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S’inspirer de la nature

Publié le 11 décembre 2010
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La nature inspire les meilleures innovations, à l’image du velcro, qui a révolutionné notre quotidien. Dans ce domaine, la médecine se renouvelle : chercheurs et industriels se tournent aujourd’hui vers les mondes marin et microbien.

Affilogic Des alternatives aux anticorps monoclonaux

Dans le monde du diagnostic, les anticorps monoclonaux sont rois. Leur intérêt vient de leur affinité pour les protéines humaines, qui permet de développer des tests immunologiques fiables ou encore des méthodes de purification efficaces pour des molécules thérapeutiques. Pour autant, les anticorps sont loin d’être la panacée : de structure complexe, ils sont coûteux, et leur production demande de recourir à des animaux de laboratoire. La société Affilogic pense tenir des protéines capables de les concurrencer. Ses nanofitines seraient à la fois plus nombreuses, plus faciles à produire et plus modelables que les anticorps. Elles découlent, comme ces derniers, de molécules naturelles. La protéine d’origine a été isolée dans une bactérie retrouvée dans les geysers du parc Yellowstone : son rôle initial est de se lier fortement à l’ADN pour empêcher sa dégradation. A la grande surprise des chercheurs nantais, la protéine s’est montrée très stable, même après modification de la partie responsable de l’attachement à l’ADN. C’est ce qui a donné naissance aux nanofitines, capables de reconnaître d’autres ligands, et notamment les protéines humaines. Affilogic dispose d’ores et déjà d’une banque de 1 012 nanofitines différentes, soit un répertoire aussi riche que celui des anticorps produits par l’organisme. Les chercheurs pensent toutefois pouvoir en produire un million de fois plus !

Olivier Kitten, PDG d’Affilogic

« Des tests diagnostics à moins de dix euros avec la réponse en moins de trente minutes »

« Dans le monde, et notamment dans les pays les plus pauvres, existe la demande de tests de dépistage rapide où les réactifs ne seraient pas sensibles aux conditions extérieures, comme l’humidité ou la température, tout en restant économiquement abordables. Les nanofitines constituent à ce titre de bons candidats. Actuellement, nos partenaires industriels testent nos molécules, et nous saurons d’ici début 2011 dans quelle mesure ils sont prêts à investir pour développer des diagnostics basés sur les nanofitines. Un autre champ d’avenir pour Affilogic concerne la thérapie. Nous pouvons par exemple envisager de traiter certaines maladies intestinales grâce aux nanofitines : par leur grande stabilité, elles pourraient potentiellement résister à l’acidité gastrique et atteindre sans encombre le tube digestif. »

Carte d’identité :

Création : février 2010

Effectif : 5 personnes (dix d’ici à 2012)

Capital : 60000 euros

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Localisation : université de Nantes

Dates clés :

2005 : découverte des nanofitines

Octobre 2008 : rencontre entre Olivier Kitten et les deux chercheurs à l’origine de la découverte des nanofitines

Janvier 2009 : incubation de la start-up sur le site Atlanpôle

Mai 2010 : prix du groupe Thermo Fisher Scientific (prêt sur deux ans de 30 000 euros de matériel)

Juin 2010 : lauréat du concours national des entreprises innovantes

Nombre de brevets : 2

Un chiffre : 25,4 Md$, c’est le poids estimé des ventes en 2012 d’immunodiagnostics basés sur les anticorps (source Biophoenix)

Genfit Intervenir dès les stades précoces du diabète

Le diabète non insulinodépendant, qui représente la grande majorité des diabètes dans le monde, est évitable dans 60 % des cas selon la Fédération internationale du diabète. Mais les deux grandes difficultés sont le manque de traitement efficace contre l’ensemble des facteurs de risque du diabète ainsi que l’absence de diagnostic sûr du « prédiabète », l’état précédant la maladie, qui concernerait 5 millions de personnes en France et qui évolue dans 50 % des cas vers un diabète. C’est justement l’aire thérapeutique choisie par la société lilloise Genfit. Elle travaille d’une part à la mise au point de tests sanguins détectant les premiers dysfonctionnements des cellules pancréatiques responsables du diabète. D’autre part, son composé thérapeutique le plus avancé, le GFT505, vise à traiter le diabète, mais aussi le prédiabète et la stéato-hépatite non alcoolique. Ce modulateur de récepteur nucléaire agit sur l’expression de gènes impliqués notamment dans le métabolisme des lipides et des glucides. Les premiers essais cliniques de phaseII ont montré que la prise quotidienne de GFT505 diminuait de 25 % le taux d’insuline et de triglycérides et augmentait de 10 % le taux de bon cholestérol par rapport à un placebo. Genfit est actuellement en discussion pour céder le GFT505 à un partenaire international qui poursuivra son développement jusqu’à la commercialisation.

Jean-François Mouney, Président de Genfit

« Des médicaments compatibles avec une prise sur le long terme »

« Beaucoup de sociétés de biotechnologie passent inévitablement par la case start-up avant d’atteindre une taille critique et pouvoir être rentable. Cela n’a pas été le cas de Genfit, qui a réuni dès le départ quinze personnes et produit du chiffre d’affaires. La signature de quatre contrats d’alliance avec des partenaires de l’industrie pharmaceutique pour la création de médicaments y a été pour beaucoup. Nous avons aussi signé une quarantaine de conventions avec des groupes académiques, universitaires ou hospitaliers. Aujourd’hui, Genfit développe son propre pipeline avec des objectifs précis : concevoir des traitements sûrs et efficaces sur le long terme, indiqués aussi bien pour les sujets jeunes que pour les personnes âgées. Jusqu’à présent, le GFT505 n’a causé aucun effet indésirable. »

Carte d’identité :

Création : 1999

Effectif : 150

Localisation : parc Eurasanté, Lille

Capital : 80 millions d’euros

Dates clés :

1999 : création de Genfit

décembre 2006 : entrée en bourse du groupe Genfit

2007 : développement de l’activité de diagnostic

2008 : entrée en phase clinique du composé GFT505

Octobre 2010 : Genfit est nommé parmi les 10 projets biopharmaceutiques à suivre dans le domaine des maladies cardiovasculaires en 2011, selon la société d’expertise scientifique Windhover

Nombre de brevets : 130

Un chiffre : 1 milliard d’individus serait actuellement en phase de prédiabète, d’après des projections réalisées à partir du nombre de diabétiques

Glycomar Les animaux marins à la rescousse des maladies inflammatoires

Près de 80 % de la biodiversité de la planète se trouverait dans les océans. Etoiles de mer, éponges, vers marins et autres mollusques sont méconnus. Les animaux marins pourraient devenir une source riche de médicaments pour l’homme. La société écossaise Glycomar s’est créée avec cette ambition. Tout commence en 1999 avec la découverte dans le mucus d’une étoile de mer d’un composé susceptible de traiter l’asthme. Il s’agit d’un polysaccharide, dont la complexité est bien supérieure à celle de l’ADN : quatre sucres liés ensemble peuvent contenir jusqu’à 60 000 fois plus d’informations qu’une série de quatre acides nucléiques. Et beaucoup d’entre eux ont le potentiel de réduire l’inflammation sans causer de toxicité. Ainsi, Glycomar développe actuellement un polysaccharide qui mime l’action anti-inflammatoire de l’aspirine sans présenter les mêmes effets anticoagulants, dangereux pour les personnes hémophiles.

Charlie Bavington, PDG de Glycomar

« Découvrir des médicaments sans nuire à la biodiversité »

« Notre priorité est de nous intéresser à des espèces d’animaux marins et de micro-algues déjà décrites, et non pas à des espèces rares ou qui viendraient d’être découvertes. Les composés sucrés qui en dérivent ouvrent tout un nouveau pan de la biochimie, avec des retombées possibles non seulement dans l’industrie pharmaceutique, mais aussi dans la cosmétique et l’agroalimentaire. A ce jour, les maladies inflammatoires représentent la cible la plus importante de notre pipeline, mais nous avançons également dans le développement de polysaccharides efficaces contre les maladies infectieuses et certains cancers. »

Carte d’identité :

Création : 2005

Effectif : 18

Capital : 1,1 million d’euros

Localisation : Argyll, Ecosse

Dates clés :

1999 : découverte et brevet pour un premier polysaccharide issu d’un organisme marin

2007 : Glycomar développe une plate-forme de screening des molécules anti-inflammatoires

2009 : dépôt de quatre brevets sur le marché américain

Nombre de brevets : 4

Un chiffre : moins de 1 % des médicaments sur le marché sont inspirés de molécules marines