuer à une meilleure connaissance des pratiques pharmaceutiques ainsi qu’à une valorisation de cette activité auprès des décideurs.

Dès 2003, la SFPC a créé en milieu hospitalier un outil de codification des IP, adapté par la suite à l’officine. À l’origine, le renseignement des IP se faisait sur papier. Mais depuis le 1er janvier 2022, une plateforme de recueil en ligne par les pharmaciens d’officine, Act-IP officine, élaborée par la SFPC avec l’union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens Grand-Est, est accessible gratuitement.

Pourquoi documenter les interventions pharmaceutiques ?

Valoriser l’activité de l’équipe officinale

Les interventions pharmaceutiques sont le reflet de l’activité d’analyse d’ordonnance au cours de la dispensation. En les comptabilisant, les officinaux démontrent qu’ils réalisent des IP quotidiennement. Le recueil des IP permet également de quantifier et de qualifier le travail intellectuel de dispensateur. Les données documentées dans Act-IP officine constituent un observatoire de santé publique soutenu par la SFPC, qui permettra la réalisation de larges analyses et études sur les pratiques pharmaceutiques à l’officine pour promouvoir la reconnaissance de ces activités auprès des décideurs ainsi que des organismes payeurs et de tutelle (ministères, mutuelles, agences de santé, etc.).

Améliorer ses pratiques professionnelles

Documenter et analyser les IP réalisées par l’équipe officinale permet d’améliorer le service rendu au patient. Il est ainsi possible d’identifier les classes thérapeutiques les plus génératrices d’IP et de mettre en place des actions de formation spécifiques.

Ces actions contribuent aussi à la démarche qualité. Elles concourent à améliorer l’examen des problèmes rencontrés et des actions mises en œuvre pour les résoudre.

Cette analyse permet en outre d’identifier des situations à risque : un patient est-il plus fréquemment associé à certains problèmes liés à sa thérapeutique ? Un prescripteur rencontre-t-il des difficultés avec certaines classes thérapeutiques ? Repérer ces situations permet de mettre en place des actions plus systémiques telle qu’une information aux prescripteurs.

Soutenir l’interprofessionnalité

L’analyse des IP déjà réalisées et acceptées par les prescripteurs permet de travailler avec ces derniers sur un livret thérapeutique local et concerté, ou sur un protocole de coopération afin de proposer de façon plus efficace des solutions face à une situation récurrente. Par exemple, un accroissement des ruptures d’approvisionnement étant actuellement observé, l’analyse des IP liées aux indisponibilités est une opportunité pour prévenir les interruptions dans la continuité de soins.

Un levier pour la prescription pharmaceutique ?

Outre les ruptures d’approvisionnement ou les erreurs réglementaires, les études déjà menées sur les IP en officine ont notamment révélé que les problèmes récurrents gérés par le pharmacien d’officine sont des adaptations de posologie (par rapport aux recommandations de traitement ou à l’historique du patient) ou encore des ajouts ou des arrêts de médicaments oubliés en cas de changements de traitements chroniques. Ces interventions sont acceptées dans 9 cas sur 10 par les prescripteurs. Face aux difficultés croissantes de recours aux prescripteurs, ces IP récurrentes pourront servir de base pour proposer la prescription pharmaceutique dans un cadre réglementaire national, facilitant ainsi la pratique quotidienne des pharmaciens d’officine et leur prise de responsabilité.

Freins à la démarche

Certains freins au déploiement massif des IP en officine ont été identifiés. Néanmoins, la plupart disparaissent avec la pratique ou seront levés grâce à des améliorations à venir.

Complexité

Le renseignement des IP s’appuie sur une grille de codification validée par la SFPC. S’il est nécessaire de l’utiliser pour renseigner efficacement ces IP, la pratique régulière de la codification permet de la mémoriser rapidement sans avoir besoin de se référer systématiquement à la documentation. Les nombreuses formations dispensées aux pharmaciens et aux étudiants en pharmacie montrent qu’en se confrontant à la codification d’une vingtaine d’IP types il est possible de s’approprier l’outil avec succès. En outre, il n’y a pas véritablement d’erreur de codification. Il peut arriver qu’un même problème soit codé de manière différente. La grille a été validée pour que plus de 90 % des utilisateurs puissent enregistrer un problème de la même façon.

Chronophage

Si, dans un premier temps, saisir des IP peut paraître un peu long, avec l’expérience, cette activité ne prend que quelques minutes. La plateforme de recueil en ligne Act-IP officine facilite cette tâche puisqu’il est notamment possible de renseigner les médicaments à partir de la base de données Thériaque et de récupérer les informations déjà saisies pour un patient lorsque plusieurs IP sont à identifier sur une même ordonnance. Le temps consacré à cette étape en fait gagner lors de la prise de contact avec le prescripteur.

Rémunération

À l’heure actuelle, le fait de renseigner les IP n’est pas spécifiquement rémunéré. Des pharmacies ont déjà reçu, à l’occasion d’expérimentations, une compensation financière pour la saisie et la remontée d’informations. En fonction de l’engagement de la profession dans cette pratique, il est possible qu’à l’avenir une rémunération puisse être perçue dans le cadre de la démarche qualité ou dans le cadre conventionnel.

Compatibilité avec les logiciels

Le site actip-officine fonctionne avec n’importe quel navigateur internet et n’importe quel système d’exploitation. Il suffit de rentrer les identifiants de connexion pour saisir des IP en parallèle de la facturation.

Si, actuellement, aucun des logiciels d’aide à la dispensation n’inclut dans ses fonctionnalités les IP, le site Act-IP officine permet à n’importe quel éditeur de logiciel métier qui le souhaite d’intégrer les IP dans son interface de facturation via une interface de programmation d’application (API). Cette fonctionnalité devrait être mise en place puisqu’il s’agit d’un critère du nouveau référentiel de certification des logiciels d’aide à la dispensation de la Haute Autorité de santé (paru le 25 janvier 2022) et que la grille de codification des IP fait partie des éléments techniques prévus pour l’e-prescription.

Intervention pharmaceutique versus dispensation adaptée

L’intervention pharmaceutique ne doit pas être confondue avec la dispensation adaptée, terme introduit dans l’avenant 20 à la convention nationale pharmaceutique signée en 2017 (Journal officiel du 29 mai 2020). Alors que l’IP propose une modification de la prescription, la dispensation adaptée par le pharmacien s’effectue « dans le respect de la prescription médicale ». Elle consiste en l’évaluation des besoins du patient par le pharmacien d’officine en fonction des symptômes perçus. Elle mène à une adaptation des quantités dispensées de certains médicaments prescrits « à la demande » ou « si besoin » selon une liste définie. Ce dispositif expérimental a pris fin en juillet 2022.

Réalisé par Julien Gravoulet, Felicia Ferrera Bibas, Sandrine Masseron, Éric Ruspini, Jean-Didier Bardet, Guillaume Gory-Delabaere, Cécile Bourrier, Stéphanie Satger, pharmaciens et pharmaciennes d’officine, membres de la Société française de pharmacie clinique (SFPC)

Article issu du cahier Formation du n°3544, paru le 11 janvier 2025