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MICROBIOME Dans quels cas les probiotiques sont-ils efficaces ?
Alors que leurs effets bénéfiques sont parfois contestés, les ventes de probiotiques sont en progression constante depuis plusieurs années. S’il est vrai que des preuves solides manquent encore dans de nombreux domaines, des effets positifs sont reconnus dans plusieurs maladies.
Le marché des probiotiques n’en finit plus de prendre de l’ampleur. Mais d’où vient cet engouement ? A en croire certaines associations de consommateurs (Que Choisir, décembre 2019), pas de leur efficacité, mais plutôt d’une bonne dose de stratégie marketing ! Il est vrai que, globalement, les preuves des bénéfices des probiotiques restent encore limitées. « Pour de nombreuses pathologies, on peine à obtenir plusieurs études concordantes qui permettraient de recommander telle ou telle souche », souligne le Dr Alexis Mosca, pédiatre au service de gastroentérologie et nutrition pédiatrique à l’hôpital Robert-Debré à Paris. Et de fait, l’efficacité d’un probiotique dépend de son implantation et de ses interactions avec le microbiote de l’hôte, forcément différent d’un individu à un autre. D’où de grandes variations individuelles d’efficacité voire parfois des effets contraires à ceux escomptés, faisant faire machine arrière et considérer avec la plus grande prudence les quelques résultats positifs obtenus.
Malgré ces difficultés, certaines souches de probiotiques ont montré des effets intéressants. D’ailleurs, des sociétés savantes s’appuyant sur des essais randomisés contrôlés leur accordent une place et les citent dans leurs recommandations. Les études les plus convaincantes sont relevées dans certaines maladies issues de trois domaines : la gastroentérologie, l’allergologie et la sphère génito-urinaire.
Fragiles intestins
Les gastroentérites aiguës de l’enfant, les diarrhées associées aux antibiotiques et le syndrome de l’intestin irritable (SII) sont sans doute les troubles pour lesquels il y a le plus de preuves de l’efficacité des probiotiques. En 2014, la Société européenne pédiatrique de gastroentérologie, hépatologie et nutrition (ESPGHAN) indiquait déjà dans ses recommandations de bonne pratique relatives à la gastroentérite que « de nouvelles preuves ont confirmé que des probiotiques étaient efficaces pour réduire la durée des symptômes chez les enfants atteints de gastroentérite aiguë », et citait, avec une recommandation forte, Saccharomyces boulardii (à une dose de 250 à 750 mg par jour, pendant cinq à sept jours) et Lactobacillus rhamnosus GG (dose supérieure ou égale à 1 010 CFU par jour, pendant cinq à sept jours). En 2017, le Groupe francophone d’hépato-gastro-entérologie et nutrition pédiatriques (GFHGNP) cite à son tour ces deux souches « pour diminuer l’intensité et la durée de la diarrhée aiguë » chez l’enfant et le nourrisson.
Outre cette indication, des essais cliniques randomisés ont également montré l’efficacité de S. boulardii CNM I-745 et L. rhamnosus GG en prévention de la diarrhée associée aux antibiotiques chez l’enfant et l’adulte1. Leur emploi est ainsi préconisé dans ce cadre2 avec une spécificité : dans le cas de la prévention de la diarrhée à Clostridium difficile, il est suggéré le recours à S. boulardii.
Les probiotiques occupent également une place croissante dans le syndrome de l’intestin irritable. Dès 2016, ils étaient cités en complément des traitements médicamenteux dans les recommandations de la Société nationale française de gastroentérologie3. Pour le Dr Chloé Melchior, gastroentérologue au CHU de Rouen (Seine- Maritime), trois probiotiques en particulier montrent des données solides d’efficacité dans le traitement du SII : Bifidobacterium infantis 35624, Lactobacillus plantarum 299v et une association de quatre souches Bifidobacterium longum LA 101, Lactobacillus helveticus LA 102, Lactococcus lactis LA 103 et Streptococcus thermophilus LA 104. « De nombreuses autres souches ont été étudiées mais en incluant généralement un nombre plus limité de patients. Parmi celles-ci, on peut encore citer l’association Lactobacillus plantarum CECT 7484, Lactobacillus plantarum CECT 7485 et Pediococus acidilactici CECT 7483 », ajoute l’experte, qui rappelle aussi que les patients essaient souvent plusieurs références avant d’en trouver une qui soulage leurs symptômes… et qui n’a parfois fait l’objet d’aucune étude clinique !
Concernant les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, où l’existence d’une dysbiose (déséquilibre du microbiote) est également avérée, l’association de huit souches bactériennes (VSL♯3)4 a montré son efficacité dans la prévention et le maintien en rémission de la pochite (inflammation du réservoir constitué après colectomie avec anastomose iléo-anale). Enfin, dans les coliques du nourrisson, plusieurs méta-analyses « convergent vers l’efficacité d’un probiotique issu du lait maternel, Lactobacillus reuteri Protectis », indique le GFHGNP, en précisant que cet effet est majoré chez des nourrissons en allaitement exclusif.
A fleur de peau
De nombreux arguments sont désormais en faveur de l’implication du microbiote intestinal mais aussi cutané dans l’apparition de certaines pathologies allergiques : asthme, rhinite allergique ou dermatite atopique. Il a été montré, par exemple, que le microbiote intestinal est globalement moins diversifié chez les personnes allergiques par rapport aux non-allergiques, et que cette dysbiose pouvait entraîner un défaut de maturation du système immunitaire. Il est par ailleurs désormais reconnu que le microbiote cutané est influencé par les conditions de vie, et cela dès la naissance avec le mode d’accouchement (par voie basse ou césarienne, qui donne une orientation différente à la flore digestive et cutanée), mais aussi au cours de la grossesse.
Ainsi, plusieurs études ont montré l’intérêt des probiotiques per os pour réduire le risque de dermatite atopique chez l’enfant lorsqu’ils sont administrés aux femmes enceintes durant le dernier trimestre de la grossesse, ou pendant l’allaitement, ou encore donnés aux nourrissons dès la naissance. S’appuyant sur ces données, l’Organisation internationale d’allergologie (World Allergy Organisation) propose l’emploi des probiotiques chez les femmes enceintes et allaitantes ainsi que chez les nourrissons lorsqu’il existe un risque élevé pour l’enfant de développer un eczéma (père, mère, frère ou sœur ayant des antécédents de rhinite allergique, d’asthme, d’eczéma ou d’allergie alimentaire) — les preuves concernant la prévention d’autres types d’allergie faisant en revanche davantage défaut. Parmi les probiotiques les plus étudiés dans ce condiv figurent des lactobacilles et des bifidobactéries, mais aucune recommandation officielle n’est émise à l’heure actuelle quant aux souches et dosages spécifiques à utiliser. Les résultats étant toutefois encourageants et la tolérance des probiotiques globalement satisfaisante, pour le Dr Alexis Mosca, « on peut proposer leur emploi en prévention chez la femme enceinte ou les nourrissons et enfants à risque, voire les essayer une fois l’eczéma diagnostiqué afin d’en améliorer les symptômes, bien que dans ce condiv leur bénéfice n’est pas encore démontré ».
Parallèlement, une autre approche du traitement de l’eczéma concerne l’utilisation de souches probiotiques au niveau cutané et notamment l’intégration dans des formules émollientes d’une bactérie commensale, Vitreoscilla filiformis. Des études cliniques versus placebo ont notamment montré que l’application d’une crème renfermant 5 % de lysat de V. filiformis améliorait significativement le SCORAD (outil d’évaluation de la dermatite atopique) à partir de la deuxième semaine d’application biquotidienne de la crème « probiotique ».
Le microbiote vaginal en équilibre
Certaines infections vaginales et urinaires sont liées à un déséquilibre du microbiote intestinal ou vaginal, ou des deux. C’est le cas tout particulièrement de la vaginose bactérienne dont les récidives sont très fréquentes, même après un traitement antibiotique bien conduit. Bien qu’il n’y ait pas de recommandations officielles sur ce sujet, de nombreux essais randomisés montrent que l’utilisation de probiotiques par voie orale ou vaginale durant plusieurs semaines ou mois, en association au traitement antibiotique, réduit les récidives de vaginose bactérienne. D’ailleurs, des médicaments utilisés par voie vaginale dans des vulvovaginites incluent des probiotiques (Trophigil, Florgynal, etc.). « Les résultats les plus significatifs sont effectivement obtenus avec la voie vaginale et des souches comme L. crispatus ou L. gasseri , des lactobacilles naturellement présents dans la flore vaginale, mais d’autres souches comme L. rhamnosus ou L. helveticus ont également montré un intérêt », note le Dr Jean-Marc Bohbot, infectiologue à l’institut Alfred-Fournier à Paris et spécialiste des infections urogénitales.
L’expert souligne des résultats intéressants avec ces mêmes souches dans les mycoses vaginales récidivantes (plus de quatre par an). Quant aux cystites récidivantes, une dysbiose peut parfois être en cause nécessitant alors de distinguer si elle a une origine intestinale (suspectée en cas de constipation, de ballonnements ou encore de douleurs abdominales) ou vaginale (se manifestant par des infections vaginales, candidose ou vaginose, mais pouvant aussi être asymptomatique). Là encore, pas d’indication officielle des probiotiques. Pourtant, « en cas de dysbiose intestinale avérée, les probiotiques recommandés dans le syndrome de l’intestin irritable peuvent améliorer les symptômes digestifs et diminuer les épisodes de cystites », constate le Dr Jean-Marc Bohbot. Dans les autres situations, les probiotiques par voie vaginale méritent selon lui d’être essayés, afin de traiter une dysbiose vaginale potentielle : « D’une part, ils ne nuisent pas ; d’autre part, même si les études publiées sont encore peu nombreuses et hétérogènes, plusieurs ont montré qu’ils réduisaient le nombre de cystites chez les femmes souffrant d’épisodes récidivants, d’autant plus chez celles qui sont fréquemment sous antibiotiques. »
1 « Probiotiques et prébiotiques », World Gastroenterology Organisation Global Guidelines, février 2017.
2 « Prévention de la diarrhée associée aux antibiotiques : recommandations d’experts », GFHGNP, septembre 2019.
3 « Prise en charge du syndrome de l’intestin irritable », SNFGE, septembre 2016.
4Lactobacillus plantarum, L. paracasei, L.acidophilus, L. delbrueckii, Bifidobacterium infantis, B. longum, B. breve et Streptococcus thermophilus.
À RETENIR
• Les preuves des bénéfices des probiotiques sont encore limitées, mais des effets positifs sont reconnus dans certaines maladies.
• Saccharomyces boulardii et Lactobacillus rhamnosus GG sont recommandées par des sociétés savantes en cas de diarrhée aiguë chez l’enfant.
• Les probiotiques seraient aussi intéressants dans la dermatite atopique et la prévention des récidives de vaginose bactérienne.
REPÈRES
LE MARCHÉ DES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES PROBIOTIQUES
Par yolande gauthier
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